La saison extraordinaire de Geoffrey Schatz

Même s’il ne disposait pas jusqu’alors d’une auto en mesure de défier les Protos CN+, Geoffrey Schatz a rapidement joué les premiers rôles sur les manches du Championnat de France de la Montagne. Vice-champion 2014, le jeune bourguignon démontrait à tout juste 23 ans qu’il comptait parmi les hommes forts de la discipline. En remportant cette saison quatre victoires et en établissant un nouveau record à Turckheim, Geoffrey a confirmé ce que l’on savait déjà, à savoir que du haut de ses 26 ans une belle carrière se dessine devant lui.

Pour aborder cette saison 2017, Geoffrey Schatz se voyait dans l’obligation de changer de monture. Le châssis de sa F3000 Reynard 95 D Mugen étant devenu caduc, il portait son choix sur une F3000 Reynard 01L Nippon plus récente : « J’avoue que j’avais au départ une certaine appréhension concernant le comportement de la Nippon réputée très pointue. Mais les essais préparatoires à la saison que nous avons menés en circuit, m’ont rassuré. Les chronos étant vraiment bons, le comportement et les réactions de l’auto me paraissaient beaucoup plus prévisibles, en clair j’avais le sentiment d’une auto plus sécurisante. »

Même au volant d’une F3000 considérée comme plus véloce, Geoffrey savait qu’il lui serait difficile de prétendre à la victoire : « Mon objectif était alors de venir m’immiscer dans le combat que ne manquerait pas de se livrer les Protos 4 litres. J’avais à l’esprit que Sébastien (Petit) serait cette année intouchable, mais que sur certaines courses je pourrais me battre avec Cyrille (Frantz). »

Le premier coup de théâtre de la saison aura lieu à la veille du coup d’envoi, lorsque Nicolas, le frère ainé de Geoffrey, annonçait qu’il ne viendrait pas contester un huitième titre, préférant en toute logique favoriser un programme international en circuit. Pour Geoffrey, le forfait de Nicolas ne changeait pas réellement la donne, si ce n’est qu’il n’aurait plus face à lui trois mais deux Norma CN+, et qu’il se retrouvait de facto fer de lance du Team Schatz Compétition : « Cela n’a en rien modifié mon approche de la course, le seul changement venait du fait qu’en l’absence de Nicolas, je devais m’occuper de tous les pilotes du Team. Ce que j’avais déjà eu l’occasion de faire en sa présence les années précédentes. Cela représente une responsabilité supplémentaire. »

La F3000 abonnée aux deuxièmes places
La Course de Côte de Bagnols-Sabran, manche d’ouverture de la saison, sera finalement une confirmation des attentes de Geoffrey, qui place sa F3000 au deuxième rang : « Le comportement de la voiture est conforme à ce que nous pensions à l’issue des essais, de ce fait l’entame de la saison s’est très bien passé et le feeling avec l’auto était excellent. »

Si l’entame de la saison était parfaite, celle du Col Saint-Pierre sera en revanche nettement plus compliquée. Victime d’un tête-à-queue, Geoffrey endommagé l’aileron arrière de sa F3000 : « J’ai commis une petite erreur au premier virage, j’ai perdu l’équilibre de l’auto au freinage. L’équilibre des freins n’était pas optimal et a été retouché par la suite.» Aileron arrière détruit sur la première montée, Geoffrey ne s’alignait pas au départ de la deuxième manche, on voyait mal comment compte tenu des dégâts il pourrait prendre part à la dernière montée du week-end. Mais dans l’esprit de Bruno Schatz le doute n’a pas de place, il était hors de question de « lâcher l’affaire » … Une nouvelle fois son acharnement allait payer : « Encore une fois, mon père et Dany ont fait un boulot exceptionnel et ont réalisé l’exploit de réparer cet aileron qui était en miettes. Egalement un grand merci à Joël Roussel et Francis Dosières pour m’avoir fourni la matière première nécessaire à la réparation. » Geoffrey reprenait le volant pour aller chercher la deuxième place qui fut une belle récompense pour l’équipe.

Le tracé rapide d’Abreschviller met en exergue la puissance des moteurs et avant même de se rendre sur l’épreuve mosellane, Geoffrey savait qu’il serait pénalisé face aux 4 litres des protos CN+. Au final, on le retrouve sur la troisième marche du podium : « Je ne pouvais pas espérer beaucoup mieux. Mais j’avais à cœur de réaliser de bonnes performances et au final j’améliore le chrono que j’avais signé précédemment avec mon ancienne auto. C’était pour moi positif et j’avoue avoir passé un très bon week-end. »

Victime l’an dernier d’une sortie de route à Thèreval, Geoffrey a suffisamment d’expérience et de recul pour savoir tourner la page et aborder la course en occultant ses déboires des années précédentes : « Je suis content de ma prestation car j’ai livré un beau combat à Cyrille et finalement je suis parvenu à le devancer en « m’arrachant » sur la dernière montée. Ce genre de combat est particulièrement plaisant, et je suis vraiment satisfait de mon week-end. »

C’est une nouvelle fois à la deuxième place que l’on retrouvait Geoffrey Schatz à l’issue de la Course de Côte de La Pommeraye : « Au fil des courses je cernais de mieux en mieux le comportement de la voiture. Cela me permettait de prendre énormément de plaisir au volant, et de ce fait d’améliorer mes chronos. Donc là encore, je ne peux être que satisfait. »

Saint Gouëno aurait très bien pu être le théâtre de la première victoire de Geoffrey. Tout au long de la journée de dimanche, le jeune bourguignon a en effet mené les débats, avant de céder la première place à un Sébastien Petit très incisif : « Sur un parcours humide, je suis parvenu à jouer avec Sébastien, mais sur la dernière montée la route s’est presque asséchée et la puissance a repris ses droits, ce qui rétablissait la logique de classement. Mais c’était très sympa de parvenir à rivaliser dans des conditions délicates et je me suis bien amusé avec mon auto. »

Première apparition premier succès avec la Norma CN+
C’est au volant de la Norma à moteur 4 litres que le jeune bourguignon allait aborder la Course de Côte de Marchampt en Beaujolais. Geoffrey ne prétendait pas alors se hisser sur la première marche du podium : « Lors des essais en circuit j’ai réalisé de très bons chronos, mais je ne pensais pas pour autant contester la victoire dès la première épreuve. Entre la piste et la côte, il y a deux mondes bien distincts, et je ne voulais surtout pas griller les étapes. Le but n’était donc pas d’aller chercher la victoire d’entrée de jeu, mais de me concentrer sur un pilotage académique, pour bien cerner le comportement de l’auto et ne pas commettre d’erreur. »

Dimanche, sur la première montée, Sébastien Petit signait le meilleur chrono en 1’30’’885, 373 millièmes devant Geoffrey. Lors de la deuxième montée, c’est le jeune bourguignon qui était le plus rapide, sans toutefois parvenir à améliorer le chrono réalisé par son adversaire dans la matinée. Le match allait donc se jouer sur la dernière montée dominicale, et alors que Seb ne parvenait pas à faire mieux que son premier chrono du jour, Geoffrey était crédité d’un 1’30’’763 qui, pour 122 millièmes, lui permettait de signer son premier succès sur le Championnat pour sa première participation au volant d’un Proto CN+…

« C’est un week-end que je ne suis pas près d’oublier ! ». Remporter sa première épreuve dans le cadre du Championnat de France de la Montagne ne peut qu’offrir un sentiment très particulier, « à ce moment-là je ne peux que remercier Nico qui m’a fait un super cadeau en me confiant le volant de sa Norma. Ce fut vraiment un week-end riche en émotions. »

Ce premier succès relançait le Championnat, puisqu’en s’imposant à Marchampt, Geoffrey se présentait comme un légitime prétendant à la couronne : « C’était toutefois compliqué, car si mathématiquement je pouvais encore devancer Sébastien, toute erreur m’était interdite. Sur le papier c’était jouable, sur le terrain on savait que ce serait très difficile », analyse le vainqueur de Marchampt.

Malheureusement pour Geoffrey, le ciel allait en décider autrement. A Vuillafans, samedi, Sébastien Petit partait à la faute et n’était pas en mesure de signer un chrono lors des essais. On pouvait alors penser que les Dieux de la Montagne avaient décidé de faire la part belle à Geoffrey lors de ce week-end franc-comtois. Mais dimanche, la météo s’acharnait sur les ténors du Championnat, épargnant Sébastien Petit qui, privé de chrono lors des essais, devait s’élancer comme le prévoit la réglementation, en tête de la Série Sport : « Je n’avais jamais vu ça. On peut être malchanceux sur une montée et prendre la pluie alors que votre adversaire direct est épargné. Mais là, ce fut systématique tout au long de la journée du dimanche. C’est comme ça, c’est frustrant mais c’est la course », commente Geoffrey fataliste. « C’est d’autant plus rageant que les essais s’étaient bien passés, que je disposais de quatre pneus neufs pour la course, que tout semblait réuni pour que l’on puisse se battre de fort belle manière. La météo en a décidé autrement. »

Même s’il accusait alors un retard au Championnat, Geoffrey ne tardait pas à prendre sa revanche en imposant sa Norma à Dunières : « Ce fut compliqué, j’ai pas mal galéré sur ce tracé. Le comportement du 4 litres fut compliqué à appréhender, mais bon la victoire est là et ça fait très plaisir. »

Le duel entre Sébastien Petit et Geoffrey Schatz se poursuivait sur les pentes du Mont-Dore, où Seb devançait finalement le bourguignon de seulement 4 dixièmes : « Je suis à la fois déçu et satisfait… C’est décevant du fait que je termine deuxième alors que j’aurais bien évidemment voulu gagner. Le setup de l’auto était perfectible, nous avions du sous virage à moyenne vitesse. Mais malgré ça, c’est satisfaisant par rapport aux chronos, car nous sommes allés très vite. Seb à fait le job et nous avons tombé tous les deux le record de manière significative. Les sentiments sont donc mitigés… »

Leader tout au long de la journée sur la Course de Côte de Chamrousse, Geoffrey voit Sébastien Petit le devancer de deux dixièmes à l’issue de la dernière montée : « Comme à Dunières, j’ai vécu une course compliquée sur un tracé difficile à aborder. Je ne suis pas parvenu à faire une seule montée ’’clean’’, sans commettre la moindre erreur. »

A Turckheim, Geoffrey Schatz allait réaliser un nouvel exploit. Non seulement il remportait là son troisième succès de la saison, mais il battait par la même occasion le record du tracé détenu par son frère : « C’est un tracé que j’affectionne énormément et c’est pour moi une très belle victoire. Compte tenu de la présence de grands pilotes de la renommée de Sébastien Loeb et Romain Dumas, et d’un très nombreux public, j’avais à cœur de faire quelque chose de bien », confie Geoffrey.

« Je m’attendais à ce que Sébastien revienne fort, car il a souvent comme habitude de faire péter un chrono sur la dernière montée. J’ai donc sorti la grosse attaque, je me suis arraché dans des conditions un peu compliquées, mais tout à fait roulable, même si le shift light de mon volant engendrait quelques éblouissements. Détenir un record sur une manche du Championnat et quelque chose qui fait vraiment plaisir, d’autant plus sur un tracé tel que Turckheim, très sélectif et technique. »

En conclusion de la saison, Geoffrey ira signer à Limonest un ultime succès, portant à quatre le nombre de victoires acquises cette saison : « J’appréhendais un petit peu car je n’avais jamais eu l’occasion de disputer cette épreuve avec une grosse auto. La dernière fois que je me suis aligné au départ c’était avec un proto 2 litres. Il a fallu m’adapter ce qui n’était pas évident compte tenu du manque de grip. On a énormément bossé sur les réglages, et pas seulement sur ma voiture, pour que les pilotes du team disposent des meilleurs setups possibles. Au final, je m’impose avec une belle avance et David (Meillon) signe son premier podium sur une manche du Championnat, c’était la cerise sur le gâteau pour savourer cette fin de saison. »

Vice-champion de France, vainqueur à quatre reprises, détenteur du nouveau record à Turckheim, Geoffrey Schatz s’avoue bien évidemment satisfait de cette saison 2017 qui l’aura vu une nouvelle fois briller : « C’est ma plus belle saison depuis que je cours », reconnait-il. « La première moitié de saison m’a apporté de nombreuses satisfactions au volant d’une F3000 avec laquelle j’avais un excellent feeling, ce qui m’a permis d’améliorer mes chronos précédents à de nombreuses reprises. La seconde partie est tout simplement extraordinaire, je ne peux qu’être enchanté. Un grand merci à toute l’équipe pour le travail accompli, pour les moments passés et l’ambiance qui règne au sein du Team ainsi qu’à toutes les personnes qui m’ont aidé et soutenu pendant cette magnifique saison. »

Que fera Geoffrey Schatz en 2018 ? Il est certain qu’il viendra à nouveau animer le Championnat de France de la Montagne. Mais pour l’heure de nombreuses incertitudes planent encore : « Je suis à la recherche de budget et je vends mon matériel. Des finances, de la vente, et de la nouvelle réglementation dépendront les choix que nous ferons. Pour le moment rien n’est figé. »

Propos recueillis par Bruno Valette

Retrouvez le portrait et le bilan 2016 de Geoffrey Schatz.


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