Impliqué dans de nombreuses disciplines du Sport Automobile, Jean-Michel Lestienne fut cette année encore un animateur assidu du Championnat de France de la Montagne. Après avoir dominé la classe GTTS/1 en début de saison, c’est au volant d’une toute nouvelle Ginetta G55 qui allait lui offrir de fabuleuses sensations qu’il poursuivait sa campagne de France.
La petite Mitjet et l’imposante Ginetta proposent deux univers radicalement différents, et pour Jean-Michel Lestienne, qui jusqu’alors jouait les premiers rôles dans la classe GTTS/1, le pari d’opter pour la belle anglaise pouvait paraitre osé : « Oui et non à la fois, estime Jean-Michel Lestienne, car c’était la réponse à une longue réflexion avec Nico Schatz. L’auto était connue pour être performante sur circuit. L’amener en course de côte était certes un pari, mais sur le plan de l’originalité, nous savions qu’elle ferait fureur auprès des spectateurs. En même temps, nous avions un peu oublié qu’avec son moteur de 3.7 litres, elle serait classée en GTTS4. Et avec ses « seulement » 390 cv, et les lests que nous devions charger pour être au poids de la catégorie, autant dire que la partie était déjà pliée dès le début. »
Dans ces conditions, Jean-Michel Lestienne pouvait difficilement afficher de réelles prétentions face à une concurrence particulièrement affutée : « Mes objectifs étaient assez simples. Compte tenu de l’énorme différence de puissance avec mes collègues du GTTS4, entre 200 à 300 cv, le but était juste d’apprendre cette auto totalement différente de la Mitjet, notamment en termes de poids et de volume. »
Leader des Mitjet en début de saison
La Ginetta G55 n’étant pas prête à l’heure où les animateurs du Championnat rejoignaient Bagnols-sur-Cèze, c’est au volant de sa Mitjet que Jean-Michel Lestienne débutait sa saison : « Les Anglais nous ont livré l’auto assez tard, et je décidais de démarrer la saison avec ma fidèle Mitjet pour quelques manches du Championnat. Jean Michel Godet devait rouler avec à partir d’Hébécrevon seulement, je pouvais donc l’utiliser sans problème jusque-là. »
Sur la Course de Côte de Bagnols-Sabran, Jean-Michel Lestienne allait une nouvelle fois démontrer qu’il était un sérieux client au sein de la meute des Mitjet : « A cette occasion, Je découvrais mes nouveaux adversaires du GTTS/1, sachant qu’il y avait des pilotes plutôt très rapides dans le lot. Je savais d’entrée que la partie allait être serrée. Finalement, seul Edouard Drouillat me précédait d’une infime trentaine de millièmes de seconde. Ce dernier a d’ailleurs réalisé une énorme progression inattendue en seulement une année. Ici même à Bagnols, en 2017, il était à une dizaine de secondes des temps de Jérémy Avellaneda et de moi-même. Etonnant, mais bravo à lui d’avoir remonté cet écart en une seule année. Sans coach et sans faire de compétition depuis, c’était une vraie performance », analyse Jean-Michel.
« Je remarquais surtout la très belle performance de Florian Bartaire à quelques dixièmes derrière moi, prouvant ainsi qu’il allait être l’un des principaux acteurs de la catégorie cette saison. »
Innovation cette année sur la manche française du Championnat d’Europe, le Col Saint-Pierre, où le résultat final était déterminé à l’addition des deux meilleures montées. Un changement qui n’aurait pas dû logiquement révolutionner la hiérarchie, si certaines incohérences n’étaient pas venues perturber les débats : « Juste un peu frustré sur cette course, le mot est faible, car en réalité je réalise le meilleur temps de la catégorie lors de la dernière montée. Chrono de 3’07’’163, que je peux prouver grâce à ma caméra embarquée. Mais en toute confiance, je ne fais pas forcément attention que le temps officiellement « affiché » en haut est inexact. Du coup, lors de la redescente, après pratiquement deux très longues heures d’attente au sommet, il est déjà trop tard pour faire une réclamation lorsque je m’aperçois de l’erreur », regrette Jean-Michel.
Il ne sera d’ailleurs pas le seul à être surpris de sa performance : « Jean-Marc Tissot subit aussi les caprices du chrono, en se voyant attribué un 3’12’’, alors qu’il avait réalisé un petit 3’09’’… Quant à Edouard Drouillat, à son arrivée là-haut, il nous décrit une montée entrecoupée de gros travers, avec film de ses copains à l’appui sur son portable, et donc impossible de faire un bon chrono dans ces conditions avec une Mitjet. Malgré cela, Il se voit même attribuer un 2’37’’… ! mieux que la McLaren de Pierre !!! Comme quoi le chrono vivait sa vie tout seul au moment du passage des Mitjet. Au final, je pense qu’en bas, on a tout remis dans le chapeau, et on a tiré au sort. Rien de grave, bien sûr, puisque je n’avais pas prévu de jouer le GTTS1 cette saison, mais ça énerve quand même. »
A Abreschviller tout rentré dans l’ordre et Jean-Michel Lestienne retrouvait une place qu’il a l’habitude d’occuper, la première de la classe GTTS/1 : « Pour cette course, je roule à nouveau avec ma Mitjet. J’aime bien Abreschviller… sur le sec ! Tout se passe effectivement pour le mieux tout au long du weekend. Surtout que Cindy, qui termine deuxième, commence à bien comprendre le comportement de la Mitjet. Ce qui promet de belles courses et ça me fait extrêmement plaisir. »
La Course de Côte de Thèreval allait permettre à Jean-Michel Lestienne de remporter non seulement une nouvelle victoire du côté des Mitjet, mais également de terminer deuxième du GTTS… Un résultat inespéré : « Avec l’arrivée de Jean Michel Godet qui allait utiliser ma première Mitjet, je me retranchais sur ma Mitjet « mulet », que je n’avais pas piloté depuis plus d’un an. Inespéré… Le mot est faible. Surtout que j’étais carrément en tête du groupe GTTS jusqu’à la dernière montée. Je donne tout lors de cette troisième montée pour garder cette incroyable 1ere place du groupe, mais c’était sans compter sur l’ami Jean-Jacques Maurel qui réalise une montée parfaite avec sa RCZ, et qui me ravit la première place. En même temps, 2eme du groupe GTTS, et 1er de la classe GTTS1, c’est déjà inimaginable avec cette auto moins performante. »
Apprentissage de la Ginetta
Thèreval sera la dernière participation de la saison de Jean-Michel Lestienne au volant de la Mitjet, et c’est maintenant vers la Ginetta G55 que se tournait l’assureur de Chatillon sur Marne : « Nous avons reçu la Ginetta le mardi juste avant La Pommeraye. Juste le temps de faire le rodage syndical sur une circuit pour tout mettre en place, et on charge l’auto pour la course. »
Sur l’épreuve angevine, Jean-Michel Lestienne avait pour seul objectif de se familiariser avec le comportement de sa nouvelle monture : « Je dois rapidement faire connaissance avec cette superbe auto. L’antipatinage, le traction control, l’abs, etc… Tout est nouveau pour moi. Sans parler d’un couple impressionnant et d’une inertie inhabituelle pour moi (passer de 600 kg à 1300 kg ça change tout). Nous constatons rapidement qu’il faut reprendre tous les réglages à zéro. Il y a pas mal de choses que nous ne comprenons pas encore. Néanmoins, je réalise des temps encourageants face aux autres grosses GTTS4. C’est prometteur pour la suite. Malheureusement à la deuxième, je fais une belle sortie qui calme mes ardeurs. Par miracle, on peut dire ça, je termine dans un pré sans rien toucher. »
Bien évidemment, il n’allait pas se produire de miracle durant la semaine qui sépare La Pommeraye de Saint Gouëno. Jean-Michel retrouvait donc le volant d’une Ginetta pas encore réellement adaptée à la côte : « Effectivement ce n’est pas mieux. Nous nous cherchons toujours, avec un freinage toujours « aléatoire », entre autres. Pour ne rien arranger, c’est très difficile de communiquer avec l’ordinateur de l’auto… (c’est Anglais !), mais Nico y passe des heures et des heures, et nous avançons doucement. Sur le plan sportif, je suis à la place où je dois être, dernier du GTTS4, mais juste à une grosse seconde de la 997 GT3 de Max Martineau. Je m’en contente car mieux est impossible pour le moment. Par contre je me fais toujours un gros plaisir dans l’auto. L’ambiance est magique à l’intérieur. Rien que pour ça, je veux bien refaire une 4eme ou une 5eme montée. »
L’approche de la Course de Côte de Marchampt allait être compliquée pour Jean-Michel Lestienne. Et de son propre aveu ce ne sera certainement pas l’épreuve qui lui laissera les meilleurs souvenirs de la saison : « Petit à petit, je sombre… Je doute de plus en plus. Pourtant j’imaginais que Marchampt allait être une belle course pour la GINETTA, mais dès la première épingle, il faut faire tourner le « paquebot », et après ça devient compliqué pour rester concentré », reconnait Jean-Michel. « En plus, mon pote Jérémy (Avellaneda) se sort très violemment à la deuxième, et sans nouvelle rassurante de lui, l’envie n’y est plus. Je monte la troisième plus pour les spectateurs que pour chercher la performance. Heureusement le soir même, nous apprenons que Jérémy sort de l’hôpital. Là aussi c’est un miracle quand on voit la vidéo de son crash. »
Des soucis récurrents pour ralentir sa Ginetta viendront perturber le week-end de Jean-Michel Lestienne à Vuillafans : « Le freinage ne s’améliore pas, à la première épingle les roues arrière se bloquent, et se retrouver à l’équerre sur une piste aussi étroite, c’est juste angoissant. Surtout qu’il y a quatre gros freinages et quatre épingles à Vuillafans, donc j’allonge les distances de partout pour garder une marge au cas où. Je fais le boulot en attendant des jours meilleurs. »
Le manque d’adhérence du tracé de Dunières n’allait pas vraiment améliorer les sentiments de Jean-Michel qui, sur l’épreuve auvergnate, se contentait finalement de sauver les meubles : « Je n’aime déjà pas Dunières. Alors avec une auto que je comprends de moins en moins, c’est la descente aux enfers qui continue. L’auto a pourtant gagné le GT4 à Dijon la semaine précédente, et je me dis finalement que ce n’est pas l’auto qui ne va pas, mais c’est moi… Avec le recul, on s’apercevra que c’est plutôt un amalgame. Moral en berne pour le pilote, associé à une auto mal réglée et pas forcément adaptée à la côte, et c’est la galère assurée. »
Si la Ginetta suscite l’engouement et fait le bonheur des spectateurs, dans l’habitacle de la belle anglaise, l’ambiance est tout autre. Et sur les pentes du Mont Dore, qui mènent au sommet du Col de la Croix Saint Robert, Jean-Michel Lestienne allait vivre un vrai chemin de croix : « Cette fois, je suis au fond du trou, la preuve la 62ème place au scratch !!! J’envisage même de tout arrêter… Nico s’aperçoit de ma détresse. Ni une ni deux, il programme une journée circuit dès le lundi, seuls tous les deux. Je roule, je roule. Toute la journée, entrecoupée des bons conseils de Nico. Petit à petit je reprends confiance, et je commence à comprendre le comportement de cette auto. Finalement je repars crevé mais reboosté. Merci Nico ! »
Rasséréné par sa journée de roulage, il ne manquait plus à Jean-Michel Lestienne que de confirmer en course les bonnes sensations éprouvées en circuit : « Pour terminer de reprendre confiance, Chamrousse est idéal. Je sens bien l’auto bouger et je retrouve du plaisir à piloter. Au final je suis satisfait de reprendre l’ascendant, même s’il reste beaucoup de travail pour régler l’auto en côte. »
Présent jusqu’alors sur toutes les manches du Championnat, Jean-Michel Lestienne était dans l’obligation de faire l’impasse sur Turckheim, sa Ginetta participant ce week-end là à une épreuve en circuit à Magny-Cours : « Dommage car Turckheim est ma côte préférée, mais le championnat de France GT4 prime dans le calendrier de la Ginetta, car nous envisageons de l’engager sur le Championnat complet en 2019, et chaque pige de rodage en 2018 est primordial compte tenu du très lourd investissement que nous projetons pour cela. »
Jean-Michel retrouvait le volant de sa Ginetta pour prendre part à Limonest à la dernière confrontation du Championnat de France de la Montagne : « Limonest est tout sauf une côte idéale pour le volume de la Ginetta. Mais autant se faire plaisir jusqu’au bout, surtout que nous trouvons enfin la raison de nos problèmes récurrents de freinage. Nous ignorions qu’il fallait aussi purger l’ABS en plus des freins, et il semblerait bien que depuis le début de la saison le phénomène qui s’amplifiait à ce niveau vienne de là. Donc nous purgeons après la deuxième, et après cela, je retrouve enfin une sensation à la pédale digne de ce nom, et surtout un freinage compréhensible. La saison se termine par conséquent sur une bonne note… mais un peu tard à la troisième montée de la dernière course… »
A l’heure de faire le bilan, Jean-Michel Lestienne estime qu’il peut être considéré comme mitigé, du fait qu’il a connu des hauts et des bas tout au long de l’année : « Forcément mitigé. Très beau début de saison, puisqu’en seulement quatre courses avec la Mitjet, j’engrange le plus grand nombre de points de la saison en GTTS1, devant toutes les autres Mitjet, sans prétendre à aucun titre car je n’ai fait que quatre courses. On peut facilement imaginer l’écart que j’aurais pu atteindre si j’avais fait toutes les épreuves en Mitjet… Ensuite à partir de La Pommeraye, cela a été très compliqué pour les raisons que j’ai exposées ci-dessus. Malgré tout, je ne regrette rien car cette Ginetta est envoutante. Ce moteur, ce bruit, cette ligne, cette ambiance…magique ! »
Pilote, partenaire, assureur et mécène
Investi tant en circuits qu’en courses de côte, Jean-Michel Lestienne a crée cette année, à destination des Montagnards, le Trophée Assurances Lestienne. Un investissement supplémentaire qui tient particulièrement à cœur à l’assureur de Chatillon-sur-Marne : « Tout à fait, la passion reste omniprésente dans ma vie privée et professionnelle. Et ce trophée est la réponse à une véritable volonté de ma part à ce que même un pilote qui n’a les moyens de rouler qu’avec une petite auto, puisse espérer gagner le scratch d’une compétition, certes satellite pour le trophée, mais organisée dans le cadre du prestigieux Championnat de France, avec à la clef de très belles récompenses. Les pilotes ne s’y sont pas trompés. »
Et effectivement le Trophée Assurances Lestienne a fait l’unanimité auprès des animateurs du Championnat de France qui reconnaissent que l’initiative de Jean-Michel est un plus pour la promotion du championnat, et qu’elle créait une motivation supplémentaire : « Je ne pouvais pas imaginer un tel engouement de la part de mes amis pilotes. C’est forcément une grande satisfaction, d’autant plus que la régularité qui est à la base du règlement de ce trophée, n’a absolument pas contrarié le degré des performances absolues des compétiteurs en lice. Les résultats dépassent mes espérances. Les deux premiers sont des habitués des victoires de classes systématiquement exclus des gros titres. Et le troisième est quand même le Champion de France en titre. Comme quoi l’excellence de la vitesse rime aussi avec la régularité et la constance des chronos. La preuve par un deuxième exemple. En l’occurrence Geoffrey Schatz, hyper rapide, qui termine à la cinquième place du trophée. Bravo à tous, et rendez-vous en 2019 pour la 2eme édition sous la même forme. »
Les multiples investissements de Jean-Michel Lestienne vont une nouvelle fois le contraindre à faire des choix cornéliens à l’heure d’aborder la saison à venir : « Je suis en plein dilemme, mais la raison va reprendre ses droits. Comme je l’annonçais ci-dessus, nous envisageons d’engager ma Ginetta pour l’intégralité du très prisé Championnat de France GT des circuits, série phare en France organisée par SRO. Notre victoire à Dijon nous a largement conforté sur nos chances face aux énormes teams aidés par les plus grands constructeurs. Cette aventure nécessite un budget de plusieurs centaines de milliers d’euros. Et engager la même auto sur deux championnats majeurs aussi différents sur la même année serait irresponsable. Courir plusieurs lièvres à la fois se termine rarement bien », analyse l’expérimenté Jean-Michel.
« Nous allons donc engager la Ginetta exclusivement sur le Championnat de France GT en circuit avec l’objectif de le gagner, et pour ma part, je vais revenir sérieusement aux affaires en GTTS/1 avec ma Mitjet. D’après ce que j’entends de ci et de là, il y aura encore des nouveaux rentrants de prévu dans la catégorie… Et en plus des rapides ! Ça devrait nous réserver de belles empoignades. »
Si de nombreux acteurs du sport automobile peuvent remercier Jean-Michel Lestienne pour son investissement, lui-même tient à remercier ceux qui le suivent dans l’aventure : « Je remercie bien évidemment mes sponsors principaux, en l’occurrence les ASSURANCES LESTIENNE et la compagnie d’assurances TOKIO MARINE KILN de Londres. Je remercie également chaleureusement le TEAM SCHATZ, constant dans ses efforts à nous satisfaire, avec une ambiance toujours formidable, et Nico Schatz, notre coach, toujours à l’écoute de notre moral… Je l’ai vécu en direct cette année. C’est fragile un pilote. »
« Enfin je remercie le promoteur du CFM, et les organisateurs de chaque manche du Championnat, pour leur dévouement sans concession pour produire de belles épreuves. Qu’ils sachent pour ceux (la majorité) qui ont fait le bon choix de nous choisir comme assureur, que je serai toujours à leurs côtés, et de leurs côtés en cas de problème. Je pense l’avoir prouvé à de nombreuses occasions encore cette année pour éviter bon nombre de conflits usants et inutiles… A bientôt pour de nouvelles aventures ! »
© B.V. avec compte rendu J-M. Lestienne
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