Plus qu’une source d’épanouissement, la famille est pour Alexandre Chamagne génératrice de motivation. C’est pour rendre hommage à des proches aujourd’hui disparus, que le Franc-Comtois a fait preuve d’une rare détermination grâce à laquelle il remporte un premier titre de Champion de France de la Montagne VHC Production.
C’est sous l’œil attentif et bienveillant de Jeannine, leur mère, qu’Alain et Eric Chamagne ont évolué au volant d’une Ford Escort MK2 sur les courses de côte de l’Est de la France. Entre 1982 et 1998, les deux frères ont arpenté en double monte, les tracés des épreuves régionales. Né en 1980, Alexandre ne tardait pas à passer l’essentiel de ses week-ends dans les paddocks pour suivre les prestations de son père et de son oncle qui, lorsqu’ils n’évoluaient pas derrière le volant officiaient en tant que commissaires.
Pour leur début, Eric Chamagne transformait sa voiture civile, une Ford Escort MK2 1300 Sport, pour l’adapter à la course de côte. Il aura l’occasion de disputer deux épreuves avant qu’Alain, son frère, ne décide de doter la véloce Ford d’un moteur Pinto 2 litres. A cette époque, si pour s’amuser Alexandre Chamagne s’essayait au karting en loisir, il savait déjà dans un coin de sa tête qu’un jour il évoluerait au volant d’une voiture de course.
En 1998 le décès du grand-père d’Alexandre incitait les deux frères à mettre le sport automobile entre parenthèses. La Ford trouvait sa place au fond du garage alors qu’Alexandre poursuivait ses études en faisant deux ans de classes préparatoires aux Grandes Ecoles, avant d’enchainer avec trois années en école d’ingénieur : « Mon oncle et mon père avaient mis l’Escort à la vente », se souvient Alexandre. « Mais la voiture ne trouvait pas preneur, jusqu’au jour où il se sont rendus-compte que lorsqu’ils avaient des appels à la maison, ma grand-mère disait que l’auto était vendue. En clair elle voulait la garder pour que je puisse rouler avec. » Un deal était alors passé au sein de la famille. Si Alexandre décrochait son diplôme d’ingénieur, l’Escort serait mise à sa disposition.
Première épreuve le jour de ses 25 ans
En 2005, fraichement diplômé, Alexandre Chamagne alignait l’Escort RS 2000 MK2, qui évoluait en FC/3, au Mont de Fourche qui sera sa toute première course de côte : « C’était le 31 juillet, le jour de mes 25 ans, et c’était un magnifique cadeau. » Par la suite, Alexandre animera de manière sporadique les épreuves régionales de l’Est de la France : « J’ai dû faire trois courses en 2005, une en 2006, deux en 2007, je n’avais que rarement l’occasion de courir parce que mon boulot d’ingénieur me prenait beaucoup de temps. »
C’est à Abreschviller, en 2010, qu’Alexandre fera sa première apparition sur une épreuve du Championnat de France de la Montagne. En cette année 2010, le jeune Franc-Comtois allait connaitre une première satisfaction personnelle en améliorant sur la Course de Côte du Mont de Fourche les chronos réalisés jusqu’alors par son père et son oncle : « J’ai pris conscience que j’arrivais au bout de l’auto dans cette configuration. A cette époque j’ai fait la connaissance de Pascal Régnier, le patron de Régnier Sport Organisation, une structure située en Belgique. Il fut d’abord mon préparateur avant de devenir un ami. Il m’a trouvé un moteur 16 soupapes avec lequel j’ai pu bien mieux exploiter la voiture. »
Mais en 2011 un souci de santé faisait prendre conscience à Alexandre Chamagne qu’il fallait pleinement assouvir sa passion : « Je me suis retrouvé en semi-coma et je me suis dit que l’on avait qu’une vie et que je devais pleinement en profiter. Pascal, mon préparateur a alors transformé l’Escort familiale en version groupe 4. » L’objectif était de se qualifier pour la Finale de la Coupe de France de la Montagne, et en 2015 Alexandre décrochait son ticket pour Limonest où il plaçait son Escort RS 2000 au troisième rang de la classe FC/3.
Après la saison 2016, Alexandre se posait la question de configurer sa Ford pour venir animer les épreuves dédiées aux Véhicules Historiques de Compétition : « Pascal m’a trouvé une caisse de Ford Escort MK1. L’année 2017 était consacrée au montage de l’auto, et je me suis aligné au départ d’Abreschviller en 2018. Pour cette première course, je termine en tête des ''Voitures Fermées'' et je remporte le groupe 2. » Quatre autres courses suivront durant cette année 2018 avec à la clé des victoires en régional. En 2019, Alexandre repartait pour une nouvelle saison avec son Escort avant que Jeannine, sa grand-mère, ne tombe malade : « Elle a toujours été présente sur toutes mes courses, et il m’était impossible de rouler en son absence. »
En 2020, alors que la Covid 19 sera à l’origine de l’annulation de la plupart des courses, Alexandre restait à la maison. En 2021, Alexandre perdait sa grand-mère et devait également faire face à un problème professionnel auquel venait s’ajouter un souci de santé. Bien évidemment, le sport automobile n’était plus du tout d’actualité. « Mais avec mon père et mon oncle nous avons décidé de revenir en 2022 pour me permettre de retrouver le volant. Malheureusement mon oncle Eric est tombé gravement malade et en l’espace de quelques semaines il nous a quitté… Ma vie familiale qui se résumait alors à mon père, ma grand-mère et mon oncle prenait une tournure compliquée. »
En hommage à sa grand-mère et à son oncle
Quel plus bel hommage que de reprendre le volant à la mémoire de sa grand-mère et de son oncle, tous deux passionnés par la course. En compagnie d’Alain, son père, Alexandre décidait de se relancer à Abreschviller en 2022 : « Retrouvait l’ambiance des paddock, l’univers de la côte, a été salvateur. Ça m’a fait un bien énorme. Pour moi, le plus beau souvenir de la saison c’est d’avoir devancé Jean-Marie Almeras à Abreschviller et à Turckheim. » Durant cette saison 2022, Alexandre alignera également son Escort MK2 sur deux épreuves régionales pour rendre hommage à son oncle : « J’étais au départ de la Course de Côte des Myrtilles, une des premières épreuves disputées par mon oncle, et sur laquelle je gagne le groupe FC alors que je n’avais pas couru avec cette voiture depuis longtemps », explique Alexandre qui sera également au départ du Mont de Fourche.
En 2023, Alexandre Chamagne décidait d’aligner sa Ford Escort RS 1600 sur le Championnat de France de la Montagne. Une première participation qui se soldait en fin de saison par une troisième place sur le Challenge VHC groupe 2. Pour cette saison 2024, le programme initial d’Alexandre Chamagne comptait 12 épreuves, « avec comme objectif de terminer sur le podium du Championnat VHC Production, sur le podium de l’Indice de Performance et de remporter le Challenge VHC du groupe 2. »
A l’arrivée des quatorze épreuves de la saison.
C’est à Lodève que le Franc-Comtois débutait sa saison sur une épreuve qu’il découvrait : « Je voulais avant tout valider la voiture. J’ai connu un souci de boîte et de ce fait ce fut une course mitigée. J’ai dû rouler en tenant le levier de vitesses ce qui bien évidemment ne m’a pas permis de prendre autant de plaisir que ce que j’espérais. »
Quatrième du Production à Lodève, Alexandre Chamagne allait accrocher la deuxième place du VHC Production à Bagnols-Sabran, à sept dixièmes de la BMW de Grégory Mollon : « C’est un rendez-vous difficile parce que j’ai perdu à Sabran un de mes meilleurs amis, Steeve Cabelo. Mais le week-end s’est malgré tout bien passé et je suis pleinement satisfait du résultat, même si je n’ai pris mes marques que sur les deux dernières montées. »
Difficile d’aller chercher Jean-Marie Almeras, notamment sur le Col Saint-Pierre. C’est donc sans frustration qu’Alexandre se contentait d’une deuxième place en Production, synonyme de victoire sur le groupe 2 « C’est une très belle épreuve sur laquelle j’ai pu rapidement être dans le bain alors que j’avais du mal à assimiler le tracé sur les vidéos. Un énorme merci à ''Gomme'' et à Gilles Cursoux qui m’ont abreuvé d’infos. J’ai vraiment pris un plaisir fou. »
A Abreschviller Alexandre retrouvait un terrain qu’il connait bien et sur lequel il viendra chercher sa première victoire scratch de la saison du côté du Production VHC : « J’avais quelques soucis de boîte que j’ai pu gérer, j’ai également bien géré l’auto et sur cette épreuve que j’adore. Même sous la pluie j’étais à mon aise, même si je ne suis pas un adepte des pneus pluie que je n’utilise jamais. »
Après une excellente prestation à Abreschviller, Alexandre Chamagne repartait en terre inconnue pour affronter le tracé de Quillan : « Il n’était pas prévu que je fasse ce déplacement et je remercie chaleureusement mon patron qui m’a libéré pour que je puisse m’aligner au départ », confie le Franc-Comtois. « C’est une superbe épreuve, disputée dans un cadre magnifique. Par contre ce n’est pas le parcours le mieux adapté à l’Escort, ce qui explique que je me suis retrouvé assez loin de Michel (Rolland), quant à Jean-Marie (Almeras) sur ce terrain il est intouchable. J’ai tout fait pour rester au contact des deux, mais sur ce tracé c’était à mon sens mission impossible », reconnait Alexandre qui termine troisième et vainqueur du groupe 2.
En 2023, Alexandre Chamagne découvrait La Pommeraye et Saint Gouëno et avoue avoir particulièrement apprécié ces deux épreuves de la campagne de l’Ouest : « La Pommeraye est certainement mon tracé préféré. C’est court, plus technique qu’il n’y parait, intense, une vraie définition de ce que doit être pour moi la course de côte. Je me suis fait un plaisir fou », confie Alexandre qui sortait vainqueur de la confrontation en Production VHC. Une nouvelle victoire viendra par la suite enrichir son palmarès à l’occasion de la Course de Côte de Saint Gouëno : « Quelle ambiance, c’est magnifique et je motive l’ensemble des pilotes à venir à Saint Gouëno. Je tire un coup de chapeau tant aux organisateurs de La Pommeraye que ceux de Saint Gouëno. »
En 2023, la participation d’Alexandre Chamagne à Marchampt s’était soldée par une casse moteur : « De ce fait j’appréhendais un peu ce rendez-vous. J’avoue que sur les premières montées je n’ai pas osé me lâcher, mais sur la fin du week-end je reviens dans le coup. Nico (Uttewiller) signe une très belle victoire en Production. Je termine deuxième et j’ai une petite déception parce que sur la dernière ascension je commets une petite erreur qui me coûte une demi-seconde, alors que la victoire se joue à deux dixièmes », regrette Alexandre.
Mais le Franc-Comtois prendra sa revanche à Vuillafans où il imposait sa Ford Escort RS 1600 en tête du Production VHC, deux dixièmes devant la BMW 323i de Nicolas Uttewiller : « C’est une des épreuves les plus proches de chez moi, mais je n’avais jamais eu l’occasion de l’affronter. J’avoue qu’elle m’a toujours fait un peu peur. J’avais déjà eu l’occasion de m’engager à deux reprises mais j’avais dû par deux fois déclarer forfait. C’était donc une découverte sur laquelle je me suis senti à mon aise et j’ai pris un vrai plaisir. Il y avait moyen de mieux faire, mais les conditions météos n’étaient pas idéales. Ça reste malgré tout un super week-end. »
Vainqueur du groupe 2 à Dunières, Alexandre Chamagne se voyait devancé par la Porsche de Michel Rolland pour la victoire en VHC Production : « Pour être honnête, ce n’est pas le week-end que j’ai le plus apprécié. L’organisation est au top mais le tracé ne m’a pas convenu parce que je ne savais jamais sur quel rapport je devais aborder les virages. Ce fut vraiment compliqué, mais ça reste une belle découverte. »
S’il n’avait pas inscrit le Mont-Dore à son calendrier 2024, Alexandre Chamagne prenait conscience qu’il serait regrettable de louper ce rendez-vous mythique de la saison : « Avec mon père nous nous sommes motivés et par la même occasion nous avons motivés nos amis de l’ASA Luronne, Sébastien Brisard et Philippe Ginel. Finalement nous ne l’avons pas regretté parce que nous avons passé un super week-end. C’est un parcours génial et même si je suis loin du potentiel de l’auto sur ce parcours, je signe une victoire en groupe 2. Je suis parvenu à devancer la Lotus de Malivai Castelli qui évolue en groupe 3, et c’était un peu le défi du week-end. »
A Chamrousse, s’il terminait troisième du Production et du groupe 2, Alexandre se retrouvait leader des pilotes du championnat, puisque Nicolas Uttewiller et Gregory Mollon qui le précédent ne sont pas engagés cette saison : « Après le Mont-Dore, on savait que plus personne ne pouvait me contester le titre de Champion de France de la Montagne VHC Production. De ce fait j’aurais pu m’arrêter là. Mais avec mon père nous avons pour principe de respecter nos engagements et de ce fait je tenais à être au départ des manches de la fin de la saison », explique Alexandre. « Mais j’avoue que j’ai abordé cette épreuve en touriste, avec comme seule reconnaissance une montée avec le camping-car et la remorque derrière. Clairement, entre la première et la seconde montée d’essais j’améliore de douze secondes. Donc même en fin de week-end il restait encore une belle marge de progression. Et puis j’avoue que dans le brouillard j’avais de gros soucis de visibilité, et je n’ai donc pas ''joué''. Gros coup de chapeau à Greg Mollon qui le dimanche matin, sous la pluie nous sort un fabuleux chrono. »
A Turckheim Alexandre Chamagne retrouvait sur sa route la BMW 320 groupe 5 de Charles Veillard contre laquelle il ne pouvait pas lutter. Mais s’il termine deuxième du Production VHC, Alex signe un nouveau succès dans le groupe 2 : « Impossible d’aller chercher la victoire en Production, mais pour le reste tout se passe bien et j’ai pris conscience que je disposais d’un excellent moteur. Un seul regret c’est l’abandon de Nico (Uttewiller) qui est parti à la faute, mais pour le reste ce fut un excellent week-end. »
A Limonest, où se conclut la saison, Alexandre Chamagne livrera un combat à son prédécesseur au palmarès du championnat, Michel Rolland qui, au volant de sa Porsche le devançait au final de quatre dixièmes. Mais Alexandre pouvait se satisfaire de signer une dernière victoire dans le groupe 2 : « J’ai essayé de jouer avec Michel, même si je savais que ce tracé était à l’avantage de la Porsche. Mais j’étais avant tout là pour me faire plaisir et à ce titre c’est plutôt réussi. »
Premier titre de Champion de France
La belle saison 2024 que vient de vivre Alexandre Chamagne se solde par un titre de Champion de France de la Montagne VHC Production et une victoire sur le Challenge VHC du groupe 2 : « C’est à mon sens la saison quasi-parfaite. Jamais je n’aurai imaginé en début d’année pouvoir faire les quatorze manches et jouer le titre. J’ai débuté la saison en manquant de confiance, et au final je n’ai connu aucun souci majeur sur la voiture et je suis à l’arrivée des quatorze manches… C’est juste parfait pour moi ! », reconnait le Franc-Comtois. « Remporter un titre de Champion de France c’est émotionnellement très fort, je pouvais difficilement rendre un meilleur hommage à ma grand-mère et à mon oncle. Et puis j’ai la fierté et l’immense plaisir d’avoir partagé ses quatorze épreuves et ce titre avec mon père. »
Un père vers qui vont ses premiers remerciements : « Je veux associer la famille, même si ma grand-mère et mon oncle ne sont plus là. Ils m’ont toujours permis de rouler dans de bonnes conditions. Quant à mon père c’est lui qui m’a motivé pour concrétiser cette idée de faire le championnat. Un immense merci à Pascal Régnier, mon préparateur, qui est la cheville ouvrière de ce projet et grâce à qui je bénéficie de prestations à des prix défiant toute concurrence. Il est en Belgique et il est capable de fermer son garage pour venir récupérer ma voiture. Je dois à Pascal et à son épouse Maryline de les remercier chaleureusement. Merci également à Agnès et Philippe Ginel, Mylène et Sébastien Brisard, mes compères de l’ASA Luronne avec qui nous partageons des moments exceptionnels. Je n’oublie pas tous les amis de l’association ''VHC Le Club'' et un merci également aux organisateurs, commissaires, officiels et bénévoles qui nous permettent de rouler. »
« Je considère que le champion en titre doit honorer sa couronne en s’engageant la saison suivante, c’est pour cela que je m’inscrirai au championnat en 2025 », explique Alexandre. « Pour autant, je ne sais pas vraiment de quoi sera faite ma saison parce que je n’ai pas la certitude d’avoir les budgets et des disponibilités dans mon emploi du temps pour faire un maximum d’épreuves. Bien évidemment j’aimerais défendre mon titre, mais avec une auto dans sa configuration datant de 2017, je ne sais pas si elle est vraiment adaptée face à une concurrence de plus en plus affutée », analyse le Champion de France. « La solution serait peut-être d’adopter un moteur à injection qui me permettrait de passer de 255 à 285 chevaux, mais ça a un coût, et sachant que je n’ai pas de partenaires, je ne vais pas me mettre dans le rouge pour défendre un titre… Nous verrons bien. »
©Bruno Valette
www.ffsamontagne.org / www.cfm-challenge.com
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