Après avoir remporté deux Challenges Open consécutifs en 2016 et 2017, Estel Bouche se lançait un nouveau défi en 2019 en s’engageant sur le Championnat de France de la Montagne au volant d’une Norma 2 litres. Pour la pilote auvergnate, l’occasion de découvrir sa nouvelle Norma 2 litres, et de démontrer une nouvelle fois ses facultés d’adaptation en alignant rapidement d’excellents chronos.
Le doute n’est plus permis… Même si elle a parfois du mal à en convenir, Estel Bouche est la digne héritière de son père Gérard, et n’a pas à rougir face aux performances de son frère Benoit. En l’espace d’une demi-décennie, l’Auvergnate a démontré ses capacités à exploiter pleinement une monoplace sur des routes de montagne. A tel point que son compagnon, Yannick Latreille, prenait conscience qu’elle avait fait le tour de la question, et qu’il était temps qu’elle exprime son talent dans un nouvel environnement. Ce sera au volant d’une Norma 2 litres.
Il ne faut en rien brusquer Estel. La professeur d’Anglais peut faire montre d’un flegme tout britannique, qui l’incite à aborder la course avec sagesse et retenue, sans jamais griller les étapes. Initialement, c’est donc avec la seule intention de tester la voiture de son compagnon qu’Estel acceptait de s’installer dans la cockpit de la Norma : « En fait, Yannick avait la ferme intention de changer sa voiture, et avant de la vendre il souhaitait que je l’essaye. Durant de nombreux mois, il a insisté pour que je fasse un essai, ce que j’ai fini par accepté. J’ai profité de l’opportunité qui m’était offerte durant le Salon des Sports Mécaniques d’Issoire, pour faire quelques tours de circuit. »
Enchantée par l’expérience, Estel reconnaissait que la conduite de la Norma était particulièrement plaisante, mais dans son esprit l’expérience devait s’arrêter là… C’est mal connaitre la détermination de Yannick Latreille qui, lorsqu’il a une idée en tête ne la lâche pas facilement : « Yannick m’a dit qu’il était dommage de se contenter de tours de circuit et qu’il serait judicieux de rééditer l’expérience en course. Face à son insistance, je me suis résolue à lui dire oui, à la condition que ce soit à Chamrousse, sur un tracé large, ne représentant pas un énorme risque, car je ne voulais surtout pas endommager sa voiture. »
Première expérience en Norma à Chamrousse
En 2018, Estel Bouche prenait donc part à l’épreuve iséroise. Une participation qui se soldait pour elle par l’obtention d’une Coupe des Dames, puisqu’elle devançait au final, Martine Hubert, Emeline Bréda, Mélody Clausi et Corinne Flandy : « Sans vraiment forcer la cadence, le résultat est au-delà de mes espérances. Yannick m’a alors fait comprendre que si j’avais fait le tour de la Formule Renault, j’avais encore un réel potentiel à développer au volant d’un Proto 2 litres. Je me suis dit que le temps était peut-être venu de me lancer un nouveau défi. »
La Norma avec laquelle évoluait Yannick Latreille était alors vendue, et le Team Chrono Montagne faisait l’acquisition d’une nouvelle Norma, issue du circuit. Initialement la voiture devait permettre à Yannick de prendre part à une saison en circuit, et à Estel de s’aligner sur quelques courses de côte : « Mais le budget ne nous a pas permis de mener correctement de front ces deux programmes, et nous avons concentré nos efforts sur ma participation au Championnat de France de la Montagne », explique Estel.
En termes de préparation, Estel devait se contenter d’une séance d’essais à l’occasion du Salon des Sports Mécaniques d’Issoire, avant de se lancer sur le Championnat : « Lors de ces essais, le ressenti n’était pas fabuleux, mais comme nous n’avions pas eu le temps de faire mon siège, je pensais que cela provenait du fait que je n’étais pas bien installée dans le cockpit. » Les premières épreuves de la saison allaient rapidement démontrer que si le feeling n’était pas au rendez-vous, cela était dû aux réglages de la voiture.
Une dizaine de pilotes était cette saison 2019 engagée sur le Challenge Open CN/2, mais Estel Bouche n’avait pas la prétention de venir rivaliser. Sa seule préoccupation étant de bien cerner le comportement de sa nouvelle monture, « et si possible de parvenir à rééditer les chronos que j’avais signés auparavant avec la Formule Renault. Mais l’objectif premier, c’était de me faire autant plaisir que lors de la découverte du Proto 2 litres à Chamrousse. »
Lors de sa première expérience à Chamrousse, Estel Bouche disposait d’une Norma réglée par les mains expertes de Yannick, et donc parfaitement adaptée à la configuration du terrain. Il n’en sera malheureusement pas de même avec cette nouvelle Norma, avec laquelle elle devait débuter sa campagne de France sans avoir eu le temps de peaufiner les réglages : « Yannick avait eu l’occasion de rouler au Mans, et ça s’était très bien passé. Mais pour moi le début de saison sera difficile. L’auto n’était pas configurée pour la côte, les sensations n’étaient pas bonnes, et de ce fait j’avais du mal à me lâcher. Ce ne fut pas simple. »
En constante progression au fil des épreuves
Le tracé de la Course de Côte de Bagnols-Sabran ne tolère aucune improvisation. Entre les murets d’un parcours sinueux, la moindre faute se paie cher. Et avec une auto qui ne correspondait pas à ses attentes, Estel Bouche allait connaitre un week-end compliqué : « Je me suis fait une paire de frayeurs, je n’arrivais pas à tenir la voiture. J’avais beaucoup d’appréhension et il faut reconnaitre que Bagnols-Sabran n’est pas le terrain idéal lorsque tu n’es pas totalement en confiance. »
Si elle court depuis 2014, Estel Bouche n’avait jamais eu jusqu’alors l’occasion de disputer le Col Saint-Pierre. Une épreuve toujours complexe à aborder lorsque l’on affronte le tracé cévenol pour la première fois : « J’ai été très agréablement surprise. On m’avait averti que ce serait difficile pour bien assimiler ce tracé, que lors d’une première participation il ne faut pas espérer signer un bon résultat. Je redoutais un peu, d’autant que j’ai pour habitude d’enchaîner les passages lors des reconnaissances, et que là ce fut limité. Mais finalement je n’étais pas vraiment perdue et j’ai adoré ce tracé », confie Estel qui termine deuxième féminine derrière Cindy Gudet. « Le résultat importe peu, mais ce que je retiendrais c’est que j’ai pu me faire plaisir, avec une auto qui pourtant était assez rétive, notamment dans le rapide. Cette épreuve nous aura permis de comprendre que dans des conditions idéales, nous ne disposions pas des bons réglages. »
L’équipe Chrono Montagne allait s’atteler à rectifier le tir en revoyant notamment la hauteur de caisse et différents paramètres. C’est donc avec une auto nettement plus à sa convenance qu’Estel affrontait le tracé rapide de La Pommeraye : « Là j’ai commencé à retrouver la confiance. Je suis consciente que je n’étais pas hyper performante car j’appréhendais, notamment sur le haut du parcours hyper rapide, que la voiture se dérobe à nouveau, mais c’était nettement mieux. »
Deuxième féminine à La Pommeraye, Estel Bouche allait faire de même à Marchampt, malgré un loupé sur la première montée de course : « Au ’’esses’’ du ’’Tarrès’’, j’ai accroché le rail. Il y avait un élément qui dépassait et en frôlant le rail, ça m’a fait ’’ouvre boîte’’ sur le capot de la voiture, et j’ai endommagé la jante et éclaté un pneu. » Estel parvenait à se relancer pour finalement poursuivre sa progression.
Un progression qui se confirmait pour elle à Dunières où, à l’heure de faire les comptes, Estel Bouche pointait à seulement une demi-seconde de la Tatuus Formula Master de celle qui allait devenir Championne de France, Cindy Gudet : « Auparavant, sur un tracé en manque d’adhérence, je ne me faisais pas réellement plaisir. Mais cette année, c’était vraiment bien, et j’ai beaucoup apprécié. Quand j’ai compris que je pouvais vraiment me lâcher, je me suis fait vraiment plaisir. Je termine dans le sillage de Manu Arbant, c’était plutôt très bien », se souvient Estel qui pointe au final à seulement 16 millièmes du pilote de l’Ain.
Pour Estel Bouche, le Mont-Dore reste le rendez-vous de la saison. La pilote auvergnate connait ce tracé à la perfection et devant un public acquis à sa cause, elle est capable de se surpasser. Mais cette année le tracé menant au sommet du Col de la Croix Saint Robert n’a pas été une partie de plaisir pour bon nombre de concurrents contraints d’évoluer sous la pluie et dans le brouillard. Malgré tout, Estel parvient à tirer son épingle du jeu pour remporter à domicile la Coupe des Dames : « Dans mon esprit, je savais que cette année, il me serait difficile de terminer première féminine sur une épreuve, et bien évidemment si j’espérais remporter une Coupe des Dames, c’est celle du Mont-Dore… C’est chose faite ! Je suis donc super contente, d’autant qu’avec ou sans le cumul des deux montées, je restais tout de même devant… Pour ce qui est de la course, j’avoue que c’était un peu compliqué cette année. »
A Chamrousse, Estel retrouvait le tracé qu’elle avait déjà eu l’occasion d’affronter l’année précédente avec une Norma. Mais au volant de sa nouvelle monture, elle allait passer à côté de son week-end : « J’ai loupé les trois manches de course. C’était super frustrant », lâche-t-elle sans se départir de son sourire. « Autant je m’étais éclaté l’année précédente, autant là je suis passée à côté. J’ai eu du mal avec la nouvelle chicane, j’ai perdu le fond-plat sur une montée, et la voiture ne tenait plus du tout la route. De plus, au Mont-Dore, nous avions mis la voiture en configuration pluie, et lorsque nous avons voulu repasser aux réglages pour le sec, nous avions perdu tous les repères, et je me suis retrouvée avec les problèmes rencontrés en début de saison » explique Estel qui faisait là sa dernière apparition sur le Championnat.
De belles satisfactions à l’issue de cette saison
« J’ai fait la classe au Mont-Dore en Formule Renault, je détiens encore le record de la catégorie – à mon avis pas pour longtemps – et cette année je remporte la Coupe des Dames sur cette épreuve, je me dis qu’après tout ça je peux arrêter », lâche Estel dans un large sourire lorsqu’on lui demande de faire le bilan d’une saison qui la voit terminer cinquième du Challenge Open CN/2, et deuxième féminine sur le Championnat. : « Je suis contente de ma saison, d’avoir terminé en tête des féminines au Mont-Dore. Je n’ai pas pour habitude de vouloir avancer trop vite, de risquer de griller les étapes, donc je suis pleinement satisfaite. »
Bien évidemment, les doutes, la joie, les émotions, les succès, Estel les partage avec toute l’équipe Chrono Montagne qu’elle tient à remercier : « Un grand merci à Yannick de m'avoir prêté la Norma et sacrifié la saison qu'il avait prévue en circuit pour que je puisse faire sept manches du CFM. Je suis consciente de la chance que j'ai eu de pouvoir rouler dans cette magnifique auto grâce à lui ! Je tiens aussi à remercier mes filles Géraldine et Matilde qui sont toujours à fond quoiqu'il arrive et pardon pour les frayeurs ! Merci à ma maman, mon frère Benoît, Steph et mes neveux pour leur soutien sans faille. Merci également à Yvan qui a passé de nombreux weekends à nous aider ainsi qu'à nos amis-partenaires : Motul, l'entreprise Boyer Maçonnerie-TP à La Bourboule, LB Menuiseries à La Pommeraye, le restaurant "Au Montagnard" à Murol, le Parc pédagogique des Myocastors et Kangourous à St-Nectaire, le garage Bard au Cendre. Et un énorme merci à l'étoile qui corrige mes travers et rattrape mes envolées ! »
La Formule Renault avec laquelle évoluait précédemment Estel Bouche, et par la suite Yannick Latreille, est vendue. La seule certitude est donc que, si Estel repart pour une nouvelle saison, ce sera au volant de la Norma : « Pour le moment, nous n’avons pas le budget pour rouler Yannick et moi, et cette année, il est logique de laisser la priorité à Yannick. Donc pour ma part, je pense être au départ de deux ou trois manches du Championnat – Le Mont-Dore, Dunières, La Pommeraye – mais il me sera difficile de prendre part au Championnat. Pour le moment nous en sommes là, mais rien n’est encore réellement arrêté », conclut Estel.
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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