Sept participations, sept victoires et six nouveaux records… La saison de Geoffrey Schatz peut se résumer en quelques chiffres qui en disent long sur la domination du Bourguignon. Au volant de sa Nova Proto NP01, le Champion de France en titre n’a laissé aucune chance à la concurrence, pour finalement remporter son troisième titre consécutif.
Au regard des seuls chiffres, tout pourrait laisser croire que Geoffrey Schatz a vécu une saison tranquille, sans devoir composer avec une réelle opposition. Ce fut loin d’être le cas... Face à des concurrents de mieux en mieux armés et de plus en plus pressants, Geoffrey a dû batailler ferme, faire étalage de l’ensemble de son talent. Et son équipe, pour qui rien ne doit être laissé au hasard, a une nouvelle fois fourni un travail irréprochable.
Conscient que ses adversaires ne manqueraient pas d’affuter leurs armes, Geoffrey avait décidé de remplacer le châssis vieillissant de sa Norma M20 FC par un nouvelle Nova Proto NP01 pour aborder cette saison 2021 : « Je disposais jusqu’alors d’un châssis de 2013 qui avait subi pas mal ’’d’expériences’’. Je l’ai utilisé avec le V8, ensuite avec le moteur turbo, il semblait donc avoir fait son temps », analyse Geoffrey. « Grâce à toute l’équipe de Guilhem Roux et Nova Proto, nous avions l’occasion de changer de monture, nous l’avons fait. »
Lorsque l’on compte à son palmarès deux titres consécutifs de Champion de France, le seul objectif que l’on se doit de viser c’est d’aller en chercher un troisième. C’est dans cette optique que Geoffrey Schatz abordait cette saison 2021 : « Mais nous savions qu’il n’allait pas falloir relâcher nos efforts car la concurrence allait être rude. Damien (Chamberod) revenait à l’issue d’une année sabbatique, Fabien (Bourgeon) avait déjà démontré qu’il pouvait être très véloce avec sa Revolt, Cyrille (Frantz) compte toujours parmi les adversaires de taille, et Billy (Ritchen) venait nous rejoindre avec une Nova engagée en E2-SC. Ca promettait une saison pleine de surprises et de belles empoignades. »
Tant du côté de ANS Motorsport – l’équipe de Geoffrey Schatz – que de chez Oreca et Nova Proto, le travail de préparation fut énorme. Les premiers essais effectués avec la nouvelle monture laissaient présager de belles performances, le Bourguignon pouvait se rendre à La Pommeraye l’esprit serein, avec juste l’envie d’en découdre. Mais un grain de sable viendra s’immiscer dans la belle mécanique, et contraignait Geoffrey à déclarer forfait sur ce premier rendez-vous de la saison : « C’est d’autant plus rageant que vraiment nous avions déployé une somme de travail conséquente et que tout semblait être en place. Mais ce sont simplement les aléas de la course. Comme son nom l’indique, le Sport Mécanique comprend de la mécanique, et on ne peut jamais être assuré de ne pas rencontrer un souci de dernière minute. Ce qui est sûr, c’est que tout le monde s’est arraché et a donné son maximum pour pouvoir être présent, mais en vain. »
Sept courses… sept victoires
Les essais préparatoires avaient permis à Geoffrey de se sentir à son aise au volant de sa nouvelle Nova Proto, une fois la réparation effectuée il lui tardait de rejoindre Vuillafans pour concrétiser sur le terrain les performances entraperçues en circuit : « Nous savions que la saison serait courte et que nous ne disposerions que d’un seul joker. Le griller dès la première épreuve ne facilitait pas les choses et nous obligeait à être autant fiables que rapides. » Rapide, Geoffrey le sera à Vuillafans où il imposait sa Nova Proto en signant un nouveau record de la piste : « J’avoue que j’appréhendais un peu ce rendez-vous que nous abordions habituellement avec une demi-saison d’expérience. Le tracé est rapide, étroit, et débuter sur ce parcours n’était pas évident. Je me suis donc mis dans les meilleures conditions possibles, avec des pneus neufs, la meilleure configuration pour avoir d’entrée de jeu des sensations optimales. Ca a très bien marché puisque j’améliore mon record de plus d’une seconde et demie, ce qui est conséquent. Ce fut pour nous une énorme satisfaction et une belle récompense pour les efforts consentis pour mettre la voiture en état de marche. »
Même si la voiture est semblable à celle dont il disposait l’an dernier, le succès de Vuillafans permettait à Geoffrey Schatz d’être rassuré par le fait d’être aussi rapide au volant d’une nouvelle auto. Et c’est donc avec la ferme intention de poursuivre sur sa lancée qu’il se rendait à Dunières : « C’est la seule épreuve sur laquelle je ne suis pas parvenu à tomber le record, et j’avoue être un peu resté sur ma faim. L’auto était vraiment sympa à piloter, c’est juste moi qui n’ai pas réussi à me lâcher à son volant », explique Geoffrey. « Après, sur la dernière montée, je fais une petite erreur qui me fait taper le rail. Ça m’a beaucoup contrarié car il y a eu pas mal de dégâts et mon père venait de s’arracher pendant une semaine à faire la peinture de l’auto… C’est une petite ’’boulette’’ mais qui se paie cash. C’est la course, il faut se dire que ça aurait pu être pire (surtout s’il n’y avait pas eu de rail) et que la victoire est au rendez-vous. »
Avec un chrono en 1’29’’213, Geoffrey Schatz détenait le record du tracé de Marchampt-en-Beaujolais depuis 2019. Déçu par sa performance à Dunières, le Bourguignon se présentait à Marchampt en quête d’un nouveau record sur cette course au tracé rapide et technique. Son week-end se termine par une victoire avec un meilleur chrono en 1’28’’150, nouveau record amélioré de plus d’une seconde : « Ce fut une belle revanche, j’ai eu un bon feeling, ça a très bien marché et j’ai pris énormément de plaisir. »
Le record de la Course de Côte du Mont-Dore (2’12’’286) était détenu depuis 2017 par Christian Merli. Au regard des dernières performances réalisées par Geoffrey Schatz, tous les observateurs de la discipline attendaient impatiemment de voir si le Champion de France serait en mesure de venir chatouiller ce record. Et Geoffrey n’allait pas faire dans la chatouille, mais dans la claque, avec un temps en 2’08’’790. Le record de l’Italien était pulvérisé : « Le Mont-Dore reste une épreuve très complexe. Pour réussir à signer de bons chronos il faut réellement que tout soit réuni : De bonnes conditions météorologiques, disposer d’un bon matériel et avoir de bonnes sensations. Sachant que certaines années, et c’est incompréhensible, la route n’offre aucun grip, alors que lors de l’édition suivante l’adhérence va être au top… Cette année tout allait dans le bon sens, très bon grip et très bon feeling… Bien évidemment, c’est super plaisant de tomber le record de manière aussi significative, mais il est évident que si Merli ou Faggioli revenaient dans le Massif du Sancy, ils feraient aujourd’hui bien mieux qu’un 2’12’’ », analyse Geoffrey en toute honnêteté.
En termes de grip, la Course de Côte de Chamrousse n’allait pas offrir cette année une adhérence optimale. Rien de catastrophique pour Geoffrey Schatz qui quittait l’Isère avec un nouveau succès à son palmarès et un nouveau record inscrit sur les tablettes : « Nous avons dû rechercher des réglages non pas pour disposer de la voiture la plus performante, mais celle au volant de laquelle j’étais le plus à mon aise. Et ça a fonctionné. »
A Turckheim, Geoffrey Schatz n’allait pas attendre la course pour battre le record du tracé. Samedi, dès les essais, il signait un nouveau chrono de référence : « J’avais décidé de passer des pneus neufs que j’avais eu l’occasion d’essayer en circuit mais jamais en côte. C’était un test, largement positif puisque je signe le record de la piste. » N’ayant plus la possibilité de chausser des gommes neuves le lendemain, Geoffrey était alors persuadé d’avoir réalisé ce samedi son meilleur temps du week-end, « mais finalement j’ai amélioré lors de la deuxième montée de course en passant sous la barre des 2’20’’. C’est vraiment une très belle satisfaction, surtout que nous avions une revanche à prendre suite à notre sortie de route de l’an passé. »
Il faut remonter à 2012 pour connaitre le nom du détenteur du record sur la Course de Côte de Limonest. C’est Nicolas Schatz, le frère ainé de Geoffrey, qui jusqu’alors était le plus rapide sur la manche de clôture du championnat. Mais en cette année 2021, Geoffrey allait priver son ainé du dernier record qu’il détenait encore sur le Championnat en l’améliorant de près de sept dixièmes : « C’était le dernier record d’une F3000 » rappelle Geoffrey qui ne cache pas son contentement d’avoir amélioré ce chrono. « D’un autre côté ça me gêne un peu de priver mon frangin de son dernier record. Mais ce n’est pas rare à Limonest que les records tiennent longtemps, de mémoire, Lionel Régal avait à son époque mis pas mal de temps avant de descendre le temps de Daniel Boccard et sa F2. »
Cette victoire sur la dernière confrontation de la saison, Geoffrey Schatz la savoure d’autant plus qu’il redoutait ce rendez-vous : « Je savais que Damien (Chamberod) serait très performant sur cette épreuve, il l’avait déjà prouvé, et que la Revolt de Fab (Bourgeon) serait très véloce sur ce tracé. Je m’attendais, et ça n’a pas loupé, à une grosse bagarre pour la victoire. Je l’emporte, ça me permet de terminer la saison avec panache…»
Jeu égal avec l’Elite Européenne
Au moment de se rendre aux FIA Hill Climb Masters, Geoffrey Schatz savait qu’il était attendu par les pilotes européens, et notamment par les starts italiennes de la discipline, Christian Merli n’hésitant pas à faire du champion français son favori. Bien évidemment c’est avec une joie non dissimulée que le Bourguignon rejoignait le Portugal pour ce rendez-vous très prisé de tous les Montagnards : « On a rarement l’opportunité de se mesurer aux pilotes européens, ces Masters sont donc une occasion très particulière de nous jauger et nous disposions du matériel pour rivaliser face aux ténors de la discipline. Nous avions préparé ce meeting en amont en circuit avec Oreca et le châssis était toujours aussi jouissif à piloter lors de ces essais. De plus, j’ai eu beaucoup de chance car Avon m’a permis d’avoir suffisamment de gommes pour être dans les meilleures conditions possibles. Le plus gros point d’interrogation concernait le tracé, n’ayant aucun roulage, il a fallu s’adapter et essayer d’avoir tout de suite un rythme correct pour éviter de perdre du temps et gâcher des montées. Pour cela, nous avions beaucoup travaillé les reconnaissances avec Fab Bourgeon et Max Cotleur. D’autre part, les vidéos disponibles sur le net ont permis de savoir quels endroits passaient à fond ou non, ce qui permet de réduire la marge de sécurité d’entrée », rappelle Geoffrey.
La lutte fut rude. Au final Geoffrey Schatz accrochait la médaille d’argent en s’intercalant entre les deux italiens, Christian Merli, le vainqueur et Simone Faggioli : « Avant le départ, j’aurais signé des deux mains pour un tel résultat. Mais une fois sur place. J’avoue que lorsque tu domines les essais et la première manche de course, tu te dis que la victoire est peut-être jouable et c’est un peu frustrant de ne pas l’emporter... Mais c’est la course, Merli a réussi à sortir une fabuleuse montée, c’est lui qui s’impose, rien à dire, c’est le sport. Tout comme la Slovénie en 2019, on se retrouve de nouveau pris en sandwich entre deux champions d’Europe italiens, mais dans l’autre sens cette fois. On a réussi à battre les deux... Mais pas en même temps ! Le principal est que nous étions dans le match, se battre contre ces ténors est toujours instructif et leur pointe de vitesse nous pousse à aller chercher encore plus sur la piste. C’est ce qui nous fait avancer. »
A sa médaille d’argent, Geoffrey rajoute une médaille d’or dans la Catégorie 4 qu’il remporte, et une Coupe des Nations qui revient à l’équipe de France : « C’était super sympa. Nous avons passé un super week-end tous ensemble au sein de la structure Helium qui a vraiment assuré côté logistique. Les autres pilotes de la structure et moi-même avons travaillé ensemble pour essayer d’être à l’aise le plus vite possible sur ce tracé que l’on découvrait tous. On a partagé les caméras embarquées, les datas pour essayer de se tirer tous vers le haut, c’était une très belle aventure ! Et remporter cette Coupe des Nations aura permis de concrétiser cette belle cohésion, c’est un beau moment sportif et humain, et c’est ce que j’aime dans ces Masters. Et puis l’organisation de ces FIA Hill Climb Masters était vraiment parfaite, c’est quelque chose que nous ne sommes pas prêts d’oublier ! L’accueil de nos amis Portugais était dingue, l’ambiance folle… Bref, que dire plus à part mille merci à la FIA et à toute l’organisation ainsi qu’à la ville de Braga pour nous avoir permis de participer à cet incroyable événement. Et étant concurrent de la catégorie 4, majoritairement anglaise, j’ai pu faire travailler mon « frenglish » et faire la connaissance de ces pilotes que l’on n’a malheureusement pas l’habitude de côtoyer et qui sont vraiment très sympa, voila encore un autre intérêt de ces Masters ! »
Trois titres pour Geoffrey, dix titres pour les Schatz !
A l’issue de cette saison 2021, Geoffrey Schatz remporte donc son troisième titre de Champion de France de la Montagne, assorti de six nouveaux records. Avec son frère Nicolas, septuple Champion de France, ils cumulent dix titres, autant que Marcel Tarrès le recordman de la discipline : « Ce fut une saison juste incroyable pour nous, j’ai pris un plaisir fou au volant de cette nouvelle Nova. Je ne pensais pas que les chronos allaient autant descendre sur certaines courses. Le comportement de l’auto était relativement identique suivant les épreuves, parfois quelques réglages étaient nécessaires pour être pleinement à l’aise mais elle est plus facile à piloter et à comprendre que l’ancienne. Malgré tout, nous avons encore largement de quoi progresser car je n’ai que rarement atteint les limites de l’auto. Lorsque l’on voit la concurrence présente, cette progression sera nécessaire si l’on veut conserver notre leadership. »
« Ce troisième titre est une très belle récompense pour ma famille, Dany, Hélène, le gang des Lyonnais ainsi qu’à l’ensemble de mes partenaires, Oreca, Avon Sodipneu, Nova Proto, ANS Motorsport, Mâcon Pièces Auto, le Département de Saône et Loire, Circuit du Bourbonnais, AIM Shop Racing, Motul, SMCR, Azé Technic Auto, Delaye, Picard Racing, P1, Rouge Fusion, Le Magasin des Pilotes, Atelier De Pinho Mécanique, sans ces personnes, rien ne serait possible… »
Geoffrey Schatz, et c’est légitime, a les yeux tournés vers l’Europe. Ses performances face aux meilleurs pilotes européens ne peuvent que le motiver à aller les défier. Ce sera le cas, il l’espère dans un futur proche : « Il apparait clairement que pour 2022 il ne sera pas possible d’évoluer sur le Championnat d’Europe. Cela demande beaucoup d’investissement que ce soit financier, matériel et personnel, mais à termes je veux vraiment aller courir en Europe. Je suis donc à la recherche de partenaires pour monter ce projet, l’idée étant d’essayer de s’aligner sur un calendrier européen au plus tôt pour la saison 2023. L’année prochaine, je serai donc certainement au départ du Championnat de France », conclut le triple Champion de France.
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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