Vice-champion de France de la Montagne Production à l’issue de la saison 2015, Francis Dosières, qui reste le plus titré des Montagnards en activité, a eu bien du mal à défendre sa position en 2016. Au volant d’une Renault Mégane Trophy bien moins performantes que les nouvelles voitures qui faisaient leur apparition en GTTS, le pilote de Fouchères ne parvenait plus à se mettre en avant. N’étant pas en mesure de disposer d’une auto de nouvelle génération, il faisait le choix de se réfugier vers le Groupe A. Bien lui en pris, puisqu’à l’issue de cette saison 2017, il remporte le Trophée FFSA et le Challenge Open de la catégorie.
On ne présente plus Francis Dosières qui depuis 40 ans compte parmi l’élite de la discipline. Son histoire personnelle et celle de la Course de Côte sont intimement liées, et au fil de ses participations, le pilote de l’Aube a glané trophées et titres, tant dans l’hexagone que sur la scène internationale.
Dans l’esprit de Francis Dosières, la troisième place sur le Challenge Elite Production obtenue fin 2016, était certainement pour lui la dernière occasion de monter sur un podium. Durant ces dernières années le Championnat a considérablement évolué, de magnifiques et surpuissantes GT sont venues étoffer les plateaux, et pouvoir rouler aux volants de tels bolides requiert de disposer de budgets conséquents. Ce n’est pas le cas de Francis Dosières, qui a comme principal atout son expérience, sa parfaite connaissance de la mécanique et un talent de pilote qui ne s’est jamais démenti. Des qualités indispensables, mais aujourd’hui pas suffisantes pour prétendre aux premières places : « Je savais en fin d’année dernière que je n’avais plus aucune chance de bien figurer en GTTS avec la Mégane », analyse Francis. « Je ne voyais pas vraiment d’issue pour moi, et j’avais le sentiment qu’il me serait impossible de rouler cette saison. »
Mais Philippe Marion, ami de longue date de Francis, n’imaginait pas de voir celui qui assure la maintenance de sa Seat Léon Supercopa, rester sur le bord de la route : « Nous en avons discuté et nous nous sommes mis d’accord pour partager le volant de la Supercopa. Philippe avait également envie de rouler en Proto, et finalement nous avons trouvé un accord avec Nicolas Schatz. Il a pu intégrer le team de Nico et disposer d’une Norma, ce qui me permettait de récupérer la Seat. »
Pour un pilote habitué à se battre pour le titre, prendre part au Championnat au volant d’une voiture, certes compétitives, mais qui ne peut permettre que de viser les accessits, n’est pas ultra motivant. Francis acceptait donc de faire contre mauvaise fortune bon cœur, et de s’installer derrière le volant de la Supercopa : « Ma seule motivation était de pouvoir continuer à courir, car je gardais à l’esprit, qu’en 2013, je n’étais jamais parvenu à être performant avec cette voiture. Je n’avais jusqu’alors jamais géré l’exploitation moteur d’une auto disposant d’une motorisation turbocompressée, et de ce fait je n’utilisais carrément pas le moteur. J’ai fait une saison que je qualifierais de catastrophique. »
Francis se consolait en se disant qu’il pourrait poursuivre sa carrière sportive, mais sans cette fois affichait la moindre prétention, au volant d’une voiture qu’il ne pensait pas être compétitive : « Et puis j’étais conscient que j’allais devoir me mesurer à des jeunes talents particulièrement motivés, et à un Rémi Bernard qui, l’an dernier, a totalement dominé les débats en Groupe A. Je débutais donc cette campagne en pensant que j’allais rouler pour rouler. » Malgré tout, Francis Dosières tentait de mettre toutes les chances de son côté et s’appliquait, avant que ne débute la saison, à travailler sur le châssis de la Léon : « On a revu la géométrie, l’amortissement, et tenté de la faire évoluer à ce niveau-là. »
Bien plus performant que prévu
Contre toute attente, la Course de Côte de Bagnols-Sabran, premier rendez-vous de la saison, allait permettre à Francis Dosières de figurer au sommet de la hiérarchie, et donc de revoir son approche de la saison : « Samedi, à l’issue des essais disputés sous la pluie, je pointe tête du classement scratch production. Même si j’ai toujours aimé rouler sous la pluie, j’avoue que je ne m’attendais pas à devancer Christian (Schmitter), et Rémi (Bernard) qui concède près de deux secondes. » Un résultat d’autant plus inattendu que le leader du Production avait dû composer toute la journée avec des problèmes de freins : « De ce fait je me suis fait quelques frayeurs, et le dimanche je suis resté un peu sur la réserve. Mais bon, je me classe quatrième au scratch et deuxième du Groupe A, pas très loin de Rémi, de quoi être très satisfait de mon week-end. »
Rassuré sur ses performances, Francis espérait rééditer sur le Col Saint-Pierre. Il y parviendra en accrochant une nouvelle fois la deuxième place du groupe, mais ne cache pas pour autant sa déception : « Les chronos n’étaient pas à la hauteur de mes attentes. Je termine à cinq secondes de Rémi, et à ce moment-là je me suis dit que cette année, ça ne serait pas pour moi. Après, j’avais toujours des problèmes de freins, la Seat étant restée dans le sud entre les deux premières épreuves de la saison, je ne suis donc pas intervenu dessus. Mais ça n’explique pas tout, et j’avais du mal à comprendre un tel écart. Etre deuxième c’est bien, mais être à ce point devancé ne peut me satisfaire. »
Vainqueur de la Course de Côte d’Abreschviller en 2016, Francis Dosières retrouvait en Lorraine un terrain qui lui convient bien. Problèmes de freins résolus, il allait pouvoir se battre dans de meilleures conditions, et il en profitait pour signer un premier succès de groupe, en devançant Jérôme Janny de quatre dixièmes : « Là tout s’est bien passé, j’ai signé de bons chronos et battu le record des Seat en améliorant tout au long du week-end ; je ne peux être que satisfait. »
En Normandie, Francis montait à nouveau sur la plus haute marche du podium du Groupe A, en terminant 8ème au scratch de la Course de Côte de Thèreval – Agneaux : « Je pense avoir mis un petit coup au moral de mes adversaires, car la montée du matin était légèrement humide et j’ai creusé un écart substantiel. Je me souviens avoir fait une grosse erreur sur la deuxième montée, et malgré tout j’étais resté dans les temps. Là aussi je pense avoir signé le record, donc nouveau week-end satisfaisant. »
Francis n’allait pas connaitre la même réussite à La Pommeraye, où cette fois il se voyait devancé par Jérôme Janny : « J’étais vraiment bien lors des essais, mais le dimanche j’ai un peu plafonné. Je n’ai rien à redire car j’ai été battu à la régulière, mais je suis malgré tout un peu déçu de ne pas être parvenu à améliorer lors de la journée de course. »
C’est un scénario identique qu’allait connaitre Francis Dosières à Saint Gouëno où, particulièrement à son affaire lors des essais, il ne parvenait pas à entrer suffisamment dans le rythme lors de la course : « J’ai commis des erreurs de pneus… La météo était incertaine, le terrain changé constamment et j’ai voulu faire le pari de monter des slicks, mais ce n’était pas le meilleur choix. J’ai tout misé sur la dernière montée, mais j’ai bien failli casser la voiture en bloquant les roues au ’’Fer à Cheval’’, une faute qui aurait pu me coûter très cher. »
A Marchampt en Beaujolais, Francis retrouvait son adversaire du début de saison, Rémi Bernard. Les deux hommes ne se privaient pas de se livrer une lutte acharnée, d’où le pilote de Fouchères sortait vainqueur en devançant son jeune rival de 322 millièmes : « Je savais que ce serait une course difficile, même si j’apprécie ce genre de tracé très rapide. On s’est battu comme des chiffonniers, et au final je m’impose, donc énorme satisfaction pour moi. »
Un nouveau duel attendait Francis Dosières à Vuillafans, où cette fois il allait devoir cravacher pour venir à bout d’un Jérôme Janny particulièrement combatif : « Nous nous sommes livré une belle bagarre, en progressant tous les deux au fil des montées lors des essais. Les meilleurs temps ont été réalisés lors de la première montée de course, je pense que par la suite, la route devait être plus chaude et qu’il était donc difficile d’améliorer. Sur la dernière confrontation du jour nous pensions Jérôme et moi avoir amélioré, mais finalement nous ne sommes pas parvenus à signer de meilleurs chronos. » Huitième au scratch, Francis imposait sa Supercopa en tête du Groupe A avec une avance de 137 millièmes sur son jeune adversaire.
A Dunières ils seront trois à tenter de décrocher le Graal, et là encore Jérôme Janny, Rémi Bernard et Francis Dosières vont se rendre coup pour coup. Au final, Francis se classe troisième à seulement huit dixièmes de Jérôme Janny et à un dérisoire dixième de Rémi Bernard : « C’est évidemment une déception. Louper la deuxième place pour un dixième ne peut être que frustrant. Après, je ne peux m’en vouloir qu’à moi-même parce qu’à Dunières, j’ai beaucoup travaillé sur la McLaren de Pierre (Courroye) au détriment de ma course. Je n’ai pas pris le temps d’améliorer les réglages de la Supercopa. Je ne laisse pas sous-entendre que c’est ce qui m’a empêché de m’imposer, mais je peux regretter, vu les écarts, de ne pas avoir pu concentrer mes efforts sur ma course. Il faut garder à l’esprit que Pierre jouait le titre, et qu’il était logique de favoriser sa prestation. »
Sa troisième place au Mont-Dore ne sera pas aussi décevante, Francis s’estimant même heureux d’avoir pu terminer la course : « Dès les essais j’avais d’énormes vibrations dans les virages serrés. Cela provenait de l’autobloquant qui rendait l’âme. Sincèrement, je ne pensais pas être en mesure de rouler le dimanche, et au final je me classe troisième du groupe. Le résultat est un peu décevant, mais compte tenu des problèmes que j’ai rencontrés, je ne peux que m’en satisfaire. »
Il est toujours difficile au mois d’août, alors que de nombreuses entreprises sont fermées, de trouver les pièces nécessaires à une réparation. Et si Francis parvenait à réparer, ce n’est que le jeudi soir qu’il récupérait la boîte de vitesses de sa Supercopa, pour la remonter le vendredi matin, à la veille de Chamrousse : « C’était un peu chaud… Là encore j’étais bien lors des essais, mais en course, sur la première montée, aux vues des nombreuses sorties de route, je n’étais pas en confiance et je n’ai pas voulu tout lâcher. J’ai tout misé sur la dernière manche, mais j’ai commis une erreur à la chicane et ce n’était plus possible de revenir au premier rang », explique Francis qui termine deuxième derrière Jérôme Janny.
A Turckheim, ou les pilotes des Supercopa se retrouvaient pour une nouvelle confrontation, c’est finalement Francis qui terminait en tête, trois dixièmes devant Jérôme Janny : « La météo rendait les conditions difficiles, et je pense avoir utilisé les bons pneus au bon moment. C’était à la deuxième montée et c’était le bon choix. »
C’est sur la Course de Côte de Limonest que Francis Dosières terminait sa saison. Un final sur lequel il plaçait sa Seat Léon Supercopa à la deuxième place du Groupe A : « Normalement, c’est Philippe (Marion) qui devait prendre le volant de la voiture à Limonest. Mais du fait que la première place du Groupe A au championnat se jouait sur cette ultime confrontation, il a décidé de me laisser rouler. Nous avons bien fait, car pour deux ou trois points j’aurais terminé deuxième. Je ne suis pas un adepte du tracé de cette épreuve, j’ai donc, dans des conditions difficiles cette année, assuré les points. »
« J’aurais signé tout de suite… »
Alors qu’il ne croyait pas en ses chances de bien figurer cette année au volant d’une voiture qu’il pensait peu performante, Francis Dosières remporte le Trophée FFSA du Groupe A et le Challenge Open A/4. De nouvelles récompenses qui viennent un peu plus étoffer un imposant palmarès : « Il est clair que si on m’avait dit ça en début de saison, j’aurais signé tout de suite. Le bilan est pour moi plus que positif. Je ne peux être que satisfait de cette saison. »
Les trophées remportés par Francis Dosières ne sont pas sa seule satisfaction : « Depuis de nombreuses années je me disais que j’aimerais bien aider un jeune pilote. L’occasion s’est présentée avec Pierre (Courroye) que j’ai intégré au sein du team. Le résultat est là puisqu’il remporte le Championnat de France Production, et qu’humainement nous avons vécu une fabuleuse saison. J’ai donc de bonnes raisons de me réjouir, car ça aussi c’est un motif de satisfaction. »
Une satisfaction que Francis veut partager avec ceux qui ont pris une part active à la conquête de ses titres : « Un grand merci à toute mon équipe et bien évidemment à mon fidèle mécano, Jeannot (Natter), et à Claudine qui assure l’intendance tout au long de la saison. Merci à Michel et Pierre Courroye avec qui tout s’est magistralement bien passé tout au long de la saison. Je n’oublie pas Yacco qui est un fidèle partenaire depuis de nombreuses années, et Jeannin Automobiles concessionnaire VAG. »
S’il espère encore animer le Championnat de France de la Montagne en 2018, Francis Dosières ne sait pas encore dans quelles conditions et au volant de quelle voiture : « Michel Courroye m’a très aimablement proposé de mettre à ma disposition la Porsche 997 GT2 avec laquelle Pierre évoluait en GT de Série. Mais je ne suis pas sûr qu’il soit très judicieux de s’engager dans une catégorie qui accueille de moins en moins de concurrents. Je pense donc que si je suis encore là la saison prochaine, ce sera à nouveau en Groupe A. Par contre je ne sais pas si je conserverai la Supercopa ou si je porterai mon choix sur une autre voiture », conclut Francis.
Propos recueillis par Bruno Valette
Retrouvez le portrait et le bilan 2016 de Francis Dosières.