Quelle que soit l’issue des 24 Heures du Mans, qui se disputeront les 18 et 19 juin, lundi matin, à l’issue de la mythique épreuve sarthoise, c’est en compagnie de Norbert Santos que Romain Dumas s’envolera pour les Etats-Unis, direction le Pikes Peak. Le patron de Norma Auto Concept et le pilote alésien seront bien évidemment accompagnés dans leur périple américain par toute une équipe, dévouée à la réussite d’un projet pour le moins original.
Vainqueur de l’édition 2014 de la célèbre Course de Côte courue dans le Colorado, Romain Dumas tentera de s’imposer à nouveau. Mais cette fois, c’est au volant d’une Norma totalement novatrice, puisque disposant de quatre roues motrices.
Une innovation qui, bien évidemment, oblige ses concepteurs à faire face à de nombreuses contraintes dans la réalisation de ce prototype : « Nous sommes partis d’une feuille blanche, en tenant compte du cahier des charges élaboré par Romain », confie Norbert Santos. « Créer un prototype avec un transfert de la puissance vers les roues avant, est une première. Il faut donc tout imaginer. Cela passe par la planche à dessin, avant de calculer la faisabilité des différents éléments en fonction de nombreux paramètres, et enfin la réalisation de la voiture. »
Une Norma totalement innovante
Car si la Norma M20 RD Limited ressemble à celle avec laquelle Romain Dumas avait inscrit son nom au palmarès du Pikes Peak en 2014, pour ce qui est de sa conception, elle est totalement nouvelle : « Le moteur est beaucoup plus avancé, ce qui nous oblige à modifier la répartition des masses. Contrairement au modèle précédent, cette version dispose de quatre roues de taille identique », précise Norbert Santos. « Pour nous, ce qui a été le plus difficile à réaliser, fut de respecter l’objectif de poids que nous nous étions fixés, à savoir ne pas dépasser 610 kg. Parvenir à un tel poids avec une 4 roues motrices est un exercice compliqué. »
D’autant plus qu’il était hors de question pour Norma Auto Concept, qu’un gain de poids se fasse au détriment de la sécurité : « Nous voulions conserver les éléments de sécurité qui correspondent aux normes établies pour les crash-test des Protos 3 litres. Tout cela a été respecté, tant au niveau du châssis, que du crash box et du roll-bar, qui est particulièrement renforcé. En clair, nous sommes partis d’un crash-test validé par la FIA, et nous nous sommes obligés à respecter les normes édictées sans dépasser les 610 kg. »
Lors des freinages, les sollicitations d’une 4 roues motrices sont différentes de celles exigées par une propulsion. Là encore, le constructeur de Saint-Pé-de-Bigorre a dû innover pour que les quatre roues freinent de manière identique : « Nous avons également été confrontés à la nécessité d’adopter une direction assistée. Même pour un immense sportif du niveau de Romain Dumas, il n’était pas envisageable de dompter autant de puissance sur les roues avant, sans l’aide d’une assistance. Là encore, il a fallu concevoir de nouveaux éléments, et résoudre une foultitude de difficultés dans un laps de temps très réduit. »
Compte tenu du nombre important de problèmes à résoudre pour parvenir à concevoir un tel prototype, on est en droit de se demander pourquoi Norma, et son pilote phare, ne se sont pas contentés de faire évoluer la voiture victorieuse lors de l’édition 2014 : « L’étude des acquis enregistrés il y a deux ans, ont fait apparaitre comme une évidence le choix d’une 4 roues motrices. L’altitude de Pikes Peak, qui pénalise la charge aérodynamique, associée au manque de grip et aux températures ambiantes, démontrent le bien fondé de notre choix. En 2014, les datas mettent en évidence que nous avions du patinage jusque sur le cinquième rapport. La motricité en sortie d’épingle était loin de répondre à nos attentes, et nous avions été obligés de ’’dégrader’’ la puissance sur les premiers rapports de boîte pour favoriser l’adhérence. C’est le genre de soucis que nous devrions éviter avec une 4 roues motrices. »
Romain Dumas n’a pas eu encore l’occasion de tester sa nouvelle monture sur la montée du Pikes Peak, mais les essais qu’il a menés sur le circuit de Pau-Arnos et le Pôle Mécanique d’Alès, ont démontré, par rapport à la version 2014, un gain phénoménal à l’accélération. Un gain qui fait dire au pilote gardois que sa voiture est une véritable fusée. Une fusée qui a couvert plus de 200 kilomètres d’essais sans rencontrer le moindre souci technique, et qui affiche un rapport poids/puissance de 1, c’est-à-dire 610 kilos pour 610 chevaux : « Nous tenions à être sur ce rapport 1. Concevoir une voiture avec un tel rapport poids/puissance, sur un modèle avoisinant les 1000 kilos, permet de disposer d’une auto performante. Mais un tel rapport sur une auto de 610 kilos, rend la voiture très compétitive. Le poids est un élément prépondérant. L’inertie de la masse n’est absolument pas la même sur une voiture aussi ’’légère’’. »
C’est en étroite collaboration avec Romain Dumas que Norma a conçu la Norma M20 RD Limited Spec-2016. Mais d’autres intervenants ont travaillé sur le projet, chacun dans son domaine de prédilection. « Nous avons fait appel à Arnaud Mounier, qui dirige la société Emap, et qui a pris en charge la gestion moteur. Alain Chabord a réalisé un échappement qui est une véritable merveille, certainement une des plus belles pièces qui m’ait été donné de voir. Tant par sa conception que par son poids, Chabord démontre qu’il est un orfèvre en la matière. Nous avons également eu l’appui de Sadev dans la réalisation de nombreuses pièces de transmission. »
Soutien technique, mais également soutien de partenaires particulièrement enthousiasmés par le projet, et qui ne manqueront pas d’accompagner Romain dans sa quête d’un nouveau succès à Pikes Peak. C’est le cas de Yacco, de Spark et d’un partenaire bien connu du Championnat de France de la Montagne, CroisiEurope.
Romain Dumas en quête d’une nouvelle victoire
Habitué des grands rendez-vous, Romain Dumas, qui occupe actuellement la tête du Championnat du Monde d’Endurance, a une affection particulière pour le Pikes Peak. A l’issue des premiers tours de roues effectués au volant de sa Norma M20 RD Limited, le pilote alésien semble serein : « Le niveau de performance est intéressant. Au niveau du pilotage, c’est brutal et extrême, mais cela correspond bien à la catégorie « Unlimited ». Pikes Peak, c’est une Légende avec tout ce que cela suggère : On en rêve, mais c’est parfois difficile et il faut se dépasser pour arriver au sommet de la montagne. Il y a une seule chose qui me guide : décrocher à nouveau la victoire. Il y aura des adversaires de qualité, dont le tenant du titre. Il faudra faire une course parfaite le jour J », confie Romain.
La seule motivation qui a animé Norma Auto Concept et Romain Dumas, était de construire une voiture répondant pour le mieux aux exigences de Pikes Peak. Mais ce n’est pas pour autant que Norbert Santos s’interdit à réutiliser ce proto dans le futur, notamment pour concevoir de nouvelles voitures : « Tout cela dépendra des données que nous recueilleront à l’issue de l’épreuve. Pour l’heure, les datas sont encourageants, nous verrons par la suite », reconnait Norbert Santos. « La seule certitude que nous ayons, c’est que les enseignements tirés de ce projet nous seront utiles pour la suite. Car il est évident que nous avons appris beaucoup de choses. »
Le LMP3 comme nouveau challenge
Si Norbert Santos reconnait que cette participation à Pikes Peak représente une magnifique aventure tant technique qu’humaine, il sait que l’avenir va l’obliger à relever de nouveaux challenges tout aussi passionnants : « Nous faisons partie des six constructeurs mondiaux retenus pour construire les Protos qui seront alignés dans la catégorie LMP3. C’est pour nous une grande satisfaction de jouir d’une telle reconnaissance. C’est à la fois une belle opportunité mais également une réelle responsabilité. Car nous allons devoir prouver que nous sommes en mesure de proposer une voiture compétitive, face à une concurrence qui dispose d’une grande expérience et de beaucoup de moyens », estime Norbert Santos.
Le patron de Norma est conscient que seuls les meilleurs trouveront leur place dans la catégorie : « Si nous ne réalisons pas la voiture la plus performante, nous savons pertinemment que nous ne trouverons pas preneur, et que l’investissement réalisé n’aura servi à rien », analyse Norbert Santos. « Si le coût de la voiture est aujourd’hui maitrisé - elle sera proposée au prix de 210.000 euros dans sa version ’’prête à rouler’’ - nous savons que pour rentabiliser l’investissement initial, nous devrons vendre un certain nombre de voitures. Et pour cela il nous faut impérativement proposer un modèle performant. En clair, de la compétitivité de la voiture dépend la pérennisation du projet. »
Pour ce qui est du calendrier, la première Norma LMP3 devrait effectuer ses premiers tours de roues à la mi-août, avant qu’une version définitive ne soit présentée début septembre : « Dans la logique des choses, la voiture devrait être alignée pour la première fois en compétition début octobre », estime Norbert Santos.