Une violente sortie de route à Limonest, fin 2016, aurait pu totalement remettre en question l’investissement de Damien Chamberod sur la Course de Côte. Mais l’Isérois n’a jamais douté. Sa volonté lui a permis de retrouver le volant d’une Norma, pour ce qui aurait dû être une saison de transition, durant laquelle il voulait avant tout se faire plaisir et reprendre ses marques. Le plaisir a bien été au rendez-vous, les résultats aussi… Car que ce soit sur notre Championnat où à l’étranger, Damien n’a pas manqué de s’illustrer.
Ce n’est qu’une fois passé le cap de la trentaine que Damien Chamberod s’est décidé à suivre le chemin tracé par son père. Des débuts tardifs, qui s’expliquent par le fait que Damien voulait avant tout assoir sa situation professionnelle, avant de se lancer dans un projet qu’il savait dispendieux. Garçon raisonnable, l’Isérois voulait disposer d’un budget qui lui permettrait de débuter dans de bonnes conditions. D’autant qu’il se savait attendu au tournant. Car si s’appeler Chamberod, permet lorsque l’on fait ses premières armes en Course de Côte de ne pas plonger totalement dans l’inconnue, cela oblige à gérer une pression supplémentaire. En effet, pour certains esprits étriqués vous n’avez d’autre légitimité que votre nom, ce qui vous contraint à redoubler d’effort pour vous faire un prénom. C’est conscient du regard que l’on allait porter sur lui que Damien disputait sa première course en 2013.
Et puis il faut avouer que le fils du quintuple Champion de France ne vivait pas la Course de Côte comme une passion. Admiratif de la notoriété de son père, Damien était bel et bien présent aux côtés de Bernard, mais suivait en toute discrétion les succès de son illustre champion, et l’engouement qu’il pouvait susciter auprès des passionnés. Sa vraie passion, elle se tournait vers le ballon rond. Supporter de l’Olympique de Marseille, fan du Chris Waddle, à l’époque où l’équipe de la cité phocéenne comptait parmi les plus grands clubs d’Europe, Damien, comme ses idoles, jouait au football. Un sport qu’il pratique encore aujourd’hui, par goût, et pour parfaire sa ma condition physique.
Le karting comme premier essai
Mais la compétition automobile étant au cœur des discussions chez les Chamberod, Damien ne pouvait pas renier ce patrimoine familial. Et c’est donc en karting, toujours en toute discrétion, que Damien faisait son apprentissage du pilotage. Les résultats ne se feront pas attendre, deuxième de sa Ligue, il se qualifiait pour la demi-finale de la Coupe de France, à Lille, où il accrochait la troisième place et son ticket pour la finale. Mais une fracture au poignet à quelques jours de l’événement, le privait d’une participation tant attendue.
Victime d’un cambriolage, Damien perdait par la suite tout son matériel, et décidait de raccrocher pour retourner vers ses premières amours, le football : « Pendant dix ans, j’ai joué au football dans mon club de Noyarey, tout en faisant des économies car j’avais bien l’intention de revenir un jour à la Montagne. Mais je tenais à être totalement autonome, je m’étais fixé comme règle d’or de me débrouiller tout seul, d’où l’idée de réunir le budget au fil des saisons. »
Durant l’été 2012 le budget étant réuni, germait dans la tête de Damien l’idée d’acquérir un Proto CM. Mais une longue discussion avec Norbert Santos lors d’un week-end à Chamrousse, persuadait le jeune Isérois d’acheter une Norma. C’est donc au volant d’un Proto sorti des ateliers de Saint-Pé-de-Bigorre, que Damien prenait part à sa première course de côte. Mais avant ça, il lui avait fallu convaincre des parents réticents, et surtout une maman qui, durant de longues années, avait vécu des heures difficiles lorsque Bernard partait à la quête d’un nouveau titre de Champion de France. Malgré ses réserves, Bernard Chamberod ne pouvait que s’intéresser au projet de son fils et s’investir finalement dans l’aventure.
Durant cette saison 2013, Damien aura l’occasion de disputer trois manches du Championnat de France, Dunières, Chamrousse et Limonest, et de se retrouver confronté à Geoffrey Schatz, qui évoluait alors au volant d’un Proto 2 Litres : « J’ai de l’admiration pour deux pilotes. Mon père, qui a un parcours totalement atypique, et Geoffrey parce qu’il a un talent exceptionnel, et que je sais qu’il n’est pas facile d’être le frère du Champion en titre. Cette année-là, Geoffrey bat tous les records et il me colle une seconde au kilomètre », se souvient Damien. « Mais l’objectif n’était pas de le défier, mais de prendre un pied d’enfer, ce qui fut le cas. »
Vainqueur du Challenge Open en 2015
La saison 2014 permettra à Damien d’atteindre son objectif premier, à savoir se faire plaisir derrière le volant, et signer par la même occasion quelques bons résultats. Progression logique, l’Isérois s’engageait l’année suivante sur le Championnat. Et 2015 sera l’année de la révélation… Vainqueur du Challenge Open CN/2, Damien terminait à la 12ème place du Championnat. La saison 2016 sera plus compliquée, car si elle lui permettait de remporter le Championnat de ligue Rhône-Alpes et de terminer 4ème du Challenge Open CN/2, elle se concluait par une violente sortie de route à Limonest, lors de la Finale de la Coupe de France.
A l’issue de cette saison, Damien Chamberod devait se séparer de sa Norma, qui avait trouvé acquéreur : « Mais la sortie de route à Limonest a tout remis en question puisque le châssis était détruit et que mon moral n’était pas vraiment au beau fixe. » Car si la voiture avait souffert, son pilote ne fut pas épargné. Transporté à l’hôpital, Damien souffrait d’une double entorse aux deux genoux et d’un décollement de la plèvre : « Je peux m’estiver heureux, compte tenu de la violence du choc, ça aurait pu être bien pire », admet-il.
Durant sa convalescence, le pilote isérois décidait de prendre du recul. Il se tenait éloigné de la compétition automobile, décidant de mettre à profit cette période pour faire le point : « Avec un père qui a eu une longue carrière au sommet, il est évident que l’on a déjà connu au sein de la famille les doutes qui peuvent survenir suite à un accident. C’est pour cela que j’ai tenu à prendre mes distances et que la voiture est restée dans le camion, en l’état, pendant trois mois. »
La renaissance de la Norma et un nouveau départ
Mais l’envie de rouler restait fermement ancrée dans l’esprit de Damien, qui décidait de repartir à zéro : « Norma m’a trouvé un châssis d’occasion, et nous avons reconstruit une voiture avec les éléments récupérés sur la mienne. C’était pour nous la seule solution envisageable, car financièrement, je n’étais pas en capacité de faire l’acquisition d’une nouvelle voiture. J’en profite pour remercier Norma d’avoir été aussi réactif. » Pour le reste, Damien faisait une entorse à l’un de ses principes : « J’ai débuté sur le tard car je voulais disposer du budget pour rouler, mais là, j’ai dû faire un crédit pour pouvoir me relancer. A ce stade, nous avons pensé que, à mettre de l’argent dans une auto, autant lui apporter des solutions innovantes en termes de préparation. Le but était alors de pouvoir concurrencer avec des châssis carbones, alors que nous disposions d’une version plus ancienne. »
C’est durant les fêtes de fin d’année que Damien et son père débutaient la reconstruction de la Norma. Le quintuple Champion de France s’investissait corps et âme dans le projet de son fils, passant des heures dans le garage pour permettre à Damien d’être au départ de la saison dont le coup d’envoi était donné au mois d’avril : « Je dois vraiment remercier mon père qui a bossé comme un forcené sur la voiture pour qu’elle soit terminée dix jours avant Bagnols-Sabran. »
La reconstruction de la Norma avait pour effet de grever le budget, et interdisait donc à Damien de se fixer des objectifs en ce début de saison : « Je n’avais d’autre choix que d’abordais les épreuves au coup par coup, en espérant pouvoir prendre part à la suivante, mais sans garantie aucune. Le travail réalisé sur la voiture ne nous a pas laissé le temps de démarcher d’éventuels partenaires, et de ce fait je n’avais aucune visibilité sur la suite », explique-t-il.
Avant Bagnols, une vingtaine de tours de circuit, lors d’une séance de roulage, ne permettaient pas à Damien de peaufiner les réglages de sa voiture, mais juste de s’assurer qu’elle pouvait être alignée sans risque au départ d’une épreuve. Une première participation qui aura comme scène le tracé sinueux de Bagnols-Sabran. Et s’il reconnait avoir connu une sensation un peu étrange au moment de s’élancer sur la première montée d’essais, Damien avoue ne pas avoir eu d’appréhension particulière : « Du moment où j’ai baissé la visière et où j’ai enclanché la première, j’ai eu le sentiment qu’il ne s’était jamais rien passé, j’ai totalement occulté l’accident. »
Damien retrouvait rapidement ses sensations, sur un terrain rendu humide par la pluie, et samedi soir, à l’issue des essais, il pointait à la troisième place du classement scratch : « Je ne m’attendais vraiment pas à ça… J’étais vraiment super content. » La journée de dimanche sera elle nettement plus perturbée : « Nous avons attendu de longues minutes suite à la sortie de Fabien (Bourgeon), je ne me suis donc pas élancé dans les meilleures conditions, et j’ai été gêné sur la montée, ce qui m’a obligé à reprendre un nouveau départ. Mais là, je n’avais plus suffisamment d’essence et ma voiture coupait par intermittence. Fort heureusement d’ailleurs, car on s’est aperçu à l’arrivée que j’avais un pneu dégonflé. Sans les coupures, je rentrais à fond dans le dernier droite, et ça aurait pu être la catastrophe. » Malgré la malchance, Damien accroche la quatrième place du CN/2, ce qui pour un retour après un accident, et au volant d’une nouvelle voiture, peut être considéré comme un excellent résultat.
Premier succès de la saison au Saint-Pierre
Pour un grand nombre de pilotes, dont Bernard Chamberod, le Col Saint-Pierre est la course référence en France. Le parcours offre tout ce que l’on peut rencontrer sur une épreuve, et s’imposer sur la manche gardoise est quelque chose de spécial. Un sentiment que Damien Chamberod allait connaitre pour la deuxième année consécutive, en terminant cette fois encore en tête des CN/2 : « C’était énorme, et pour moi un grand soulagement car cela prouvait que nous avions bien travaillé. Après la sortie de Limonest, je repartais cette saison avec comme seul objectif de retrouver mes sensations, et surtout de me faire plaisir au volant. La victoire, une sixième place au scratch, et le record de la piste en CN/2 fut pour moi un grand moment et une belle récompense pour l’équipe qui a bossé dur durant l’hiver. »
A l’issue du Col Saint-Pierre, Damien Chamberod espérait pouvoir être au départ de Coligny, et avant Bagnols, il avait prévu de se rendre à Lugny. Mais l’Isérois, faute de budget, devait renoncer à prendre part à ces deux épreuves régionales organisées près de chez lui : « Les rumeurs ont circulé dans le milieu, laissant entendre que je n’étais plus en capacité de rouler. Cela à eu pour effet de déclencher un mouvement de solidarité, et des personnes se sont manifestées pour m’apporter leur soutien financier. Grâce à ces nouveaux partenaires, j’ai pu me relancer. »
Son retour sur le Championnat se fera à Marchampt en Beaujolais, où Damien montait sur le podium du CN/2, en terminant à deux dixièmes de Yannick Latreille et à seulement 67 millièmes de Serge Thomas : « C’est un peu mon premier regret de la saison, car je me suis loupé à l’épingle lors de la deuxième montée, et que je n’ai pas pu améliorer mon chrono. Je pense qu’il y avait possibilité d’aller chercher la victoire, ça ne s’est pas fait, c’est la course... Après, je suis tout de même très content d’avoir pu défier les châssis carbones sur une épreuve qui n’était pas à mon avantage. »
La victoire, Damien allait la savourer à Dunières, et elle sera d’autant plus belle que son succès dans la classe était assorti d’un premier podium au scratch sur une manche du Championnat de France de la Montagne : « J’ai remporté deux épreuves en régional depuis mes débuts. Mon rêve était de m’imposer sur une épreuve régionale que mon père avait remportée auparavant, et je n’y suis encore jamais parvenu. Mais là, pour moi qui garde à l’esprit les souvenirs de mon père sur les podiums du Championnat, être à sa place, c’était émotionnellement quelque chose d’inexplicable », confie Damien. « Ce résultat est pour moi fabuleux, même si je suis tout à fait conscient que l’absence de Cyrille Frantz ouvrait la porte du podium. Mais il faut juger la course sur les faits, et les faits sont là. Et puis Dunières, c'est quasiment une course à domicile pour nous, avec la présence de Nicolas Dumond et de ses amis dans notre équipe. De plus, cette année, Monsieur Moulin de la société Moulinvest à Dunières, nouveau partenaire de l'équipe, nous a accueilli chez lui. Ce podium était une magnifique récompense pour tout le monde et une belle façon de le remercier. »
Avant de se rendre au Mont-Dore, Damien Chamberod disputait une épreuve européenne et avait donc configuré sa Norma aux normes édictées par le règlement européen. Au terme de cette course, des problèmes moteur l’obligeaient à concentrer ses efforts sur cet organe vital, et Damien ne disposait plus d’assez de temps pour modifier sa Norma. C’est donc en configuration européenne qu’il se présentait sur l’épreuve auvergnate, et décidait donc de s’engager en E2SC, sur la manche européenne : « J’ignorais qu’avec la configuration que j’avais adoptée, je pouvais également rouler sur la manche française. J’ai donc fait l’impasse, ce qui me coûte de précieux points. C’est un regret, car à ce stade je pouvais prétendre au podium du Challenge Open CN/2. » Malgré tout Damien signait un bon résultat puisqu’il terminait cinquième au scratch de l’épreuve européenne, deuxième du E2SC.
Par la suite, Damien renouait avec la victoire, à domicile, sur la Course de Côte de Chamrousse où, huitième au scratch, il s’imposait en CN/2 : « Depuis quatre ans que je dispute Chamrousse, je navigue entre la deuxième et la troisième place sans parvenir à m’imposer. Là, cette année où la classe n’a jamais été aussi relevée, où sept ou huit pilotes peuvent prétendre à la victoire, je l’emporte. J’ai eu les félicitations de Geoffrey Schatz et Sébastien Petit, ce qui est toujours valorisant, et ce qui tend à démontrer que c’est une belle victoire. De plus, c'est la course à domicile pour moi et du coup toute la famille et les amis sont présents chaque année. De ce fait la pression est importante. De gagner et signer le record cette année en 2 Litres, alors que la concurrence n'a jamais été aussi intense, j'ai vu énormément de joie dans les yeux de tous, c'était trop bon ! »
Damien Chamberod s’exporte bien !
Les esprits chagrins ont tendance à s’accoutumer aux clichés. Pour eux, Damien Chamberod bénéficie des conseils avisés de son champion de père, ce qui lui facilite la tâche. Ne leur demandez pas pourquoi, finalement ils n’en savent rien eux-mêmes. Mais cet état de fait a motivé Damien à s’exporter, et à prendre le départ d’épreuves que Bernard Chamberod n’a jamais disputées. Ce sera le cas à Osnabrück où il terminait deuxième des Protos 2 Litres et premier Français : « Je me souviens qu’à l’issue des essais, je pointais au sixième rang, à six dixièmes du podium. Sous la pluie c’était un truc de dingue. »
On le retrouvait ensuite à Gurnigel, en Suisse, où l’Isérois plaçait sa Norma au septième rang, deuxième des Protos 2 litres : « C’était une super épreuve, où là encore j’ai pu samedi sous la pluie me mettre en valeur et où au final je signe un bon résultat. C’est une belle découverte. »
Quatrième du Challenge Open CN/2, à seulement deux points du podium, et en n’ayant pas marqué de points au Mont-Dore initialement prévu à son calendrier sportif, Damien ne peut que tirer un bilan positif de sa saison : « En ayant participé qu'à cinq épreuves là où les autres en comptent sept ou 8, c’est un super résultat. C’est d’autant plus revalorisant que nous étions dix-sept au départ cette saison. Pour moi, quand je me souviens où j’en étais en septembre 2016, après Limonest, je me dis que nous avons réalisé cette saison un magnifique parcours. Je garde à l’esprit que sur cinq participations sur le Championnat, je m’impose à trois reprises. » Une année exceptionnelle, avec en point d’orgue l’arrivée début novembre d’une petite Giulia, qui venait agrandir la famille Chamberod.
Cette année exceptionnelle, Damien veut la partager avec ceux qui ont été à ses côtés dans les bons comme dans les moments difficiles : « Je voudrais remercier toute mon équipe, ma famille et mes amis de me suivre chaque week-end et faire de nombreux kilomètres pour venir me soutenir. Une mention particulière pour mes parents qui sont un soutien moral indéfectible, ce qui m'a permis de surmonter les côtés négatifs de la compétition. Je remercie mes partenaires qui me soutiennent depuis le début de l'aventure : ADN Nettoyage, Isère Froid Climatisation, l'Ecurie Alpes, Œil pour Œil, Epitète Coiffure, RA Emballage. Merci également à R-engineering, Atelier Chabord et ESI solution pour le développement de la voiture, ainsi que Europe Carrosserie et Exposign, qui s'occupent depuis plusieurs années de la peinture et décoration de l'auto. Un grand merci aux nouveaux partenaires qui nous ont rejoints cette année et nous ont permis de rouler et de faire une magnifique saison, Bonin travaux publics, Moulinvest et Jean Lain Automobiles. »
Damien ne veut pas oublier ceux sans qui il n’y aurait pas de course : « Pour finir, j'aimerais remercier et féliciter toutes les personnes qui travaillent dans l'ombre d'une des plus belles disciplines du sport automobile et qui me permettent de m'éclater chaque week-end : Spectateurs, bénévoles, organisateurs et commissaires, merci de m'accueillir toujours avec beaucoup de sympathie. »
La Norma M20 F de Damien Chamberod est en vente. Et bien évidemment de la vente de sa voiture dépendra la suite, et notamment sa saison 2018 : « Pour l’heure, nous travaillons à la fidélisation de nos partenaires et à la recherche de nouveaux soutiens. La belle saison que nous avons faite nous permet d’avoir de très bons contacts. Nous verrons en fonction du budget dont je disposerai fin décembre, des options que nous prendrons pour l’an prochain. Mon souhait est bien évidemment de pouvoir défendre mes chances sur le Championnat de France de la Montagne en étoffant mon calendrier, et d’être au départ de quelques épreuves à l’étranger », conclut Damien.
Propos recueillis par Bruno Valette