Depuis près d’une dizaine d’années, Jean-Jacques Louvet est l’un des animateurs les plus assidus du championnat. Et si au volant de sa Norma M20 F il n’a plus la prétention de défier de jeunes talents qui sont en âge d’être ses petits-enfants, il reste d’une incroyable vélocité qui lui permet de continuer à améliorer ses chronos.
La saison 2021 fut pour Jean-Jacques Louvet celle du retour après une année sabbatique. Le format proposé en 2020, sur les trois seules épreuves inscrites au calendrier, à savoir deux courses par week-end, n’emportait pas l’adhésion de Jean-Jacques qui décidait de mettre un temps la compétition entre parenthèses : « Apparemment ceux qui ont pris part au championnat en 2020 semblent avoir apprécié le déroulement des épreuves, mais je reconnais que ça ne me convenait pas. Pour moi qui a comme obligation d’intégrer une équipe qui prend en charge ma voiture, les divers frais engendrés me semblaient trop importants pour seulement trois week-ends de course. »
En toutes choses Jean-Jacques a la faculté de savoir prendre du recul, et sa décision n’entrainait pas chez lui la frustration de ne pas courir : « J’ai tout de même suivi le championnat, et je me suis même rendu à Turckheim en spectateur pour me replonger dans l’ambiance de la discipline. » Une visite en Alsace qui ne sera pas sans conséquence pour l’avenir : « C’est en effet là que j’ai eu l’occasion de rencontrer Steeve (Gérard) et les membres du Helium Racing. » Une rencontre motivée par une discussion avec Etienne et Marc Pernot : « Ils louaient une Formule Renault chez Helium, et j’ai voulu connaitre leurs ressentis. Ils m’ont fait l’éloge de la structure en m’expliquant que la voiture était super, l’équipe géniale, l’ambiance hyper sympa. » Des propos dithyrambiques qui allaient inciter Jean-Jacques à rentrer en contact avec Steeve Gérard : « Nous avons rapidement finalisé un accord pour la saison 2021 et avec le recul j’en suis enchanté, j’ai le sentiment que je ne pouvais pas trouver mieux. »
En ayant la certitude d’évoluer au sein d’une équipe sur laquelle il pouvait totalement se reposer, Jean-Jacques décidait de prendre part à l’intégralité du championnat. Il lui restait à retrouver le volant de sa Norma M20 F, ce qu’il fera lors d’une séance de roulage organisée par le Helium Racing sur le circuit du Bourbonnais : « Manque de chance, j’ai rencontré un problème de pompe à eau, ce qui m’a obligé à me contenter de sept tours de piste. Mais j’ai rapidement retrouvé de bonnes sensations, rééditer les chronos que je faisais sur ce circuit en 2019, donc tout allait pour le mieux. »
Nombreux sont ceux qui estiment que Jean-Jacques Louvet devrait troquer sa vénérable Norma M20 F contre une auto disposant d’une châssis carbone. Mais le Lyonnais estime qu’il a passé l’âge d’être dans l’obligation de gérer les impératifs que représentent un changement de monture : « Ce genre de changements nécessite un temps plus ou moins long d’adaptation, et je n’ai plus les aptitudes pour me familiariser rapidement avec un nouvel environnement », confie celui qui fêtera en mars prochain ses 74 ans. « Ma seule ambition est d’essayer d’améliorer mes chronos avec la voiture dont je dispose actuellement, je ne vais pas me créer des soucis en optant pour un changement de voiture. D’autant que je suis loin d’être ’’au bout’’ de son potentiel. »
A la recherche de chronos plus performants
Débuter la saison par la Course de Côte de La Pommeraye n’est pas chose facile, le tracé angevin étant pour le moins exigeant : « Cette année, nous avons dû composer avec une météo capricieuse et une route humide, et j’avoue que j’aime bien ça », reconnait Jean-Jacques. « Au final, je suis à une seconde des remps que j’avais l’habitude de signer sur cette épreuve, mais en ayant discuté avec plusieurs pilotes, il semble que la plupart d’entre eux ont également réalisé des performances bien en deçà de ce qu’ils faisaient précédemment. Donc pas de quoi être déçu. »
Tout le monde est unanime, Jean-Jacques Louvet lui-même le reconnait, Vuillafans est une course pour les gros cœurs. Le tracé franc-comtois requiert non seulement des aptitudes particulières mais également de faire preuve d’une certaine hardiesse : « C’est à mon sens la course la plus exigeante. Il y a deux ou trois ans, j’avais réalisé des chronos plus qu’honorables, et cette année j’étais trois ou quatre secondes moins vite. Je me suis donc efforcé, dans des parties un peu compliquées, de maintenir la cadence là où les autres me disaient que ça passait à fond. » Jean-Jacques sortait donc l’attaque, mais les chronos ne s’amélioraient pas. « A l’issue du week-end, j’ai visionné les vidéos qui me sont envoyées par Pilotes TV, et je me suis rendu compte que sur toutes les épingles je freinais quinze mètres trop tôt. En fait, j’ai voulu prendre des risques sur les parties rapides, alors que ça ne servait à rien puisque j’étais ’’arrêté’’ dans les épingles. J’ai normalement la réputation d’être un ’’freine tard’’, mais là j’ai adopté un faux rythme qui m’a bien pénalisé. »
Jean-Jacques Louvet reconnait que le tracé de Dunières n’est pas celui qui l’enchante le plus : « J’ai du mal sur cette épreuve. Ce n’est pas la course qui me plait le plus. Je ne garde pas de cette édition un souvenir impérissable. »
La pluie n’est pas un élément qui perturbe Jean-Jacques Louvet. A La Pommeraye, le pilote du Team Hélium reconnaissait être à son affaire sur une route humide. Il allait le confirmer à Marchampt en signant lors des essais d’excellents chronos : « Sur la deuxième montée d’essais, je me retrouve à la troisième place de ma classe derrière Etienne Pernot et Maxime Cotleur, sans pour autant prendre de risque. C’était plutôt très enthousiasmant. » Mais sur la troisième montée d’essais, dans le long virage à droite avant le ’’Tarrès’’, Jean-Jacques confondait le point de braquage et le point de freinage : « Erreur stupide, mais pas sans conséquence car je suis arrivé beaucoup trop vite pour négocier le virage. » Le pilote n’avait pas d’autre choix que de ’’jeter’’ sa Norma pour éviter de prendre le rail de face : « Je suis donc parti en tête-à-queue, j’ai fait deux tours et j’ai tapé le talus. » Le Proto endommagé était ramené aux paddocks sur la dépanneuse, mais les dégâts se limitaient à la casse d’un capot arrière.
Dimanche, Jean-Jacques Louvet reprenait la course sans s’apercevoir qu’une attache du capot était défaillante… « J’ai perdu le capot sur la première montée, et je ne m’en suis aperçu qu’en rentrant aux stands, lorsque les mécaniciens m’ont demandé s’il ne me manquait rien. Finalement, ce sont les dépanneurs qui me l’ont ramenée, et je leur ai payé un coup parce que cela faisait la seconde fois que je l’ai sollicité durant le week-end. »
Au Mont-Dore, Jean-Jacques Louvet allait connaitre un week-end difficile sur une épreuve qu’il ne parvient pas réellement à maîtriser : « C’est pour moi l’épreuve la plus compliquée du championnat. J’ai vraiment du mal à assimiler le parcours. Ça va bien sur les deux premiers kilomètres et sur le dernier, mais entre les deux, par moment je ne sais plus où j’en suis. Bien évidemment, on ne peut pas louper un rendez-vous aussi mythique que le Mont-Dore, mais j’ai vraiment du mal. »
Si ce n’est la chaleur ambiante, rare sur l’épreuve alpine, Jean-Jacques Louvet n’a pas de souvenirs marquants de sa participation à Chamrousse : « J’étais à peu près dans les chronos que j’ai l’habitude de signer, un peu en deçà, mais sinon, j’ai passé un excellent week-end. »
La participation de Jean-Jacques Louvet à Turckheim se limitera en 2021 à la journée de samedi : « Je n’ai pas pu rouler dimanche à cause d’un problème d’embrayage », se souvient-il. « Dans mon esprit, l’embrayage avait été refait en 2019, mais finalement ce n’était pas le cas, il comptait donc 17 courses à son actif, et il a rendu l’âme en Alsace. La butée étant également hors-service, et comme nous étions dans l’impossibilité de trouver un autre butée d’embrayage, j’ai dû abandonner. »
Pour conclure la saison, Jean-Jacques Louvet prenait part à son épreuve à domicile, la Course de Côte de Limonest. Particulièrement en verve sur ses terres, il améliorait ses chronos des précédentes éditions de près d’une seconde trois : « C’est plutôt pas mal sur cette épreuve. Je n’ai pas le sentiment d’avoir fait quelque chose de particulier, j’ai juste bien roulé et je réalise mon meilleur chrono sur ce tracé. De quoi me réjouir au moment de conclure la saison. »
Au sein du Helium Racing en 2022
Et ce résultat obtenu à Limonest ne sera pas sans incidence sur les choix futurs de Jean-Jacques : « J’avoue que les résultats en demi-teinte de la saison me portaient à réfléchir, et je me posais sérieusement la question de mettre un terme à ma participation au championnat, j’en avais d’ailleurs parlé à Steeve. Mais finalement, les bonnes sensations et les bons chronos signés à Limonest m’incitent à rempiler pour la saison prochaine. »
Même si, comme de nombreux pilotes, Jean-Jacques n’est pas parvenu à réellement améliorer ses performances sur sept des huit épreuves inscrites au calendrier, il n’en tire pas moins un bilan positif : « Je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul à avoir eu du mal à rééditer mes performances des éditions précédentes. Pour le reste, j’ai passé une magnifique saison au sein du Helium Racing. J’ai pu disposer d’une auto parfaitement entretenue, réellement bichonnée, l’ambiance est vraiment top, l’intendance parfaite et les repas excellents. Tout est toujours prêt en temps et en heure, Steeve a su s’entourer que de gens compétents, et vraiment je suis pleinement satisfait des prestations dont j’ai bénéficié. »
Depuis l’édition 2013 de la Course de Chamrousse sur laquelle Jean-Jacques Louvet avait pris part à sa toute première épreuve, de nombreuses participations ont enrichi son expérience, mais Jean-Jacques n’oublie pas tous ceux grâce à qui il a pu assouvir sa passion : « Je ne remercierais jamais assez Olivier Augusto et Nicolas Schatz qui m’ont formé et mis le pied à l’étrier. Et Dieu sait s’ils ont eu beaucoup de patience avec moi ! Également mes filles qui me supportent ce qui n’est pas toujours simple, Olivier (Boisnay) qui me suit assidûment et bien sûr le Team Helium Racing dans son ensemble, qui sont vraiment aux petits soins avec moi et mon auto, et pas que… »
Difficile d’évoquer la saison 2021 sans parler du retour de Sarah Bernard-Louvet, la fille de Jean-Jacques, qui fut l’autrice de magnifiques performances : « Elle m’a bien évidemment bluffé. Après trois ans sans toucher un volant, passer d’une F3 à une Seat Léon Supercopa et signer de tels chronos, je suis vraiment épaté », lâche Jean-Jacques pas peu fier de sa progéniture. Le papa accompagnait d’ailleurs sa fille à Braga, au Portugal, à l’occasion des FIA Hill Climb Masters où Sarah allait à nouveau s’illustrer : « Elle était à deux doigts de remporter une médaille d’argent. L’or était inaccessible face à la surpuissante Mercedes de Reto Meisel, et elle a bien failli devancer la Subaru de Damien Bradley qui affiche 600 chevaux. Elle a vraiment réalisé une fabuleuse performance. »
S’il a fait ses débuts en compétition à l’âge où de nombreux pilotes songent à la retraite, Jean-Jacques Louvet, après près d’une dizaine d’années passées sur le championnat, a décidé d’être à nouveau de la partie en 2022 : « Le plaisir en toujours au rendez-vous, et c’est pour moi l’essentiel. De ce fait je repartirai avec le Helium Racing, toujours avec la Norma M20 F et avec Sarah qui nous rejoint sous la structure. » L’occasion de rouler en famille, ce qui a des avantages, mais également quelques inconvénients : « Je sais que de savoir Sarah près de moi va être une source de stress. Comme tout papa, je me fais du souci lorsqu’elle est derrière le volant. Là, le fait de la voir évoluer sous la même structure, constamment sous mes yeux, ça ne va pas être évident. Mais ça reste quand même fabuleux de partager cette passion commune », conclut Jean-Jacques.
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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