Paul Reutter domine le GT de Série

S’il n’a plus rien à démontrer sur les rallyes de la région Grand-Est, Paul Reutter avait tout à prouver sur le Championnat de France de la Montagne qu’il découvrait cette saison. « Polo » a finalement totalement dominé son sujet, en phagocytant le GT de Série, et en venant au volant de sa Porsche GT3, s’immiscer parmi les GTTS.

Il n’y a pas de hasard… Pas plus dans la passion que voue Paul Reutter pour la compétition automobile, que dans le prénom dont il a hérité à sa naissance. Son prénom justement, il lui vient d’un oncle que Paul n’a pas connu, mais qui était un amoureux de la vitesse et des belles mécaniques, et qui malheureusement perdra la vie dans un accident de deux roues. Sa passion, elle lui a été transmise par Francis, son père, qui ne cachait pas son admiration pour les Alpine, et qui ne manquait jamais d’amener son fiston lorsqu’il se rendait à des sorties en Berlinette.

Et si c’est avant tout vers la préparation mécanique, domaine dans lequel il excelle et qui n’a aucun secret pour lui, que vont les faveurs de Francis Reutter, Paul avait quant à lui l’envie bien ancrée de s’installer derrière le volant. Trop jeune pour assouvir sa passion naissante, Paul rêvait d’avoir comme les copains la possibilité de se faire plaisir en deux roues : « Mais le souvenir de la disparition tragique de mon oncle engendra un refus définitif de mon père », se souvient Polo. Conscient que son fiston partageait pleinement sa passion, Francis lui offrait toutefois la possibilité d’analyser ses prédispositions pour le pilotage, en karting : « J’ai alors commencé à bosser pour gagner un peu d’argent afin de pouvoir rouler en compétition au niveau régional. »

Conduite accompagnée, ou apprentissage au pilotage ?
Avant même d’avoir le permis de conduire, le jeune alsacien s’initiait à la conduite accompagnée, toujours aux côtés de son père, dans l’habitacle d’une Renault 8 Gordini : « Plus que de la conduite accompagnée, c’était une initiation au pilotage, puisque nous allions sur la montée de Turckheim et il m’expliquait les notions de trajectoires et les endroits où il fallait freiner », se souvient Paul. « Pour mon premier week-end de conduite accompagnée, nous avons fait un aller-retour Alsace - Paris. C’est dire si j’avais envie de conduire. »

En plus d’accompagner son père lorsqu’il prenait part à des slaloms, Paul Reutter faisait l’acquisition d’une BMW, et le soir venu, s’initiait à la glisse sur les ronds-points et les routes à l’adhérence précaire : « J’avais une 325 I, une auto que j’utilisais tous les jours et dans laquelle j’ai monté un arceau pour prendre part à ma première course. Je me souviens avoir fait un premier rallye sur lequel j’ai cassé une commande de boîte dès la première spéciale. »

Paul changera par la suite de monture, mais restera fidèle à BMW, puisque la 325 était remplacée par une M3 groupe N : « Mes moyens étaient très limités et je n’ai dû prendre part qu’à cinq ou six courses en deux saisons. » En 2002, c’est une version Groupe A qui succédait à la groupe N : « Mais là j’ai connu une successions de problèmes moteurs, et je n’ai pas énormément roulé, parce qu’avant d’avoir les moyens de réparer, il s’écoulait souvent pas mal de temps. »

Le coût exorbitant que représente une saison de rallye incitait Paul Reutter à prendre du recul, et à se concentrer sur des activités tout aussi passionnantes mais moins onéreuses : « J’ai acheté une Alpine A310 V6 avec laquelle j’ai notamment fait le tour de la Corse avec le Club Alpine, en roulant pour le plaisir. J’ai également fait quelques ouvertures de rallye, mais ce n’était pas une auto adapté pour ce genre de chose. »

Nous sommes fin 2009, quand un ami de Paul Reutter lui fait savoir qu’il vend sa Porsche 996 GT3 : « C’était une auto qui avait roulé en circuit, sans être une vraie auto de course, mais qui avait été trop sollicitée, depuis trop longtemps, pour en faire une routière qui aurait convenue à un puriste de la marque », explique Paul. « Nous étions plusieurs à vouloir l’acheter, et il a préféré me la céder sachant ce que je voulais en faire. »

L’auto était bien évidemment destinée aux rallyes, discipline de prédilection de Paul : « J’avais pris pour habitude de regarder sur internet les prestations de François Delecour, qui courait en rallye au volant d’une Porsche, et j’avoue que ça me faisait envie. »  La voiture était rapidement configurée pour prendre part à ses premières épreuves, et après cinq ans d’interruption, Paul Reutter affrontait à nouveaux les spéciales. Les résultats seront rapidement au rendez-vous, puisqu’en cette année 2010 il terminait deuxième du Rallye de La Plaine et des Cimes, deuxième de l’Alsace Bossue avant de s’imposer au scratch sur le Rallye de Nancy, et de prendre part au Rallye du Var où il terminait en tête de la classe GT10.

Son palmarès allait rapidement s’étoffer avec des victoires au scratch sur de nombreux rallye de la région Grand-Est, avant que fin 2012 Paul ne vende son Alpine et sa 996 GT3, pour acquérir une autre Porsche, une 997 GT3. A son volant, il allait devenir une référence sur les rallyes de sa région, en accumulant les victoires pour compter à ce jour 25 succès.

Au volant de sa Porsche 996, Paul Reutter avait eu l’occasion de prendre part à la Course de Côte de Turckheim, une expérience qui lui avait laissé un bon souvenir. Aussi, en 2013, il décidait d’affronter à nouveau le tracé alsacien avec sa 997 GT3. Par la suite, à plusieurs reprises, il s’imposait en GT de Série sur cette manche du Championnat de France de la Montagne, ce qui allait l’inciter à accroitre ses participations : « J’avais envie de découvrir autre chose, et quand j’ai vu qu’à Turckheim j’étais systématiquement devant Dominique Vuillaume qui avait accumulait les titres dans la catégorie, j’ai eu envie de me lancer. »

Des succès en guise de découverte
Paul Reutter allait donc en cette année 2018 découvrir les épreuves du Championnat de France de la Montagne, car excepté celui de Turckheim, les autres tracés lui étaient totalement inconnus : « J’avais donc comme seule préoccupation de savoir quel serait mon niveau de performance sur des épreuves que j’allais découvrir. Je partais dans l’inconnue, et sans voiture de reconnaissances, je ne pouvais compter que sur l’aide de Sébastien Petit, des frères Schmitter ou de Nicolas Werver qui m’embarquaient avec eux pour me familiariser avec les tracés. »

Compétiteur dans l’âme, Paul Reutter ne peut pas tirer une totale satisfaction de sa 10ème place à Bagnols-Sabran, même si elle est assortie d’un succès en GT de Série : « Je suis content parce que les temps sont là, que j’ai bien assimilé le terrain… Mais un peu déçu parce que mon manque d’expérience dimanche matin m’a incité à chausser des pneus en tenant compte que la piste était encore humide. Les autres sont partis en slicks, et ont signé de bien meilleurs chronos, alors que tout allait se jouer sur cette première montée. Je suis donc content, mais quand tu as pris pour habitude de te battre devant, tu ne peux pas te satisfaire d’une dixième place. » Des regrets d’autant plus justifiés que, sur les deux montées suivantes, sous la pluie, Paul signait par deux fois le troisième temps !

Le Col Saint Pierre allait permettre à Paul Reutter d’accélérer la cadence, et s’il signe un nouveau succès en GT de Série, c’est cette fois en plaçant sa Porsche au sixième rang : « On m’avait dit qu’il fallait quatre ou cinq ans pour être à son aise sur cette épreuve. Je me suis dit que je verrais bien et j’ai appréhendé cette course comme les autres. Finalement, j’ai eu le sentiment d’être plutôt bien d’entrée de jeu. »

Pour un pilote de rallye qui a l’habitude de s’exprimer longuement derrière le volant, le court tracé d’Abreschviller lui laissait un goût d’inachevé : « Faire une montée en tout juste une minute, c’est un peu frustrant. Mais si je reste sur ma faim, je suis tout de même content du résultat », confie Paul qui place sa Porsche à la septième place et qui s’impose une nouvelle fois en GT de Série.

Ces trois premières participations de la saison faisaient prendre conscience à Paul Reutter que ce n’est pas du côté du GT de Série qu’il devait faire ses preuves, mais en allant chercher si possible certains pilotes évoluant en GTTS. Absent sur les épreuves de l’Ouest, il relançait par la suite sa campagne à Marchampt : « Contrairement à Abreschviller, là on a pu rouler… J’ai passé un bon week-end, sans faire d’erreur, en étant dans le coup. J’ai bien aimé le parcours, mais j’ai eu plus de mal à contrer les Supercopa qui sont parvenues à me devancer. A ce moment-là, je me suis fixé comme objectif de terminer devant les groupes A », confie Paul qui se classe dixième, bien évidemment en tête des GT de Série.

A nouveau dixième à Vuillafans, cette fois encore les Supercopa prenaient l’avantage, mais Paul signait tout de même une performance de tout premier ordre : « J’ai beaucoup aimé cette épreuve, mais je manquais d’expérience du tracé et il m’aurait fallu deux montées supplémentaires pour parvenir à vraiment être bien. Il est clair que face à des pilotes qui connaissent parfaitement, c’est pénalisant. Mais je retiendrai avant tout que je commençais vraiment à bien cerner les spécificités de la discipline. »

On se souvient que, même si le tracé de Dunières manque d’adhérence, c’était l’une des épreuves préférées de Dominique Vuillaume, course sur laquelle il avait l’habitude de signer d’excellents résultats. En serait-il de même pour Paul Reutter qui découvrait l’épreuve auvergnate ? Sa cinquième place finale démontrait qu’il n’avait rien à envier à son prédécesseur : « J’ai été agréablement surpris par l’adhérence. Ça tient beaucoup mieux qu’une route de rallye où tu dois composer avec le passage de quatre roues motrices qui ont ramené graviers et boue sur le parcours. Donc pour moi c’était plutôt sympa, et à partir de là je pense avoir fait tous les records en GT de Série. »

Comme beaucoup de pilotes, Paul Reutter tombait sous le charme enchanteur du Massif du Sancy où se déroule la Course de Côte du Mont-Dore : « Le paysage est grandiose, le tracé très sympa, assez technique. Là encore on m’avait dit qu’il fallait compter trois participations avant de songer faire des temps, et finalement à la sixième montée, je fais le record, donc de quoi être totalement satisfait », avoue Paul qui se classe au neuvième rang.

A Chamrousse, Paul Reutter allait s’immiscer à la lutte entre GTTS pour finalement placer sa Porsche au quatrième rang, entre la BMW M3 E92 de Yannick Poinsignon et la Renault R.S. 01 de Philippe Schmitter : « Je suis d’autant plus content que j’ai abordé cette épreuve à l’économie, et que j’ai fait mes montées avec des vieux pneus. J’ai chaussé les pneus les plus frais pour la dernière montée, et j’améliore de près de six secondes en battant le record que détenait Christian Schmitter. » A l’issue de la dernière montée, Paul recevait d’ailleurs un sms du même Christian Schmitter sur lequel il pouvait lire « enfoiré ! » suivi d’un énorme smiley…

Compte tenu des performances enregistrées par Paul Reutter sur les épreuves qu’il découvrait, on se doutait qu’à Turckheim, où avait déjà eu l’occasion de rouler, l’Alsacien allait se mettre en valeur. A l’arrivée, c’est à la cinquième place que l’on retrouvait sa Porsche : « Là encore j’ai disputé la majorité du week-end avec des vieux pneus, avant de prendre les plus frais pour les deux dernières. Au final, je termine par un temps en 2’59’’4 qui me permet de battre le record qu’avait réalisé Pierre Courroye avec la GT2. Et ça pour moi c’est une référence. »

Vainqueur Production sur la Finale de la Coupe
En 2011, Paul Reutter avait eu l’occasion de se qualifier pour la Finale de la Coupe de France des Rallyes. Une participation qui s’était soldée par un abandon sur une rupture de cardan dès la première spéciale. Cette année, à Urcy, sur la Finale de la Coupe de France de la Montagne, l’Alsacien allait connaitre un tout autre scénario. C’est en effet lui qui terminait en tête des Production, en remportant au passage le GT de Série : « Pour une première finale en Montagne c’est sympa, d’autant que c’est la première fois qu’une GT de Série s’impose sur la finale. J’ai passé un super week-end en mettant à profit les nouveaux pneus que Michelin avait mis à ma disposition. » Vainqueur de la précédente édition, Geoffray Carcreff ne manquait pas de féliciter son successeur, et ne cachait pas son étonnement de voir la Porsche le devancer. « C’est une reconnaissance qui fait chaud au cœur », confie Paul.

Pour terminer la saison, Paul Reutter se rendait à Gubbio pour participer aux FIA Hill Climb Masters. Une participation qui lui laissera d’excellents souvenirs même si l’Alsacien connaissait une petite mésaventure : « J’ai été gêné par un pneu de protection qui trainait sur la route alors que je réalisais ma meilleure montée. Mais pour le reste, ça me laisse de très bons souvenirs et ce fut une magnifique expérience de devancer de grosses autos. »

A l’heure de faire le bilan de sa première saison en Course de Côte, Paul Reutter ne peut être que pleinement satisfait : « Je suis parvenu à battre les records détenus par Pierre Courroye et Christian Schmitter qui évoluaient alors avec des autos de 600 chevaux, bi-turbo, alors que je suis en atmosphérique. Ça tend à démontrer que je suis allé chercher ces temps non pas avec la puissance moteur, mais au volant, et c’est enthousiasmant. Je pense que pour un pilote qui découvrait le championnat, avec une auto qui est restée en configuration rallye et qui n’a que les pneus dédiés à la côte, les performances sont bien là… », analyse Paul. « En prime, j’ai remporté la Finale de la Coupe, donc pour moi le bilan est parfait. Je n’ai finalement qu’un regret, c’est de n’avoir pas eu le budget pour disputer la totalité du Championnat, parce que je pense que j’aurais pu accrocher la quatrième place. »

Amis, soutiens, partenaires, tous peuvent être fiers du parcours de « Polo » qui a cette saison marqué les esprits. De son côté, Paul ne veut pas oublier ceux qui furent des soutiens inconditionnels : « Un grand merci à ma compagne Stéphanie (Bechtold, qui est également sa copilote en rallye, Ndr) qui est non seulement un soutien, mais également une source de motivation, merci à mon père qui m’a transmis la passion et qui a suivi cette saison mes prestations, Jean-Pierre qui était fréquemment à mes côtés, Damien de chez Motul, Nicolas de chez Drift Shop, Joseph et Joffrey de la société Kovacic, la Carrosserie Lang. Merci également au Team Petit CroisiEurope qui m’a aidé tout au long de la saison, à Nicolas Werver qui m’a accompagné et je n’oublie évidemment pas Gillou (Simon), qui non seulement m’a apporté un soutien technique et qui m’a avant tout motivé à venir sur cette discipline. Merci également à Joël Malherbe de chez Michelin, à Nicolas Millet pour ses photos et à Pilotes TV pour ses reportages vidéo.  »

Pris par des obligations professionnelles et par un manque de budget à consacrer à la course, Paul Reutter ne sait pas pour le moment de quoi sera faite sa saison 2019 : « Nous construisons un nouveau bâtiment pour mon entreprises, ce qui me prend du temps. Après, je verrai si mes résultats me permettent de trouver des financements. Mon rêve ça serait de rouler avec une GTTS, mais je me vois mal me séparer de ma Porsche qui est polyvalente et que je peux aligner tant en côte qu’en rallye. Donc, pour l’heure, rien n’est décidé pour 2019. »


Propos recueillis par Bruno Valette ©

 

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