Cela fait maintenant dix ans que Jean-Jacques Louvet anime le Championnat de France de la Montagne. De par son assiduité et sa naturelle décontraction, il est devenu l’un des personnages les plus attachants de la discipline, et reste à bientôt 75 ans un compétiteur qui a toujours le goût d’améliorer ses performances.
Lorsqu’en 2013 Jean-Jacques Louvet faisait ses débuts en sport automobile à un âge où beaucoup songent avant tout à la retraite, il n’aurait jamais imaginé que dix ans plus tard il compterait autant de participations à son curriculum vitae. Pour ses débuts, après quelques apparitions aux volants d’une Formule Renault, le Lyonnais s’installait rapidement dans le cockpit d’une Norma 2 litres. Plus à son aise au volant de ce Proto, il restera fidèle à la classe CN/2.
Durant dix ans, Jean-Jacques Louvet sera l’un des pilotes les plus assidus du Championnat de France de la Montagne en enchainant les saisons durant lesquelles on le retrouvait sur l’ensemble des épreuves inscrites au calendrier. Pour ce qui est de ses performances, le Lyonnais ne pouvait prétendre en débutant aussi tardivement tenir la dragée haute à de jeunes talents plus fougueux. Mais au fil des éditions, il améliorait ostensiblement ses chronos et signait plusieurs résultats probants.
Jean-Jacques peut également se targuer d’avoir mis le pied à l’étrier à sa fille, Sarah, qui en 2017 remportait un titre de Championne de France de la Montagne Sport. La Lyonnaise a démontré par la suite son talent en Production en venant jouer les premiers rôles en groupe A au volant d’une Supercopa MK3. Elle s’illustrera également à l’international en étant à ce jour la seule féminine à décrocher une médaille sur les FIA Hill Climb Masters lors de l’édition qui s’est tenue au Portugal.
Toujours en quête d’amélioration
Pour cette campagne de France 2022, Jean-Jacques Louvet évoluait au sein du Team Helium Racing et se lançait sur le championnat avec la ferme intention d’améliorer une nouvelle fois ses chronos. Sa Norma M20 F était confiée aux mains expertes du Team Helium qui lui faisait bénéficier d’une révision hivernale : « Ils ont procédé au changement des fluides, d’une ou deux rotules, et se sont assurés que tout fonctionnait parfaitement », explique Jean-Jacques qui n’aura pas l’occasion de prendre part à une séance d’essais avant de débuter sa campagne de France.
Si la classe CN/2 fut il y a quelques années une des plus étoffée sur le championnat, le nombreux d’animateurs évoluant au volant d’un Proto 2 litres s’est réduit comme peau de chagrin. Un manque de concurrence qui n’allait pas modifier l’approche de Jean-Jacques qui n’a pas la prétention de venir défier des pilotes bien plus jeunes : « Mon seul objectif est de faire aussi bien que lors des précédentes saisons, voire de tenter d’améliorer mes propres chronos. »
Même s’il n’est pas parvenu à être aussi rapide qu’il l’aurait souhaité, Jean-Jacques Louvet garde un excellent souvenir de sa participation à la Course de Côte de Bagnols-Sabran par laquelle débutait le championnat : « Tout s’est très bien passé. Je regrette toutefois le manque de compétiteurs dans la classe CN/2. J’aime bien avoir comme objectif de réduire l’écart avec les pilotes qui me précèdent, c’est toujours une émulation et ça me permet de bien rentrer dans la course. Mais là, ça manquait cruellement de concurrence, et c’est un peu dommage. Mais pour le reste j’ai été relativement prudent parce que j’ai eu l’occasion de me faire quelques petites frayeurs par le passé sur cette épreuve, et qu’il n'est jamais bon d’aller à la faute sur la première manche de la saison. »
Adepte du Col Saint-Pierre, Jean-Jacques Louvet était ravi de retrouver le tracé cévenol : « C’est une épreuve qui est redoutée par de nombreux pilotes parce que difficile à assimiler, mais en ce qui me concerne je l’ai intégrée assez vite », confie le Lyonnais. « Mais le seul bémol vient du fait que je me retrouve, au cumul, à trois secondes de mes meilleurs chronos sur cette épreuve. »
Le court tracé d’Abreschviller permettait à Jean-Jacques Louvet de se mettre en valeur en terminant sur le podium de sa classe : « Le tracé est radicalement différent de celui du Col Saint-Pierre, mais j’aime tout autant. C’est court, ce qui implique d’être bon partout et il faut réellement s’appliquer. Je me suis donné à fond, et même si je termine troisième de ma classe je suis au cumul à deux secondes de mes meilleurs chronos. Sur ma meilleure montée je dois à être à une seconde de ce que j’avais pu réaliser de mieux lors de mes précédentes participations, ce n’est pas totalement satisfaisant. »
Avec une Norma qui fonctionnait à la perfection, un moral au beau fixe et tous les éléments réunis pour que la réussite soit au rendez-vous, Jean-Jacques avait du mal à accepter de ne pas parvenir à reproduire ses anciens chronos : « C’était un peu frustrant, ça avait le don de m’énerver parce que je ne m’expliquais pas d’où cela provenait. Difficile d’incriminer la voiture qui tournait à la perfection, je dois me rendre à l’évidence, ça doit venir du bonhomme. »
Lors de cette saison 2022 Jean-Jacques Louvet faisait l’impasse sur la Course de Côte des Teurses de Thèreval, géographiquement très éloignée de sa résidence lyonnaise et c’est donc à La Pommeraye que l’on retrouvait sa Norma : « Les conditions météorologiques étaient changeantes et ce n’était pas évident d’aborder cette épreuve », se souvient-il. « J’avoue que par endroits c’était très glissant et que j’ai préféré faire preuve d’une certaine prudence. »
La Course de Côte de Saint Gouëno offrira l’occasion à Jean-Jacques Louvet de monter une nouvelle fois sur le podium de la classe CN/2 en accrochant la troisième place : « Là aussi c’est une course que j’affectionne particulièrement et sur laquelle pour moi tout s’est bien passé. J’ai vraiment donné le meilleur de moi-même mais au passage du ’’Pas de Saint Gouëno’’ l’afficheur m’annonce que je suis à 183 ou 184 km/h alors que j’avais eu l’occasion précédemment de faire des pointes à 188. Il m’en manque et au final je lâche près de deux secondes par montées. »
Si à titre personnel Jean-Jacques Louvet conserve un excellent souvenir de cette édition de Saint Gouëno, il ne peut occulter qu’elle fut le théâtre de la fin de saison de Sarah, sa fille, victime d’une sortie de route : « J’avoue qu’elle m’a fait peur, même si elle s’en sort sans blessure et que la voiture ne présentait pas de gros dégâts. C’est le problème majeur de courir avec sa fille, on partage les belles émotions, mais également les moments de doutes et les difficultés. »
Durant cette première partie de saison, Jean-Jacques Louvet a eu l’occasion à l’arrivée de chacune des montées de discuter avec Olivier Berreur qui animait de fort belle manière la classe CN/3 : « Et à plusieurs reprises il m’a avoué être intéressé par ma voiture, me laissant entendre que si j’avais l’idée de la vendre, il s’en porterait acquéreur. Systématiquement, sur chaque épreuve, il me reposait la question, et à Saint Gouëno, après un long apéritif de fin d’épreuve, nous nous sommes mis d’accord et j’ai accepté de lui céder la voiture » confie Jean-Jacques. « J’avoue qu’en ne parvenant pas à rééditer mes chronos des années passées, et face à l’insistance de mes deux filles Alexandra et Sarah qui me disaient assez souvent qu’il était peut-être temps que je passe à autre chose, qu’il n’était plus raisonnable de rouler en Norma, j’ai cédé à la tentation de vendre la voiture », confie Jean-Jacques qui est aujourd’hui le seul septuagénaire engagé sur le Championnat Sport.
Si Olivier Berreur donnait un acompte pour retenir la Norma, il était clair dans son esprit que Jean-Jacques allait terminer la saison à son volant et qu’il la récupérerait après la Course de Côte de Limonest : « Mais je ne voulais pas prendre de risque et occasionner des dommages lors d’une sortie de route. J’ai donc préféré mettre un terme prématuré à ma saison. » Toutefois, le manque se faisait ressentir et à Turckheim, sur les terres du Team Helium Racing, Jean-Jacques retrouvait le volant de sa Norma.
Le rendez-vous alsacien n’allait pas se dérouler comme le Lyonnais pouvait l’espérer : « Sur la dernière montée d’essais, Sébastien Tourillon qui s’élançait devant moi est sorti de la route à la chicane. Je suis resté près de 45 minutes sur la grille, le temps que les commissaires dépannent la voiture et remettent en place la chicane. Pendant ce temps la luminosité baissait, et même si j’ai toujours une excellente vue, je n'ai plus la vision d’un gamin de 20 ans. Et comme un bleu, par manque de visibilité et sachant que je ne regarde jamais les panneaux de distance 100, 75, 50… Je me suis fait piéger à la chicane où je suis arrivé beaucoup trop vite. J’ai tapé un énorme ballot de paille sur lequel étaient disposés des pneus, mais j’ai pu malgré le choc rejoindre l’arrivée. Revenu au paddock, on s’est aperçu que mon casque et le capot laissaient apparaitre des traces des pneus qui se trouvaient initialement sur le ballot de paille. » Excepté un capot légèrement endommagé et une lame fendue, la Norma n’avait pas subi de gros dommages, « mais j’ai préféré arrêté là plutôt que de prendre des risques pour la suite. J’ai donc abandonné. »
Plaisir intact malgré des résultats mitigés
Deuxième du Challenge Open CN/2, Jean-Jacques Louvet tire un bilan mitigé de cette saison 2022 : « Je me dois de rappeler que nous n’étions que deux dans ce challenge », tient à préciser Jean-Jacques. « Le côté positif c’est que je me suis fait plaisir dans une superbe ambiance au sein d’une fabuleuse équipe… Ce qui est moins positif c’est que je n’ai pas été en mesure d’améliorer mes chronos durant cette saison 2022. Les meilleurs temps que j’aie réalisés c’était lors des années 2017 et 2018 et depuis j’ai plus de mal à augmenter la cadence. »
Jean-Jacques Louvet gardera grâce aux gens qui l’entourent d’excellents souvenirs de cette saison : « Je veux remercier ceux qui me soutiennent. Mes premiers remerciements vont à mes filles bien sûr, toujours là pour me soutenir et me rappeler d’être prudent. Je remercie toute l’équipe Hélium dans son ensemble et bien sûr Steeve (Gérard) et sa Maman. Que de bons moments passés dans cette structure presque exceptionnelle, avec de très bons « mécanos » dont j’étais assez proche et une disponibilité de tous les instants – je les ai vu terminer plus d’une fois entre 2h et 4h du matin quel que soit le problème ou le pilote – Chapeau bas ! »
Jean-Jacques Louvet n’a pas l’intention de se relancer pour une nouvelle campagne de France en 2023, même s’il sait que le manque risque de se faire ressentir : « Je sais qu’Olivier (Berreur) et le Team Poulet Sport vont mettre des Protos 2 litres à la location. Si l’envie est trop forte je risque de céder à la tentation et d’être au départ d’une paire de courses, mais rien n’est déterminé pour le moment », confie Jean-Jacques. « Après, il y aurait la solution de partir sur une voiture évoluant en Production. Mais je ne connais pas, et j’ai peut-être passé l’âge de faire un apprentissage. Et puis je ne suis pas sûr de retrouver au volant d’une voiture fermée les sensations que j’ai pu connaitre avec un proto… Donc je ne m’interdis pas de faire quelques piges en retrouvant la Norma dans le courant de la saison », conclut Jean-Jacques.
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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