L’entrée en lice fulgurante de Damien Chamberod

Cinq courses seulement au volant d’une nouvelle auto, difficile dans ces conditions de se mettre en valeur durant cette saison 2019... C’est pourtant l’exploit qu’a réalisé Damien Chamberod en plaçant à cinq reprises sa Norma E2-SC à la deuxième place, dans le sillage du nouveau Champion de France Geoffrey Schatz.

On peut d’ailleurs voir des similitudes entre Geoffrey Schatz et Damien Chamberod. Le jeune Bourguignon, qui coiffe cette année une première couronne de Champion de France, prend la succession de son frère Nicolas, sept fois titré. Damien a lui aussi une succession à assumer, cette de son père Bernard, quintuple Champion au début des années 2000… Il est toujours difficile de se faire un prénom lorsque l’on évolue dans les traces d’un frère ou d’un père multiple champion. Damien et Geoffrey ont parfaitement géré cette situation, et ils ne manqueront pas de se retrouver en confrontation la saison prochaine, ce qui présage des empoignades prometteuses.

Même s’il a baigné depuis sa plus tendre enfance dans le monde de la Course de Côte, c’est en spectateur discret que Damien suivait les exploits de son père. Et c’est d’ailleurs sur le tard, passé la trentaine, qu’en 2013 l’Isérois prenait part à ses toutes premières épreuves en alignant un Proto à Dunières, Chamrousse et Limonest… Rapidement les chronos étaient au rendez-vous, puisqu’en 2014 Damien terminait troisième de la Finale de la Coupe de France de la Montagne, avant de remporter le Challenge Open CN/2 en 2016.

Du Proto 2 litres au E2-SC
Après cinq saisons passées au volant d’un Proto 2 litres, Damien Chamberod décidait fin 2017 de franchir une nouvelle étape en optant pour une auto plus performante : « Durant la saison 2017, j’ai remporté plusieurs succès en 2 litres et établi plusieurs records sur des manches du Championnat », se souvient Damien. « Il me semblait donc logique de me lancer un nouveau défi. Non pas que j’avais fait le tour de la question d’une catégorie CN/2 toujours très relevée, mais j’avais envie de goûter à autre chose. »

Damien prenait alors contact avec différents partenaires, et un projet très prometteur se dessinait pour la saison 2018 : « Tout semblait se mettre en place pour que je puisse disposer d’un Proto V8, engagé en E2-SC, avec lequel j’aurais pu prétendre jouer les premiers rôles sur le Championnat. » Malheureusement, durant le mois de février 2018, ceux qui devaient être à l’origine du financement disparaissaient dans la nature, laissant Damien sans auto et sans réelle possibilité de disputer la saison : « Les devis étaient signés pour la construction d’un Proto Norma, le plan de financement accepté, rien ne laissait présager que nous allions essuyer une telle déconvenue. Nous avions déjà vendu notre Proto 2 litres, il m’était donc impossible de rebondir. »

Le rêve devenait cauchemar pour Damien et son équipe qui, un temps, songeaient à prendre part à la saison avec un Proto 2 litres, avant de décider de concentrer leurs efforts sur l’avenir : « C’était trop compliqué de revenir dans un laps de temps court avec une auto compétitive. Nous avons donc décidé de faire l’impasse sur 2018 pour revenir en 2019 avec une auto réellement compétitive. »

Touchés par les déconvenues qui affectaient Damien, plusieurs partenaires se présentaient à lui pour le soutenir dans son nouveau projet. Un projet qui consistait à partir d’une feuille blanche pour construire un Proto E2-SC : « L’objectif était alors d’arriver avec un idée innovante, avec une auto propulsée par un moteur turbo Nous ignorions alors que Geoffrey (Schatz) avait la même optique que nous. Nous collaborions avec Arnaud Mounier et l’équipe Emap Motors sans savoir qu’Oreca développait le même genre de motorisation. »

Du retard dans la livraison de pièce, le développement du moteur et la conception du Proto, ne permettait pas à Damien Chamberod de s’aligner au départ de cette saison 2019 : « En partant d’une feuille blanche nous étions conscients que nous aurions du mal à tenir les délais. Finalement, la voiture était prête au mois de juillet, trois mois après le coup d’envoi de la saison. »

Un choix cornélien se présentait alors à Damien et son équipe qui devait choisir entre parfaire les réglages de la voiture ou se lancer directement dans le grand bain : « Nous avons terminé l’auto une quinzaine de jours avant Dunières. Le temps et le manque de budget limitaient la possibilité d’effectuer des essais approfondis, nous nous sommes donc contentés d’une séance de roulage une semaine avant l’épreuve auvergnate. »

Bien évidemment, dans ces conditions, Damien Chamberod débutait ce qui allait être une demi-saison sans autre objectif que de poursuivre le développement de sa Norma, et avec le secret espoir qu’elle s’avère performante au fil des épreuves : « Mon père à trop d’expérience de la compétition pour ne pas savoir que lorsque l’on revient après deux ans d’absence et avec une nouvelle auto dont les réglages ne sont pas optimisés, il n’est pas question de viser une performance. A aucun moment nous avons envisagé une position ou un quelconque résultat. Nous étions là pour bosser et parfaire le set up de notre auto. »

Cinq épreuves, cinq deuxième places !
A l’heure de se présenter à Dunières, Damien n’avait aucune certitude quant à la compétitivité et la fiabilité de sa voiture : « Nous avions accumulé un nombre conséquent de petits pépins durant les essais sur circuit. Sur la trentaine de tours que j’ai pu effectuer, seuls une dizaine se sont déroulés sans encombre. Il était donc impossible de savoir comment allait se comporter l’auto à Dunières… Mais je me sentais déjà bien dans l’auto, ce qui est primordial et particulièrement rassurant. Pour autant, même si j’avais un excellent feeling, je n’aurais jamais imaginé pouvoir signer un résultat d’entrée de jeu. »

Et pourtant le résultat sera bien au rendez-vous. Plus qu’une performance, un exploit, puisque pour sa toute première course à Dunières, Damien Chamberod accrochait la deuxième place derrière Geoffrey Schatz : « Le week-end fut particulièrement difficile. Nous avons dû essuyer les plâtres, en changeant notamment quatre fois d’embrayage, en devant composer avec une boîte de vitesses qui restait bloquée en troisième sur deux des quatre montées de course, une succession de problèmes qui nous interdisait d’envisager de bien figurer au final. »

A l’issue des deux premières montées de course, Damien occupait la sixième place. Et même si son auto se montrait récalcitrante, il prenait conscience que le potentiel était bien là : « J’ai dit alors à mon équipe, il faut que l’on parvienne à faire juste une montée claire, sans souci, pour voir ce que cela donne. Ils ont alors bossé sans relâche pour régler l’auto au mieux, ce qui m’a permis de signer d’excellents chronos sur les deux dernières montées et de venir chercher la deuxième place. » Un résultat inattendu tant pour Damien Chamberod et son équipe, que pour les observateurs de la discipline qui ne s’attendaient pas à voir l’Isérois a pareille fête : « C’est vraiment inespéré ! Nous n’aurions jamais cru parvenir à un tel résultat. »

Damien allait dans la foulée confirmer sur les pentes du Mont-Dore, la seconde épreuve auvergnate de la saison, disputée dans des conditions particulièrement ardues à cause d’une météo peu clémente : « Nous n’avions encore jamais roulé sous la pluie, et même si j’apprécie ce genre de terrain, je m’élançais dans l’inconnue. Gérer un Proto 2 litres sous la pluie c’est une chose, un moteur turbo aussi puissant que le nôtre, c’est une autre histoire. Avec le brouillard en plus, c’était compliqué, et là encore la deuxième place est inattendue. En toute franchise je m’attendais à être devancé par les pilotes les plus performants évoluant en Protos 2 Litres, car ils sont aujourd’hui nombreux. Donc au final, même si je suis très loin de Geoffrey, un tel résultat pour une deuxième course, la première sous la pluie, avec un Proto que je découvrais dans ces conditions, et une épée de Damoclès au-dessus de la tête puisque notre budget nous interdit la moindre touchette, je ne peux qu’être totalement satisfait. »

C’est à domicile, sur la Course de Côte de Chamrousse que Damien Chamberod poursuivait sa campagne de France pour disputer sa troisième épreuve de la saison. Une participation qui se soldait par une nouvelle deuxième place, mais qui permettait de plus à Damien de considérablement réduire l’écart qui le séparait de Geoffrey Schatz : « Nous avons toujours eu le soutien de l’équipe organisatrice de Chamrousse, même lors de la saison où nous n’avons pas pu rouler. Je me devais de leur rendre hommage en leur offrant un résultat. J’avais donc envie de bien faire, même si je gardais à l’esprit que nous étions toujours en phase de développement de la voiture… Tout s’est très bien déroulé et pour moi c’est la plus belle course de la saison. Je sais qu’il est difficile de comparer deux périodes bien distinctes, avec des autos totalement différentes, mais quand je vois que j’améliore les chronos de mon père de cinq ou six secondes, ça me parait encore incroyable. »

La Course de Côte de Turckheim se jouait cette saison sur deux montées, ce qui n’empêchait pas Damien Chamberod de poursuivre sur sa lancée en terminant l’épreuve alsacienne sur la deuxième marche du podium : « Je découvrais Turckheim, je n’avais jamais eu l’occasion de rouler sur cette épreuve. C’est une course magnifique, mais technique et assez compliquée. Avec le manque de roulage, ça me paraissait difficile à aborder. Au final, parvenir à terminer deuxième, devant Seb Petit, ne peut que me réjouir. »

La succession d’exploits réalisés jusque là ne connaissait pas d’interruption, puisque Damien concluait la saison par une nouvelle deuxième place à Limonest. Performance d’autant plus remarquable que Damien conserve de mauvais souvenirs de cette épreuve qui, en 2016, à l’occasion de la Finale de la Coupe de France de la Montagne, fut le théâtre d’une violente sortie de route du pilote Isérois : « En toute franchise, je me suis rendu à Limonest à reculons. D’ailleurs, si nous avions fait l’intégralité du Championnat, je ne suis même pas sûr que j’aurais pris part à cette épreuve. Mais nous avions besoin de roulage et il nous était difficile de faire l’impasse… Au fil des montées, je suis parvenu à faire abstraction des problèmes que j’avais connus par le passé sur ce tracé, et au final, terminer deuxième fait un bien énorme et me permet d’aborder la prochaine édition avec moins d’appréhension. »

Une demi-saison exceptionnelle
En seulement cinq participations cette saison, Damien Chamberod monte à cinq reprises sur la deuxième marche du podium. Un véritable exploit qui ne peut que ravir le pilote isérois : « Pour nous c’est exceptionnel ! Bien évidemment, sur le papier l’auto a le potentiel pour jouer la gagne, mais ceux qui connaissent la compétition savent que parvenir à être compétitif d’entrée de jeu relève de l’exploit. On peut bien évidemment regretter de ne pas avoir pu prendre part à l’intégralité de la saison, mais c’est comme ça… Ce que je retiendrai c’est que le résultat final est bien au-delà de nos espérances et que la satisfaction est énorme tant pour moi, que pour l’équipe et l’ensemble des mes partenaires. J’ai toujours joué au football, et j’aborde également le sport automobile comme un sport collectif. C’est le résultat d’une équipe, et je souhaite vraiment à tous les pilotes de disposer d’une équipe aussi fabuleuse que la mienne. Quel plaisir ! »

Damien est conscient que ses résultats sont une belles récompenses pour tous ceux qui se sont investis dans ce projet et qu’il tient aujourd’hui à remercier : « Un grand merci tout d'abord à Emap Motors, Arnaud Mounier ainsi que son équipe pour la conception, la mise au point et le développement du moteur, à Nova Proto, Guillem et son équipe pour la fabrication du châssis, la famille Chabord pour la fabrication de l'échappement, Europe Carrosserie pour la peinture et Expo-K pour la décoration. Merci à nos partenaires fidèles et nouveaux : Entreprise Bonin TP, ADN Alpes Dauphiné Nettoyage, Isère Froid Climatisation, Transports Laffond, Vie et Véranda, Œil pour Œil Sassenage, Max Motorsport, Bernard Truck, Swiss Fast Repair, Sori, D.D Concept, Cedr' Paysage et Igol Lubrifiant. Enorme Merci à mon incroyable équipe, notamment pour les milliers de kilomètres parcourus pour me suivre, et toutes les personnes qui nous soutiennent de près ou de loin ! »

L’objectif de Damien Chamberod sera d’être au départ de l’ensemble des épreuves inscrites au Championnat 2020 : « Nous sommes maintenant en quête de partenaires pour finaliser le budget. Jusqu’alors j’ai roulé dans le cadre du Challenge Open, sur un programme de six ou sept courses, les moins éloignées de la maison. Là, c’est un nouveau défi qui nous attend, nous aimerions vraiment le mener à son terme. »

Damien veut aborder la prochaine saison dans les meilleures conditions : « Le potentiel est là, mais il nous faut travailler pour parfaire les réglages de la voiture. Il est donc indispensable que nous puissions mener des essais avant le coup d’envoi de la saison, mais là encore tout dépend des budgets. J’espère pouvoir prendre part à la prochaine saison dans les meilleures conditions », conclut Damien.

 

Propos recueillis par Bruno Valette ©

 

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