En 10 ans de compétition, Jérôme Debarre a eu le loisir de marquer les esprits en signant des résultats probants, tant sur des épreuves régionales que sur les manches du Championnat de France de la Montagne. Pour cette saison 2018, le natif de Dunkerque a animé de fort belle manière la classe réservée aux Formule Renault, pour finalement décrocher la deuxième place du Challenge Open.
C’est au milieu des années 80 que Maxime et Serge Debarre, respectivement père et oncle de Jérôme, affrontaient les courses de côte du Nord de la France au volant d’une Alpine A110. Tant Jérôme que son frère Etienne, ne pouvaient avoir qu’un regard admiratif lorsque, tout gamin, ils suivaient les prestations des ainés au volant d’une auto de légende.
Mais à l’issue d’une carrière sportivement rondement menée, par respect pour cette voiture mythique qu’est l’Alpine A110, Maxime Debarre préférait mettre un terme à la compétition plutôt que de dénaturer son auto en lui apportant des évolutions. Le père de Jérôme et d’Etienne raccrochait casque et gants, et la voiture trouvait place dans un coin du garage : « Et là il y a eu un grand vide ! » confie Jérôme dans un immense éclat de rire. Un vide que les deux jeunes frères allaient combler en pratiquant la course à pied. Au fil des ans, leurs programmes s’intensifiaient, et aujourd’hui Jérôme prend toujours part à des épreuves d’une dizaine de kilomètres et à des trails proposant des distances de 25 kilomètres.
On est là bien éloigné du sport automobile, car si Jérôme et Etienne s’investissaient pleinement dans la course à pied, la passion pour la compétition automobile était toujours bien présente… Et l’Alpine toujours dans le garage : « La voiture était là qui me tendait les bras, mais connaissant mon tempérament un peu agité, je ne voulais pas piloter cette Alpine au risque de lui faire subir des dommages. C’est donc Etienne qui en 1999, a repris le flambeau familial au volant de cette voiture. »
Etienne avait alors tout juste 20 ans lorsqu’en 1999 il décidait de se lancer dans la compétition. D’un an son ainé, Jérôme allait le suivre et assurer l’assistance : « Ça a duré une dizaine d’années, et en 2008, j’étais alors spectateur sur le Mont-Dore, et je me suis dit que cela ne pouvait pas durer, j’avais 30 ans et il fallait qu’à mon tour je m’installe derrière le volant. »
Formule Renault et F3 pour les débuts
Jérôme avait alors terminé ses études, s’était marié, avait eu des enfants, acheté sa maison… Les conditions étaient remplies pour qu’il puisse se consacrer pleinement à la compétition automobile. Jérôme faisait donc l’acquisition d’une Formule Renault appartenant au cousin de Lionel Régal : « Ce fut pour moi l’occasion de côtoyer Lionel qui était un mec exceptionnel, non seulement talentueux mais d’une extrême gentillesse. »
Le choix de la Formule Renault n’était pas anodin, Jérôme Debarre savait vraiment vers quoi il tendait : « Je voulais disposer d’une vraie auto de course, pas d’une voiture de série transformée pour la compétition. Et dans mon esprit, la Formule Renault offrait le meilleur compromis. » Jérôme s’attaquait d’entrée de jeu à des épreuves de renom, inscrites au calendrier du Championnat de France : « Par expérience, Etienne considérait qu’il fallait débuter sur des épreuves exigeantes. J’ai écouté son conseil et j’ai fait mes débuts à Eschdorf. Par la suite, j’ai pris part à plusieurs manches de notre championnat national. »
En 2010, Etienne délaissait l’Alpine, et venait rejoindre Jérôme dans le peloton des monoplaces : « La nouvelle génération des frères Debarre étaient à nouveau réunie, mais cette fois en Tatuus, pas en Alpine », rappelle Jérôme.
Pour aborder la saison 2012, Jérôme Debarre franchissait un nouveau cap en optant pour une F3, une Dallara F302 : « Mais les débuts furent compliqués… J’ai bloqué un accélérateur à Abreschviller et j’ai terminé dans le décor, j’ai cassé par la suite un moteur à Turckheim. J’ai mis beaucoup de temps pour fiabiliser cette monoplace. » En 2015, Jérôme se séparait de sa F3 pour faire l’acquisition d’une Dallara F305 propulsée par un moteur Mercedes : « Ce fut pour moi une révélation, j’ai gagné deux épreuves régionales, Tancarville et Hébécrevon en Normandie. Sur le Championnat, lors de mes apparitions épisodiques, j’étais dans le coup face aux habituels animateurs. »
Mais en juin 2016, sur la Course de Côte des Andelys, dans l’Eure, Jérôme Debarre était victime d’une violente sortie de route à fond de cinquième : « Je suis passé entre deux arbres à 180 km/h, et ça se termine par une commotion cérébrale. L’accident m’a profondément marqué, et là je me suis dit qu’il fallait que j’arrête. »
Jérôme vendait sa monoplace, et faisait l’acquisition d’une Porsche : « Juste histoire de me dire que j’avais une auto un peu sportive pour le week-end. » Mais le manque de compétition se fera rapidement ressentir : « Je me suis éloigné du monde de la course, je ne voyais plus personne et lorsque je me rendais sur une épreuve en spectateur, j’avais la boule au ventre. Ça ne pouvait pas durer. »
Retour sur le Championnat en 2018
Pour cette saison 2018, Jérôme Debarre décidait donc de faire son grand retour, cette fois au volant d’une Formule Renault, juste pour voir comment se comportaient les dernières évolutions de cette monoplace : « Je voulais une auto simple à gérer, sans prise de tête. » Et si Jérôme ne se prend jamais au sérieux, en revanche la préparation de sa saison est elle abordée avec beaucoup de minutie : « Nous avons beaucoup travaillé sur la voiture, qui venait du circuit, pour la configurer en version course de côte. »
Avec sa nouvelle Formule Renault, Jérôme savait disposer d’une auto compétitive, et il se languissait de se confronter à Kévin Petit et Didier Chaumont, qui se présentaient comme ses principaux adversaires dans la catégorie : « Je savais que l’auto avait du potentiel et je pensais pouvoir m’amuser face à Didier et Kevin. Mais pour le reste, je n’avais pas d’objectif particulier si ce n’est de reprendre confiance et de me faire plaisir. »
Avant de prendre part au Championnat, Jérôme Debarre effectuait des essais sur le circuit de Croix-en-Ternois, avant de s’engager sur la régionale de Thèreval, où il s’imposait en Formule Renault : « C’est toujours plaisant de voir que l’on est dans le coup, mais pour ce qui est de l’auto ça n’allait pas du tout. Elle tirait droit par moment, et nous avons vu par la suite qu’un triangle s’était dévissé à l’arrière. Donc même si j’ai gagné, c’est face à une concurrence moindre et avec une auto qui ne me donnait pas alors satisfaction », résume Jérôme.
Les premiers tours de roues sur la Course de Côte d’Abreschviller ne pouvaient que rassurer Jérôme Debarre, puisqu’à l’issue des essais, c’est lui qui pointait en tête des Formule Renault : « J’avoue que je ne m’y attendais pas, d’autant que j’avais des pneus usagés. Donc j’étais plutôt optimiste pour le dimanche, mais finalement rien n’a fonctionné », lâche Jérôme dans un éclat de rire. « Sur la première manche, sur le mouillé, je n’ai pris aucun risque, et sur la deuxième, l’auto s’est engorgée au départ, et j’ai raté cette montée. Sur la troisième, je me suis loupé à l’épingle où j’ai bien failli ne pas tourner… Kevin fait un super chrono, je termine dans le sillage de Didier, donc au final je ne suis pas mécontent. Et puis ça m’a permis de me confronter à la réalité qui veut que le vainqueur des essais n’est pas obligatoirement le vainqueur de la course », ironise Jérôme.
Vainqueur en régional à Thèreval, Jérôme Debarre allait récidiver sur cette épreuve qui accueillait le Championnat de France pour la quatrième manche de la saison : « Il n’y avait pas grand monde et ce n’est pas une victoire qui restera dans les annales », analyse Jérôme en toute humilité. « Mais ça fait évidemment toujours plaisir, et je suis content de mon chrono. »
La Course de Côte de La Pommeraye offrait à Jérôme l’opportunité de livrer un magnifique combat à Kevin Petit et à Estel Bouche. « A l’issue de la première montée de course, je suis en tête en ayant amélioré le meilleur chrono réalisé par Estel l’année précédente. J’étais donc confiant… Ensuite, Estel m’est passée devant, mais je devançais Kevin, ce qui était pour moi plutôt bien. Et sur la dernière, j’ai fait une super montée, je pensais vraiment être super bien, et quand j’ai vu la feuille des temps, et bien j’étais troisième. » Troisième, à trois dixièmes de Kevin Petit et à deux dixièmes d’Estel Bouche, un résultat qui n’a rien de frustrant pour Jérôme : « Estel à un talent fou et puis qu’elle humilité ! C’est un plaisir de se battre avec des pilotes comme Estel et Kevin. »
Les écarts seront aussi faibles à Saint Gouëno où Jérôme accrochait la deuxième place à trois dixièmes de secondes de Kevin Petit : « C’est une course que je connais bien, sur laquelle règne une super ambiance. J’étais à nouveau en tête à l’issue des essais, mais sur la première manche, je termine à une seconde de Kevin. J’ai accéléré la cadence sur la deuxième montée et je me suis rapproché à trois dixièmes. J’attendais donc beaucoup de la troisième, mais la pluie a fait son apparition et je savais que c’était terminé. Mais nous avons signé Kevin et moi de supers chronos, et je suis très content de mon week-end. »
A Marchampt, Jérôme Debarre découvrait le tracé à l’occasion de cette édition. Le Nordiste ne se faisait donc guère d’illusion sur ses résultats : « J’y suis allé progressivement, et après la deuxième manche je pointais à la deuxième place derrière Kevin. Mais sur la dernière montée, Estel a une nouvelle fois lâché les chevaux, et je me retrouve troisième. Quant à Kevin, vu les chronos qu’il signe d’entrée de jeu, je savais qu’il n’était pas question d’aller le chercher. »
A Vuillafans, Jérôme allait retrouver la plus haute marche du podium de la Formule Renault à l’issue d’un week-end sans encombre : « Je suis hyper content car dès le début j’étais dans le rythme. Je gagne deux secondes entre la première montée d’essais et la dernière de course, de quoi être satisfait. Didier (Chaumont) m’a fait un peu peur en réduisant l’écart sur la deuxième manche, mais je suis parvenu à rester devant. Sur cette course, Kevin était absent et Marie (Cammares) m’a nommé chef des Formule Renault, un titre toujours sympa à afficher », plaisante Jérôme. « Bon, je suis passé chef-adjoint par la suite », ajoute Jérôme dans un éclat de rire.
Sur les pentes du Mont-Dore, difficile de rivaliser avec Estel Bouche, toujours très compétitive à domicile. Jérôme se classait deuxième d’une épreuve auvergnate qu’il a abordé non sans difficulté : « J’ai eu du mal à rentrer dedans… Logiquement, le meilleur temps se fait sur la première montée du dimanche matin, moi j’ai signé mon meilleur chrono sur la troisième. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi je ne suis pas parvenu à être plus rapidement dans la course. Mais j’ai tout de même la satisfaction de terminer devant Didier », avoue Jérôme qui pointe à seulement six dixièmes d’Estel Bouche.
Les écarts seront à nouveau dérisoires à Turckheim où Jérôme Debarre se classe deuxième, à seulement cinq dixièmes de Kevin Petit : « Là, je pensais que je l’avais le Kevin ! » commente Jérôme toujours sur le ton de la plaisanterie. « J’avais quatre secondes d’avance aux essais, toujours quatre secondes après la première manche, je pouvais donc me dire que ça ’’allait le faire’’. Mais quand j’ai vu le petit sourire de Kevin à l’arrivée de la deuxième montée, j’ai compris que j’avais du souci à me faire. Kevin ne lâche rien, il le démontre une nouvelle fois. Bon, il était dit que je serais le Poulidor de la F.R » ironise Jérôme.
Du plaisir à l’état brut pour un retour réussi
A l’issue de cette saison 2018, Jérôme Debarre termine deuxième du Challenge Open Formule Renault, un excellent résultat pour un pilote qui faisait cette saison son retour dans le grand bain de la compétition : « Je considère que c’est un retour réussi. J’ai signé de bons chronos, je n’ai pas eu de soucis de fiabilité avec la voiture, et ce fut finalement plus facile que ce que je redoutais. J’avoue qu’après un an et demi d’arrêt, j’avais une certaine appréhension en début de saison, mais finalement tout s’est bien passé. En clair, j’estime que le Challenge est réussi… Etienne fait une super saison, moi également. On a le sentiment que les Ch’tis viennent de nulle part, mais on est bien là et c’est une légitime fierté ! »
Une fierté partagée par tous ceux qui suivent de près ou de loin les prestations des frères Debarre, et que Jérôme veut remercier : « Un grand merci à mes parents qui vivent leur passion à travers nous et sans qui mon frère et moi nous ne pourrions pas rouler. Un énorme merci à mon frère, à Marcel Moyon, le papa de Sylvain, qui nous accompagne sur de nombreuses courses et qui nous aide pour l’assistance. Et puis je tiens à remercier Kevin (Petit) pour sa gentillesse, sa sportivité et son authenticité, c’est un garçon combatif et bourré de talent et je lui souhaite vraiment le meilleur pour la suite. »
Jérôme Debarre n’a donc aucun regret d’être revenu sur le Championnat : « J’ai adoré l’ambiance, la solidarité qui règne entre les pilotes de la Formule Renault, la saine émulation entre nous. Nous avons eu un super accueil sur les épreuves, tout était réuni pour que l’on prenne un maximum de plaisir » L’expérience de cette année incite bien évidemment Jérôme à se relancer pour une nouvelle campagne en 2019 : « Mais j’abandonne les copains de la Formule Renault pour retrouver mon frère. Ma voiture est vendue et je roulerai en F3, dans la même catégorie qu’Etienne. Notre objectif commun sera de nous affronter dans la bagarre des ’’seconds couteaux’’ car nous n’avons pas comme prétention d’aller chercher Billy (Ritchen), David (Guillaumard) ou Alban (Thomas) qui disposent d’auto plus récentes… Mais nous serons bien là ! »
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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