Le regard de Serge Pegolotti, Commissaire Technique

Une compétition n’a de sens qui si l’on est en mesure de faire respecter une parfaite équité entre les concurrents. Cette équité incombe aux Commissaires Techniques qui doivent s’assurer de la conformité des voitures. Sur le Championnat de France de la Montagne, c’est Serge Pegolotti qui a pour mission d’encadrer les commissaires garants du bon respect de la réglementation.

Quel que soit le sport, il faut veiller à ce que les compétiteurs puissent se défier à armes égales. En sport automobile, la technique entre pour une large part dans les performances, il faut donc que les protagonistes aient la garantie que leurs adversaires n’utilisent pas des artifices capables d’accroitre leurs performances. Avant même que ne débute la saison, Serge Pegolotti est donc sollicité par les animateurs du Championnat, qui veulent s’assurer que les adaptations et les évolutions apportées à leur voitures répondent aux règles édictées par la FFSA. Ensuite, tout au long des week-ends de course, des vérifications qui se déroulent le vendredi jusqu’aux contrôles menés à l’issue des débats, les commissaires opèrent à différents contrôles.

Une enfance aux couleurs de Michelin
Bien plus que les pilotes, les Commissaires Techniques doivent être des passionnées de mécanique. Leurs connaissances en la matière doivent être exhaustives et ils se doivent de maitriser la réglementation sur le bout des doigts. Cette passion pour la mécanique, Serge Pegolotti l’a acquise dès l’enfance : « Tout gamin déjà je collectionnais les petites voitures », se souvient Serge qui a baigné dans le milieu de l’automobile, et plus spécifiquement du pneumatique dès sa plus tendre enfance : « Je suis natif de Clermont-Ferrand, et dans ma jeunesse toute la ville ’’vivait’’ Michelin. Tu naissais au sein de la clinique Michelin, tu te faisais soigner au dispensaire Michelin, tu nageais à la piscine Michelin, mon père travaillait bien évidemment chez Michelin et j’ai fait mes études à l’école Michelin. De ce fait, dès la 6ème, on nous proposait une approche des différents métiers que l’on retrouve au sein des usines du manufacturier, ce qui nous prédestinait à travailler ensuite chez Michelin. »

Sa passion pour l’automobile incitait Serge Pegolotti a se tourner vers des études d’ingénieurs dans ce domaine : « Mais dans les années 60, il n’existait pas en France d’école qui vous inculquait les métiers de l’automobile. Je voulais donc, une fois mon bac technique en poche, partir en Grande-Bretagne. Mais j’ai essuyé un refus de mon père qui voulait que j’intègre le centre de formation de Michelin… » Difficile de savoir si c’est par esprit de rébellion, ou pour découvrir un autre univers que celui qui, à Clermont-Ferrand avait bercé son enfance, que Serge décidait de passer des concours dans l’administration, pour finalement intégrer la Banque de France : « C’est une administration qui offre des facilités et un profil de carrière intéressant, j’y suis donc resté », évoque Serge qui débutait en qualité d’imprimeur et qui, grâce à ses talents de maquettiste et sa méticulosité, terminera graveur, métier qui a disparu aujourd’hui.

Mais l’idée de toucher à la mécanique ne s’estompait pas, et dès son retour du service national, Serge décidait, parallèlement à son emploi, de poursuivre des études dans ce domaine : « J’ai pris des cours par correspondance pour atteindre le niveau de technicien en génie mécanique, parce que je n’avais pas la certitude à l’époque de rester à la Banque de France. »

Ses compétences en mécanique permettaient à Serge Pegolotti, durant ses heures de libre, de travailler au sein de la structure Auvergne Moteur, qui à l’époque mettait au point les Escort de Gérard Pradelle, Henri Vuillermoz ou de Francis Dosières : « Grâce à cela, j’ai pu faire de la vraie mécanique de compétition et me rendre sur plusieurs courses de côte du Championnat d’Europe, et même sur des épreuves du Championnat du Monde des Rallyes telle que le Rallye de l’Acropole. Là j’étais vraiment dans mon élément. »

Durant un temps, Serge Pegolotti s’installait même derrière le volant en prenant part à divers épreuves régionales, en rallye et en courses de côte : « J’ai débuté avec une Autobianchi A112 Abarth, j’ai eu par la suite une Alpine 1600 S et une Ford Escort 2000 RS. Mais en 1980, mon Escort a fait une rencontre malencontreuse avec un arbre, et j’ai préféré mettre un terme à ma carrière de pilote. »

Commissaire technique depuis 40 ans !
S’il raccrochait casque et gants, Serge Pegolotti ne s’éloignait pas pour autant du sport auto, puisqu’en cette même année 1980 il prenait sa première licence de Commissaire Technique. Il deviendra Technique C en 1981, Technique B l’année suivante et dispose depuis 1986 d’une licence de Technique A.

Au milieu des années 80, la France voyait apparaitre les premières courses de camions, et la Fédération faisait appel à Serge pour encadrer l’aspect technique de la discipline. L’Auvergnat devenait le référent technique des courses de camion : « En 1997 était créé le Championnat dédié aux camions, et j’ai poursuivi en qualité de technique jusqu’en 2014, tout en opérant sur de nombreuses courses de côte, l’automobile restant mon domaine de prédilection. »

En 2015, Jacques Tanguy, alors responsable des Commissaires Techniques sur le Championnat de France de la Montagne, décidait de prendre du recul, et la FFSA faisait appel à Serge Pegolotti pour le remplacer.

Conseiller plutôt que Gendarme
« Je me présente plus comme un conseiller que comme un gendarme », confie Serge Pegolotti lorsqu’on lui demande comment il aborde sa fonction : « Les pilotes sont en demande de conseils lorsqu’ils ont un doute sur les opportunités techniques qui leur sont offertes. Ils veulent savoir jusqu’où ils peuvent aller, qu’elle est la ligne à ne pas franchir. »

D’ailleurs, bien avant que ne soit donné chaque année le coup d’envoi du Championnat, Serge Pegolotti est énormément sollicité par les animateurs de la discipline : « A partir du mois de février, je reçois entre cinq et dix appels par jour. Ce n’est absolument pas une contrainte pour moi. Je suis là pour répondre aux interrogations de chacun. Certains veulent savoir s’ils peuvent adapter des packages aérodynamiques d’une année postérieure à celle du modèle dont ils disposent, j’ai des questions sur l’ensemble des aspects techniques, sur les évolutions autorisées, ou ce qui est formellement proscrit. »

Sollicité au téléphone, Serge Pegolotti reçoit également des demandes des ténors du Championnat qui veulent s’assurer d’être en conformité avant que débute la saison : « Cette année, avant le début du confinement, je suis allé rendre visite au Team Schatz et au Team Petit qui m’avaient tous les deux demandé de venir faire les passeports de leurs nouvelles montures. Cela fait partie de ma mission, je prends donc le temps de regarder les voitures au plus près, ce qui permet aux équipes d’être par la suite en confiance. »

Mais la visite au sein du Team Petit faisait prendre conscience à Serge Pegolotti du poids des années : « A cette occasion, je me suis rendu compte que j’avais eu l’occasion de vérifier les voitures de Gérard Petit, par la suite celles de son fils Sébastien, et cette année de faire le passeport de la monoplace de son petit-fils, Axel… Ca donne un coup de vieux », plaisante Serge.

Apporter des conseils et pour Serge un des principaux rôles de sa mission, et s’il se présente plus comme un conseiller que comme un gendarme, il ne veut surtout pas donner le sentiment d’un quelconque relâchement dans les contrôles : « C’est pour cela que je mets un point d’honneur, sur chaque épreuve, à contrôler un domaine bien précis sur des voitures tirés au sort. Je ne veux pas que les pilotes puissent penser qu’ils passeront sans problème entre les mailles du filet. Si tu ne fais qu’un nombre limité de vérifications, les pilotes ont tendance, non pas a essayer de tricher, mais à franchir la ligne souvent très mince, qui les fait passer du côté de la non-conformité. »

La bonne entente entre les différents officiels qui interviennent sur les épreuves, permet à Serge Pegolotti de travailler en bonne intelligence : « Sur le Championnat de France de la Montagne je retrouve toujours les mêmes directeurs de courses et présidents de collège. C’est pour moi un réel confort parce que cela facilite la communication. Lorsque je souhaite mener à bien des contrôles, je sais pouvoir compter sur l’aval des officiels qui m’entourent. »

Ses 40 ans d’expérience, offrent à Serge Pegolotti une réelle légitimité auprès des pilotes : « D’ailleurs j’ai très rarement des problèmes avec eux. Sur les épreuves régionales, c’est parfois tendu avec certains concurrents, alors que sur le Championnat, les pilotes acceptent assez facilement nos décisions. Et finalement les tentatives de frauder sont plutôt rares. Et puis j’ai le sentiment que les pilotes me font confiance, et que quand je leur dis que quelque chose ne va pas sur leur auto, il rechigne rarement et me donne raison. »

Des approches différentes selon les régions
Comme toute mission déléguée par la FFSA, celle de Commissaire Technique présente son lot de difficultés. Elles ne sont toutefois pas nombreuses… Pour Serge Pegolotti, la principale difficulté vient d’un certain manque d’harmonisation dans l’approche que font les techniques. Non pas que les règles soient différentes suivant les épreuves, mais plus par manque d’habitude de certains commissaires : « Dans certaines régions, la course de côte n’a pas la même attractivité que d’autres disciplines, et de ce fait les commissaires techniques ne sont pas habitués aux spécificités de notre discipline. Je dois alors composer avec des spécificités régionales et être attentif à ce qui pourrait se présenter, dans des contrées peu habituées à la côte, comme un certain laxisme dans la préparation des voitures. »

S’il a pour habitude de laisser une certaine autonomie aux commissaires techniques qui l’entourent, Serge sait qu’il doit parfois être plus attentif : « Je tiens à ce qu’ils s’impliquent pleinement et remplissent l’ensemble des tâches qui nous incombent, il n’y a que comme cela que l’on peut progresser. Il faut impérativement savoir revaloriser leur travail. »

L’autre difficulté majeure vient de la topographie du terrain, car si les vérifications d’avant course se déroulent toujours dans des endroits adaptés, il n’en va pas toujours de même durant les contrôles qui se tiennent au cours du week-end : « Parfois, nous sommes en plein air, et suivant les conditions météorologiques, ce n’est pas évident de faire des vérifications techniques dans de bonnes conditions. Le cahier des charges du Championnat prévoit que nous disposions au minimum d’un barnum, mais ce n’est pas toujours scrupuleusement respecté », se désole Serge. « Il faut également avoir l’assurance de disposer d’un endroit approprié pour peser les voitures, une surface plane, qui interdit par la suite toute contestation, en cas de litige, devant la commission de discipline. »

Des autos de mieux en mieux préparées
En 40 ans d’expérience, Serge Pegolotti a eu tout le loisir de suivre de près l’évolution de la Course de Côte qui, selon lui, va dans le bon sens : « Nous avons aujourd’hui de belles autos. On ne trouve plus de voitures qui, comme c’était le cas il y a encore une dizaine d’années, tenaient avec ’’des bouts de ficelles’’. A présent les autos sont propres, fiables, et arborent de belles livrées. En termes de présentation, nous avons fait un grand pas en avant. Après, on a perdu certains amateurs qui n’ont pas pu suivre financièrement, et les plateaux ne sont plus aussi étoffés, même si chaque année, le nombre de pilotes engagés sur le Championnat de France de la Montagne va croissant. »

Des autos plus propres mais également, et cela va dans la logique des choses, plus performances : « Les voitures sont de plus en plus compétitives, et nous ne l’avons pas encore vu cette année à cause du confinement, mais pour la première fois sur le Championnat, un pilote va disposer d’un Proto 4 roues motrices sur le Championnat Sport. »

Très peu branché par l’électrique !
La tendance, en matière de mobilité, va vers l’électrique. L’avenir devrait faire émerger la prédominance des voitures disposant de moteurs électriques. Une nouvelle philosophie de la course se dessine, et Serge Pegolotti reconnait ne pas être adepte de cette évolution. L’Auvergne s’avoue même circonspect face ces changements : « Le Trophée Andros est passé au tout électrique et ne suscite plus autant l’adhésion du public. Les courses de Formule E ne seront jamais à mon sens à la hauteur de la F1, alors que l’empreinte carbone est quasiment la même, et on peut même penser qu’elle est à l’avantage de la F1 lorsque l’on sait comment sont rechargées les batteries électriques. On ne va pas se mentir, il manque le bruit d’un bon vrai moteur… »

Plusieurs personnalités de la course automobile ont nécessairement marqué la longue carrière de Serge Pegolotti qui, aujourd’hui, veut avoir un mot pour ceux qui durant ces quarante dernières années ont pu lui être d’une aide non négligeable : « La première personne qui me vient à l’esprit est Jean-Claude Desnoux. Il est mon suppléant sur le Championnat, et je suis le sien sur la 2ème Division. Cela fait 30 ans que nous travaillons ensemble et il règne entre nous une confiance sans faille. Je profite de l’occasion pour remercier tous les techniques qui évoluent sur le Championnat et qui sont tous des gens impliqués, ayant soif d’apprendre et de se perfectionner. Un immense merci à l’ensemble des Directeurs de Course et Présidents de Collège avec qui l’entente est toujours parfaite et avec qui je travaille en étroite collaboration. Je veux avoir une pensée particulière pour des hommes talentueux qui se sont succédé à la tête du département technique de la FFSA, je pense notamment à François Bernard, Michel Nandan ou Bernard Lindauer, qui étaient des techniciens très compétents grâce à qui nous avons pu voir une réelle évolution des règlements. »

En cette fin du mois de mai, Serge Pegolotti, comme bon nombre d’acteurs du Championnat de France de la Montagne, attend avec impatience la reprise des hostilités. Une reprise qui lui permettra de découvrir les nouveaux bolides qui vont animer le Championnat. Si vous êtes au volant de l’un d’entre eux, n’hésitez pas à demander à Serge un conseil, c’est toujours avec plaisir qu’il répondra à vos sollicitations...


Propos recueillis par Bruno Valette ©

 


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