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Afin de jouer les premiers rôles sur sa discipline de prédilection qu’est la Course de Côte, Fabien Bourgeon a fait un pari particulièrement osé, celui de concevoir et de construire la voiture qui le propulserait au sommet… Pari réussi, puisque c’est au volant d’une Revolt 3P0 de sa conception que le pilote de l’Ain a signé cette saison son premier succès sur une manche du Championnat de France de la Montagne.
A l’occasion de la remise des prix du Cfm-Challenge 2017, Fabien Bourgeon se voyait remettre le trophée récompensant le vainqueur du Challenge Open CM. L’année suivante, toujours au volant d’un TracKing de sa conception, il rééditait en accrochant une nouvelle fois la première place de ce Challenge.
Ces deux consécrations consécutives confirmaient que le vainqueur du Challenge Espoir 2014 était un pilote talentueux, et démontraient que le TracKing était une arme redoutable dans la catégorie CM. Mais si le proto conçu dans les ateliers de l’Ain permettait de jouer les premiers rôles en CM, sa motorisation lui interdisait de prétendre à la victoire au scratch.
Du TracKing à la Revolt
Il paraissait alors évident qu’après avoir dominé une catégorie de la tête et des épaules, Fabien Bourgeon se devait de franchir un échelon supplémentaire et viser la plus haute marche du podium. Pour cela, la facilité aurait voulu qu’il fasse l’acquisition d’un Proto évoluant en E2-SC, ayant d’ores et déjà fait ses preuves. Mais dans l’esprit de Fabien, s’il était parvenu à dominer la classe CM au volant d’une voiture de sa conception, il n’y avait pas de raison qu’il n’en fasse pas de même à l’heure de prétendre à la victoire sur une manche du Championnat de France de la Montagne. C’est de cette réflexion qu’allait naitre le projet Revolt.
Un projet audacieux, fou diront certains, tant la structure dont dispose Fabien, et dans laquelle on retrouve son père Dan, est réduite à sa plus stricte expression : « La plupart des constructeurs disposent d’une équipe forte de dix, quinze, voire trente intervenants pour mener à bien leurs projets. Nous, nous étions trois, et de ce fait la conception d’une nouvelle voiture représente un travail colossal », confie Fabien. « J’ai passé des centaines et des centaines d’heures derrière mon ordinateur, alors que mon père s’attelait à fabriquer ce que je concevais. Sachant qu’avant de fabriquer la voiture elle-même, il faut concevoir les moules, les marbres, tous les éléments de production qui entre dans la réalisation. C’est une somme de travail titanesque. »
Et pour ceux qui pourraient penser qu’en ayant déjà conçu le TracKing, la structure de Bourgeon Concept n’avait qu’à reprendre les bases de la conception pour fabriquer une nouvelle auto, Fabien précise que l’approche est nettement plus complexe : « Le TracKing propose un châssis tubulaire autoporteur sur lequel on vient fixer les différents éléments : carrosserie, trains roulants, et intégration du moteur. Sur le Proto Revolt, le châssis compte pour moitié dans la conception de la voiture et c’est le duo moteur / boîte qui fait l’arrière du châssis. Ca demande un travail de conception totalement nouveau. Et même si je disposais de l’expérience du TracKing, à l’heure de débuter la conception de la Revolt, je me suis retrouvé face à une feuille blanche avec des tas de choses à découvrir. »
Côté motorisation, le choix du V8 était un choix naturel au début du projet (début 2018) , l’essor du turbo ne battant pas encore son plein. «Et nous avons persévéré avec cette motorisation, puisque nous y croyons. » Et ce n’est pas innocent. Fabien Bourgeon se référait à l’adage qui dit que, ’’qui peut le plus, peut le moins’’ : « En effet, si nous étions en mesure d’intégrer un énorme V8 dans le Proto, à l’avenir, nous n’aurions pas de difficulté à adapter une motorisation plus réduite. De plus, c’est une motorisation fiable et éprouvée qui nous permettrait de nous concentrer sur le développement du châssis. »
La saison 2019 était donc consacrée à la conception et à la construction du Proto Revolt 3P0, avec pour objectif d’être présent pour l’ouverture du Championnat 2020, à Bagnols-Sabran, début avril : « Nous y serions peut-être parvenus, mais je dois reconnaitre que le laps de temps supplémentaire que nous a laissé la crise sanitaire nous a permis de peaufiner certains éléments. Et il est clair que si nous avions débuté la saison en avril, nous n’aurions pas été aussi performants que nous l’avons été sur le Mont-Dore », reconnait Fabien.
La structure Bourgeon Concept mettra donc à profit la pause supplémentaire qui leur était allouée pour parfaire le développement de la nouvelle Revolt 3P0 : « Clairement, cela nous a permis de comprendre la voiture, de jauger en partie son niveau de performance et non pas de poser les roues et de voir ce qu’il advenait sur la première épreuve. »
Mi-mars, la Revolt était posée sur ses roues pour finaliser la partie électrique et réaliser le passage au banc. A la mi-mai, l’équipe investissait un aérodrome pour effectuer les premiers tests aérodynamiques de la voiture : « Dès les premiers tours de roues le ressenti était bon. En ligne droite, à vitesse constante, en franchissant différents paliers, nous avons pu parfaitement étudier l’aérodynamique de la voiture et mesurer les charges et les hauteurs. Il apparaissait alors clairement que l’auto était saine, stable, et qu’elle ne représentait pas de danger. Cette étape de validation sur le comportement de la voiture était pour nous hyper importante. »
Huit séances d’essais sur le Circuit du Bourbonnais suivront les premiers tests et permettront de mieux cerner le comportement de la Revolt : « Ce fut en fait huit demi-journées durant lesquelles nous avons enchainé les séquences de deux ou trois tours. Cela nous a permis de résoudre les petits problèmes qui n’ont pas manqué de se présenter à nous. »
Adaptation à la vitesse sur le Mont-Dore
C’est un Fabien Bourgeon confiant qui se présentait au départ du Mont-Dore : « Les résultats obtenus lors des essais étaient plutôt pas mal, en tout cas encourageants et nous pensions que nous pourrions être compétitifs sur le Mont-Dore. » Mais finalement, même si le résultat est là, puisque Fabien accroche à deux reprises la troisième place, le week-end fut plus compliqué que prévu.
« Je n’avais absolument pas conscience que les essais en circuit n’allaient pas me permettre d’absorber la vitesse une fois sur la côte », explique Fabien. « Visuellement, l’effet de vitesse m’a carrément bloqué. Sur les premières montées, je ne parvenais pas à savoir où je me situais. Sous la passerelle du Mont-Dore, proche des 200 km/h, je ne savais plus où j’allais, juste le sentiment d’être au milieu d’une route… Avec une auto de 480 chevaux pour 580 kilos, tu as, dans tous les cas, le sentiment de subir la voiture, mais là j’ai vraiment pris une claque ! »
Les difficultés viendront également du fait que, sur les six montées inscrites au programme du Mont-Dore, Fabien n’allait voir l’arrivée dans de bonnes conditions qu’à trois reprises : « Samedi en début d’après-midi, j’ai commis une grosse faute de pilotage et je suis sorti. Heureusement, j’ai endommagé le minimum sur la voiture. Et au final, cette sortie nous aura permis d’engranger de précieux enseignements. Dimanche, j’ai commis une nouvelle erreur, moins grave. Mais pour une auto qui affichait au départ zéro kilomètre en Course de Côte, on ne peut être que satisfait des chronos », estime Fabien qui a progressé tout au long du week-end.
A deux reprises sur le podium lors de l’épreuve auvergnate, Fabien Bourgeon n’avait pas d’autre choix que d’attaquer pour tenter de signer un résultat probant : « C’est sûr qu’il aurait été peut-être plus facile d’aborder ce premier rendez-vous avec prudence, en essayant de mieux cerner encore la voiture. Mais nous étions conscients que le Championnat se déroulait cette année sur trois week-ends, et que pour faire progresser l’auto nous ne pouvions pas nous permettre de round d’observation. Il nous fallait attaquer au risque de faire des erreurs, pour ne pas perdre de temps dans notre plan de travail », estime Fabien qui, de plus, était attendu par les observateurs de la discipline qui, pour certains, n’auraient pas manqué de dénigrer la Revolt si son pilote avait accusé un retard conséquent sur ses adversaires.
La sensations de vitesses allaient une nouvelle fois gêné Fabien Bourgeon lors de sa première ascension de la Course de Côte de Turckheim, « mais ça s’estompera très vite par la suite », confie-t-il. Samedi, à l’issue de la première course, il montait une nouvelle fois sur la troisième marche du podium. Dimanche, c’est au deuxième rang qu’il terminait la course, derrière Sébastien Petit : « J’ai pris énormément de plaisir sur ce tracé plus large, plus typé circuit, qui permet des gros freinages offrant de gros appuis. Des trois épreuves de la saison, c’est celle sur laquelle nous étions le plus désavantagés du point de vue motorisation. Mais le moteur offre une souplesse qui m’a permis de me mettre en confiance, certainement plus que si j’avais disposé d’un turbo », analyse Fabien. « Ce que je retiendrai de Turckheim, c’est que j’étais loin de ce que pouvais faire la voiture, donc c’est hyper rassurant. Au final le seul bémol du week-end c’est la sortie de Geoffrey (Schatz), car ce sont des choses que l’on n’a jamais envie de voir, même s’il s’en tire sans blessure. »
Premier succès de la Revolt 3P0
La 50ème édition de la Course de Côte de Bagnols-Sabran restera à jamais marqué dans l’esprit de Fabien Bourgeon. Sur l’épreuve gardoise, le pilote de l’Ain allait s’offrir sa toute première victoire sur le Championnat de France de la Montagne. Un premier succès obtenu au volant d’une Revolt de sa conception, et qui vient récompenser le fruit de deux années d’un travail sans relâche.
« C’était espéré mais ça reste inattendu », reconnait Fabien. « En clair, nous nous étions dit que si nous étions bien sur le Mont-Dore et à Turckheim, ça pourrait sourire à Sabran où le terrain convient mieux à la motorisation de la Revolt. Et même si Sabran est une course un peu spéciale pour moi (on se souvient qu’en 2017, Fabien avait été victime d’une grosse sortie de route sur cette épreuve, ndlr) j’avais à cœur de bien faire. »
Samedi, Fabien Bourgeon remportait donc au volant de sa Revolt 3P0 sa toute première victoire sur une épreuve du Championnat : « Emotionnellement c’était très fort. C’est pour moi la meilleure des façons de remercier tous ceux qui nous sont venus en aide. C’est un sentiment incroyable de s’imposer devant des pilotes aussi expérimentés que Geoffrey (Schatz) et Seb (Petit). Les conditions n’étaient pas faciles, et c’est d’autant plus satisfaisant. »
« Il n’y a rien à jeter », lâche Fabien lorsque l’on évoque le bilan de cette saison 2020. « Même ma sortie au Mont-Dore a été bénéfique car elle nous a permis de corriger des réglages qui n’étaient pas optimisés. Pour le reste, les résultats sont là, nous signons un premier succès, la voiture dispose d’un énorme potentiel, et il est clair que les saisons 2021 et 2022 seront consacrées à la poursuite du développement de la voiture. Même si elle est d’ores et déjà performante, il y a en effet encore beaucoup de domaines sur lesquels nous pouvons travailler. »
La Revolt qui a remporté cette année la Course de Côte de Bagnols-Sabran est à la vente. Elle devrait pouvoir faire le bonheur d’un pilote qui souhaiterait défier les ténors du Championnat : « Nous sommes constructeurs, il est donc logique de construire des autos et de les vendre par la suite. Nous essayerons d’en construire d’autres et de les mettre sur le marché, comme nous poursuivons la fabrication et la vente des TracKing. »
Pour 2021, c’est donc au volant d’une nouvelle Revolt que Fabien Bourgeon viendra disputer le Championnat, dotée d’une nouvelle motorisation. On peut être certain que Fabien et son équipe feront le pari d’une auto qui leur permettra d’atteindre leur ultime objectif !
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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