
Après une année de découverte, Jérémy Schilt relançait en 2024 sa Formule Renault sur le Championnat de France de la Montagne. Une saison au volant d’une voiture loin d’être optimisée mais avec laquelle l’Alsacien sera en constante progression.
Ce n’est pas sur quatre, mais sur deux roues que Jérémy Schilt a découvert le sport automobile. Plus précisément sur une moto, et non pas au guidon mais en passager de son père qui ouvrait les convois qui allaient des paddocks à la ligne de départ de la Course de Côte de Turckheim. Enfant, Jérémy était admiratif devant les prestations des pilotes qui affrontaient avec audace le tracé alsacien. Lorsque comme Jérémy on réside au pied de la côte des 3 Epis, on attend chaque année avec impatience la nouvelle édition de la traditionnelle manche du Championnat de France de la Montagne.
Un championnat qui semblait passionnant pour le petit garçon dans la tête duquel germait l’idée d’être un jour au départ de cette épreuve. Mais avant de s’attaquer aux courses de côte, c’est sur les vélodromes que Jérémy Schilt ira glaner des succès. Sprinter, Jérémy sera à de multiples reprises Champion d’Alsace entre ses 14 et ses 19 ans avant de terminer une année au pied du podium du Championnat de France.
Mais il y a trois ans, Jérémy Schilt perdait son père, cet homme qui lui avait fait découvrir le sport automobile et qui rêvait de s’installer derrière le volant sans jamais être parvenu à concrétiser ce rêve. Quel plus bel hommage pouvait lui offrir son fils que de tenter l’aventure en sport automobile. Jérémy se portait alors acquéreur d’une Formule Renault qui sera alignée en septembre 2022 au départ de la Course de Côte de Turckheim. Une expérience émotionnellement très forte qui lui laissera un souvenir impérissable et le motivera à poursuivre dans cette voie. En 2023 il sera donc engagé officiellement sur le championnat avec comme seul objectif de découvrir et de se faire plaisir. Objectif pleinement réalisé à l’issue d’une saison pleine de belles rencontres et de magnifiques sensations vécues sur les manches du championnat.
Poursuivre la progression
Cette première saison, qui comptait huit participations, ne permettait pas à Jérémy de tirer le maximum de sa monoplace. Logique donc pour lui de repartir en 2024 au volant de sa Formule Renault : « J’avais encore énormément de choses à découvrir, à tenter de tirer le maximum du potentiel de la voiture et pourquoi pas essayer de jouer les trouble-fêtes sur certaines épreuves si mes capacités le permettaient. » Mais l’objectif premier de l’Alsacien était avant tout de progresser : « Pour le reste j’espérais marquer plus de points que lors de la précédente saison, mais sans chercher une place au sein du Challenge Open DE/7. »
Avant d’entamer sa campagne de France, Jérémy Schilt confiait sa voiture à un préparateur qui malheureusement ne lui livrera pas une monoplace optimisée : « J’ai débuté la saison sans savoir que l’auto n’était pas correctement réglée », avoue Jérémy. « Je n’ai pas suffisamment de connaissance et d’expérience pour évaluer le bon comportement d’une voiture, c’est finalement Ludovic Cholley qui m’a fait prendre conscience à Abreschviller que quelque chose n’allait pas. »
Pilote et voiture en progression au fil des épreuves
Pour son premier rendez-vous à Abreschviller, malgré une auto au comportement erratique, Jérémy avoue s’être fait plaisir : « Je suis parvenu à signer un deuxième temps de classe sur le mouillé. Ce fut pour moi une belle surprise parce que je n’avais pas eu vraiment jusque là l’occasion de rouler sur une route humide. » Dans la foulée, Jérémy Schilt se rendait à l’Ormont où il parvenait à se classer deuxième des Formule Renault derrière celle de Frédéric Schwaller : « J’ai passé un bon week-end, sur une de mes premières courses régionales. Une course sans problème. »
Sans problème, mais malgré tout il paraissait évident que le comportement de la Formule Renault était loin de correspondre à ce qu’un pilote peut attendre : « C’est alors que Ludovic Cholley est intervenu sur la voiture. Le temps qui lui était imparti ne permettait pas de la rendre réellement compétitive, mais au moins je retrouvais une voiture saine dans son comportement. »

A son calendrier 2024, Jérémy Schilt avait inscrit la Course de Côte des Teurses de Thèreval. L’occasion pour lui de découvrir le tracé normand : « C’était une expédition pour me rendre sur cette épreuve. J’étais seul, dans l’obligation de tout gérer avec un trajet de plus de onze heures à l’aller et douze heures au retour… Ce n’était pas évident », se souvient l’Alsacien. « Mais l’accueil est fabuleux et j’ai passé un magnifique week-end. L’engouement de la part des résidents et des spectateurs et vraiment fabuleux. Pour ce qui est du tracé, ce n’est pas mon préféré mais c’est plutôt très sympa. »
On retrouvait ensuite Jérémy à Marchampt où l’Alsacien allait connaitre un week-end un peu galère : « J’ai cassé un cardan, mais Antonin (Saintmard) et son beau-frère Nicolas ont eu l’extrême gentillesse de m’en prêter un. Sans ça j’aurais dû abandonner. Grâce à la solidarité d’un de mes adversaires je n’ai loupé aucune montée et j’ai pu terminer le week-end » rappelle Jérémy. « Je me suis fait plaisir sur un tracé que j’adore et dans les paddocks j’étais installé à côté du team de Thomas Clausi. Cela m’a permis de me lier avec son équipe et ça aura des conséquences sur la suite de ma saison. » En effet, Thomas, qui connait bien la Formule Renault, comprenait rapidement que celle de Jérémy, si elle était saine dans son comportement, manquait cruellement de compétitivité. « En sachant d’où j’étais parti en début de saison, je me satisfaisais de ma voiture, mais là j’ai pris conscience qu’elle pouvait certainement m’apporter bien plus de satisfactions. »
Même s’il n’a pas la prétention de s’imposer sur le Challenge Open, Jérémy était en droit de se poser des questions : « Jusque-là je pensais juste que je n’étais pas au niveau. Mais il paraissait évident alors que la voiture ne me permettait pas de réaliser des prouesses. » Malgré tout, Jérémy acceptait sans rechigner cette réalité, « puisque pour moi l’essentiel était avant tout de rouler. »
A Vuillafans Jérémy Schilt ne parviendra pas à signer des chronos à la hauteur de ceux réalisés lors de la précédente édition : « J’étais donc un peu déçu, parce que je pensais qu’avec les réglages adoptés sur la voiture je devais améliorer », confie l’Alsacien. « Et puis durant ce week-end, Xavier Vermeille avec qui je discute souvent, a pulvérisé sa Norma, heureusement sans se faire mal, mais là j’avoue que ça m’a bien calmé. J’ai pris conscience qu’un accident est vite arrivé, et pour moi qui veut avant tout être au départ de Turckheim, je ne devais pas prendre le moindre risque. Mais j’ai tout de même la satisfaction de signer un bon chrono sous la pluie. »
Après Vuillafans, c’est chez lui, en Alsace, sur la Course de Côte de La Broque que Jérémy poursuivait sa saison : « C’est un de mes meilleurs souvenirs de la saison parce que pour la première fois mes enfants, Isaac et Timothé, m’accompagnaient. Alors il est clair qu’en leur présence j’ai mené une course sage, je ne voulais pas qu’ils soient les témoins d’une sortie de route de leur papa. Mais ça reste vraiment un excellent souvenir d’avoir pu partager ça avec eux qui ont six et huit ans. »
Il est toujours difficile d’appréhender le tracé atypique de Dunières, c’est ce qu’avait ressenti Jérémy Schilt en 2023. Mais à l’occasion de l’édition 2024 l’Alsacien sera nettement plus à son aise sur le tracé auvergnat : « J’avais eu du mal à prendre mes marques, mais cette année j’ai mieux compris les trajectoires. Ça ne m’a pas empêché de me faire peur parce qu’avec des recos limitées, à côté d’un pilote, je pensais que le premier virage pouvait se prendre bien plus vite. J’ai flirté avec le rail et là je me suis dit qu’il allait me falloir bosser les reconnaissances. »
Sa participation sur la Course de Côte du Mont de Fourche permettait à Jérémy d’accrocher une deuxième place de classe, derrière Tristan Jeanroy mais six dixièmes devant Frédéric Schwaller qui l’avait devancé à l’Ormont : « Là j’ai eu le sentiment de progresser… Nous étions quatre Formule Renault au départ avec en plus de la présence de Tristan Jeanroy et Frédéric Schwaller, celle de Cyrille Tachot. Je parviens à terminer deuxième face à des pilotes qui m’avaient jusque-là devancé à Turckheim et ça me satisfait pleinement. »

La participation de Jérémy Schilt a Chamrousse se présentait assez mal. Le trajet entre l’Alsace et l’Isère sera marqué par plusieurs péripéties et Jérémy rejoignait la station alpine le vendredi soir, un quart d’heure avant la clôture des vérifications : « Il m’a fallu tout faire dans l’urgence et quand je suis arrivé sur le parc je n’avais plus de place. J’étais démoralisé parce que quand tu dors dans la voiture, c’est jamais top de galérer à trouver un endroit pour te poser. » Mais Jérémy allait une nouvelle fois bénéficier de la solidarité des Montagnards. « Alors que je cherchais une place, je tombe sur Tom (Clausi) qui me propose immédiatement de m’installer sous sa structure. C’était vraiment super sympa. J’ai diné avec eux et durant le repas, Marvin (Garampon-Brunet), qui est l’un de mes adversaires sur le Challenge Open, m’a offert de venir dormir avec lui et son père dans l’appartement qu’ils avaient loué. Ça fait super chaud au cœur et ça restera un souvenir inoubliable pour moi. »
La solidarité va bien plus loin qu’une simple entraide : « Marvin m’a même proposé de visionner ses caméras et on s’est alors rendu compte que par rapport à lui mes trajectoires étaient plutôt bonnes. Mais ce qui m’a le plus surpris c’est que quand Marvin tournait le volant, sa voiture réagissait immédiatement alors que la mienne m’emmenait vers l’extérieur. Il était évident que j’avais un problème et Tom m’a proposé de me régler l’auto… Grâce à ça, j’ai découvert une nouvelle voiture, exceptionnelle. Cela m’a permis d’améliorer considérablement mes chronos… C’était top ! »
Avec une auto bien plus à sa convenance, Jérémy allait pouvoir mieux défendre ses chances chez lui, à Turckheim. Et effectivement les résultats seront au rendez-vous puisque l’Alsacien se battait tout au long du week-end pour le podium pour finalement terminer au quatrième rang de sa classe. Malheureusement le week-end se concluait de la pire des manières : « Turckheim a pour moi une saveur particulière, c’est là que repose les cendres de mon père, et j’ai une affection à part pour le tracé qui m’a fait découvrir la course de côte », rappelle Jérémy. « Je voulais vraiment réussir et pour cela nous avions changé la boîte de vitesses, ajusté les réglages de la voiture, tout pour que ça fonctionne. Grâce à cela j’ai pu progresser tout au long du week-end, et au départ de la quatrième montée, j’ai à l’esprit que si je fais un temps je peux au cumul aller chercher la deuxième place… »
Mais une incompréhension sera à l’origine de sa sortie de route : « En visionnant ma caméra, Marvin se rend compte que dans les chicanes du haut du parcours je rentre en trois. Il me dit alors, ''là Jerem tu prends des risques, moi je rentre en quatre à cet endroit, c’est plus sécure.'' Je n’avais pas cette impression mais j’ai voulu l’écouter et ça n’est pas passé. Ce que Marvin ignorait c’est que nous n’avions pas la même boite et que quand j’ai enclenché la quatre, le petit délestage de la voiture me met en coup de raquette et je tape la roche. » Secoué, Jérémy était fort heureusement indemne, mais sa monoplace avait subi de gros dégâts : « L’auto était coupée en trois, le moteur était arraché, la boîte séparée du moteur, les roues à droite disparues, une catastrophe », se désole Jérémy qui terminait son week-end à l’hôpital où fort heureusement il ressortait le soir même indemne. « En étudiant par la suite ma caméra, c’est Thomas (Clausi) qui m’a rappelé que Marvin et moi n’avions pas la même boîte, ce que Marvin ignorait. »
De belles satisfactions
La saison de Jérémy Schilt se termine donc par une sortie de route mais l’Alsacien veut rester positif : « Je suis réellement satisfait de ce que j’ai fait. Je suis en constante amélioration et même si je sors à Turckheim cela me permet de progresser. Je suis gardien de but au sein de l’équipe première de Hockey-sur-Glace de Colmar, et je sais que quand tu commets une erreur tu prends un but, les conséquences sont limitées et permettent d’apprendre. En sport auto les conséquences sont nettement plus graves, mais tu apprends également. C’est pour moi essentiel. Et puis je veux rester optimiste après avoir vécu en 2024 la pire année de ma vie avec un divorce, mon associé qui m’a planté et la sortie de route à Turckheim qui fait que je touche le fond… Mais j’ai l’habitude de rebondir. J’avais l’impression à Turckheim d’être protégé par l’esprit de mon père, et finalement je vis comme une leçon cette sortie de route. Ce qui ne tue pas rend plus fort ! »

Vient l’heure des remerciements et Jérémy Schilt veut avoir une pensée pour ceux qui l’ont aidé et soutenu durant cette saison : « Merci infiniment à mon oncle Éric Gsell, à Alain Venchiarutti, à Thomas Clausi et l'ensemble de son équipe ainsi que toutes les personnes qui m’ont suivi et soutenu. J’ai évidemment une pensée pour les organisateurs et les bénévoles qui nous permettent de vivre ces moments incroyables. Je n’oublie pas mes partenaires, Fabrice Studer, Contrôle Technique, Microbrasserie Guth, Fermital’, Carrosserie Ferlisi - Salvatore Ferlisi, O Malo Ottmarsheim, Hopla Glass - Julien Bachmann, Sundgovia Automobiles, Le Paddock des Loups, O Puissance 4, Daytona 73, Rik Gsellou, Nathalie Hayes, Meilleurtaux Mulhouse, Abeille Assurances, ASA Alsace, GT Compétition, LowRent68, Nicolas Eberlin, Bryan Reech, Jean-François Imhoff, Thomas Hammer – Resetel, Toiture Sd Meyer, Rosé Fils - Christophe Rosé, Eric Truptil - Eric peinture, @alsace Maintenance Garage, Alain Richard. »
Les différents problèmes que rencontrent Jérémy Schilt doivent être résolus avant d’envisager une suite à son implication sur le championnat : « J’ai la chance extraordinaire d’avoir un partenaire qui me suit et qui va m’aider à retrouver une voiture. Alors il est clair que je dois consacrer l’année 2025 à remonter ma société et mettre tout en place pour revenir sur le championnat en 2026, je pense toujours en Formule Renault », conclut Jérémy.
©Bruno Valette
www.ffsamontagne.org / www.cfm-challenge.com
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