La Montagne de père en fils : Guy Janny

La compétition automobile est souvent une affaire de famille. C’est particulièrement vrai sur le Championnat de France de la Montagne, où de nombreux pilotes s’inscrivent dans les traces laissées par leur père, et poursuivent l’écriture de l’histoire familiale. Pour mieux comprendre cette transmission de la passion, ces passages de flambeaux, nous avons décidé de laisser la parole à ceux qui aujourd’hui s’impliquent dans la carrière sportive de leurs progénitures.

Et pour débuter cette série de portraits, nous avons pris contact avec Guy Janny. Pilote toujours en activité, président d’ASA, il est également le papa de Jérôme Janny, vainqueur deux dernières éditions du Challenge Open A/5.

Mécanicien de formation, Guy Janny prenait dès le début des années 80 les rênes d’une concession Volkswagen : « En fait j’ai arrêté la mécanique pour me consacrer à la vente de voitures. Avec mon patron de l’époque, nous avions racheté une concession à Bar-le-Duc. » Au bout de quatre ans, Guy décidait de voler de ses propres ailes et il ouvrait alors une nouvelle concession pour représenter cette fois la marque Seat.

Fidèle à Seat !
C’est d’ailleurs au volant d’une Seat que le Lorrain allait prendre part à ses premières compétitions, passant par un biais assez inattendu pour trouver sa toute première auto de course… Les passionnés de longue date se souviennent du « Star Racing Team », structure qui accueillait différentes personnalités du cinéma, de la chanson ou de la télévision qui souhaitaient assouvir leur passion pour le sport auto. En 1987, c’est auprès de cette entité chère à « Moustache », que Guy Janny faisait l’acquisition d’une Seat Ibiza avec laquelle il allait débuter : « J’ai acheté cette voiture que j’ai revendu par la suite à un copain qui désirait courir. Et je me suis tout naturellement installé dans le baquet de navigateur », se souvient le Meusien.

A l’issue d’une première saison passée à lire les notes, Guy Janny décidait de prendre à son tour de volant, et c’est en double monte avec son copain qu’il s’engageait sur plusieurs courses de côte. Mais l’envie de rouler sur des distances plus longues l’incitait rapidement à se tourner vers le rallye : « C’était à la fin des années 80 et Jérôme avait alors 3 ans lorsque j’ai décidé de courir avec mon épouse. De ce fait, ce sont les mécanos qui emmenaient Jérôme sur les épreuves et qui s’occupaient de lui pendant que nous roulions. Autant dire qu’il a été dans le bain très tôt. »

Fidèle à Seat, Guy Janny fera de la côte sa discipline de prédilection, ses obligations professionnelles ne lui laissant que peu de temps à consacrer à la course : « L’avantage des courses de côte régionales, c’est que je pouvais arriver le dimanche matin, ce qui était idéal pour moi. J’ai dû d’ailleurs prendre part à 150 ou 200 épreuves durant ma carrière, à raison d’une vingtaine d’épreuves par an. » Une carrière a laquelle Guy Janny n’a jamais songé mettre un terme, on devrait d’ailleurs le retrouver début août au départ du mythique Mont-Dore.

Le Mont-Dore reste d’ailleurs pour le Meusien une épreuve à part : « Ma toute première participation à une épreuve du Championnat de France de la Montagne s’est faite sur la Course de Côte de Boyeux Saint Jérôme. Mais en 1990 j’ai pris part à mon premier Mont-Dore, et depuis je n’ai dû louper que cinq éditions, notamment parce que je me suis consacré à l’implication de Jérôme. »

La passion que voue Guy Janny pour la compétition automobile fait qu’il ne se cantonne pas au pilotage, mais que depuis une quinzaine d’année il préside à la destinée de l’ASA 55 : « Nous organisons le Rallye de Meuse, qui cette année à eu lieu les 7 et 8 mars, juste avant le confinement. » Une épreuve sur laquelle Jérôme, le fiston, n’allait pas manquer de s’illustrer, puisqu’il imposait sa Peugeot 206 RC en groupe N en accrochant la 15ème place du scratch.

Implication totale auprès de son fils
Pour ce qui est de la Montagne, s’il participe encore de manière sporadique à quelques épreuves, Guy Janny consacre l’essentiel de son temps à la Seat Léon Supercopa MK2 de son fils Jérôme : « Je m’occupe de la préparation de la voiture, de son transport sur les épreuves, et sur chaque course j’en assure l’assistance. C’est une autre approche de la course, qui me prend beaucoup de temps mais qui m’apporte énormément de satisfactions. A partir du moment où Jérôme a disposé de la Léon et qu’il pouvait prétendre à une consécration sur le Championnat, il m’est apparu logique que je me consacre à ses courses. »

Rouler, ou suivre les prestations de son fils, nécessite que l’on soit présent sur les épreuves, mais l’approche est radicalement différente : « Le plus difficile pour moi c’est lorsqu’il est au départ. Le stress est intense alors que je n’ai jamais ressenti cela lorsque je suis au volant. Quand tu roules, tu ne te poses pas de questions, en revanche quand tu es sur le bord de la route, tu cogites obligatoirement, même si Jérôme a la réputation d’être un pilote qui sort très peu. »

La confrontation que se livrent Jérôme Janny, Antoine Uny et Francis Dosières n’est pas étrangère à ce surplus de stress : « Il faut dire qu’ils ne s’épargnent rien, autant ils s’apprécient réellement tout au long du week-end, autant ils sont capables de s’entredéchirer sur la piste. Leurs combats sont d’une rare intensité », rappelle Guy qui ne cache pas être autant stressé lorsqu’Antoine (Uny) se présente au départ : « Nous sommes très proches, et je suis tout aussi stressé pour lui. Bien évidemment je peux aussi m’inquiéter pour Francis, mais je sais que son immense expérience peut lui permettre d’éviter les écueils. Il est peut-être plus raisonné, bien que quand il se donne à fond, c’est pas pour plaisanter ! »

Trois Ibiza au départ du Rallye de Monte-Carlo
De sa longue expérience en sport automobile, Guy Janny a accumulé de nombreux souvenirs. Des succès de son fils, mais également personnels, avec en point d’orgue, un projet qui l’a profondément marqué : « En 1994, j’avais monté un projet pour engager des Ibiza sur le Rallye de Monte-Carlo. Initialement, j’avais prévu de confier mon Ibiza à Daniel Fores, un pilote de ma région. Par la suite, Seat France m’a contacté pour faire rouler un copain de Pierre-César Baroni, Jean-Claude Lienard. Je devais donc monter deux voitures, et trois semaines plus tard, ils m’ont recontacté pour je prépare une troisième Ibiza destinée au cycliste Stephen Roche, Champion du Monde sur route en 1987, vainqueur cette même année du Tour de France et du Tour d’Italie… Nous avons travaillé jour et nuit, mais nous étions présents au départ de cette fabuleuse aventure. »

Une aventure qui se solde par une belle réussite puisque les équipages Daniel Fores – Armelle Bretar, Jean-Claude Lienard – Marie Courmontagne et les Irlandais Stephen Roche et Bernard Smyth rejoignaient l’arrivée : « C’est vraiment pour moi un souvenir merveilleux » lâche Guy visiblement ému à l’évocation de ce moment de grâce. « Avant le départ, Seat Sport Espagne est venu chez moi pour faire la présentation des trois voitures. Et suite à ce Monte-Carlo, Seat a monté le projet pour faire rouler des Ibiza Kit-Car sur le Championnat du Monde des Rallyes. Et les autos ont été Championnes du Monde 2 litres avec à leurs volants Harry Rovanpera et Armin Schwarz. Je suis à l’origine de ça, et je n’en suis pas peu fier. »

Concernant Jérôme, c’est sa première participation au Mont-Dore qui a particulièrement retenue l’attention de Guy Janny : « Il a pris part à l’épreuve avec ma Golf GTI, et a signé des chronos que je n’avais jamais réalisés auparavant. Là je me suis dit qu’il avait un sacré coup de volant. » Guy ne sera pas le seul à s’apercevoir du talent de son fiston, puisqu’après avoir passé une saison au volant de l’Ibiza de son père, Jérôme se voyait proposer par Seat France la mise à disposition d’une Seat Léon MK1 pour trois ans.

Dans l’esprit de Guy Janny, l’avenir de Jérôme se dessinera en Course de Côte avec des participations en rallye : « Nous adorons l’ambiance qui règne en Montagne et que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Je profite de l’occasion pour rendre un vibrant hommage à un ami proche, Guy Poinsignon, et à toute sa famille. Nous partageons sur les épreuves des moments extraordinaires, d’échanges et de convivialité, et cela depuis de nombreuses années, puisque nous avons roulé ensemble il y a 25 ans… Aujourd’hui, ce sont nos enfants qui roulent ! »

Le Championnat de France de la Montagne 2020 étant réduit à sa plus stricte expression, Jérôme et son père ont décidé de ne pas y participer. C’est donc sans prétention aucune, si ce n’est de se faire plaisir, que le père et le fils seront au départ du Mont-Dore : « Mais en ce qui me concerne je ne sais pas encore avec quelle voiture. A l’occasion du Rallye de Meuse, j’ai prêté ma 106 à un pilote ardéchois. Mais un souci a fait que durant la course l’extincteur s’est inopinément déclenché. Je n’ai pas pu la nettoyer pendant le confinement, et aujourd’hui elle ne veut plus démarrer, il va donc falloir que je regarde ce qui ne va pas. Et si je ne parviens pas à solutionner le problème en temps et en heure, je me rabattrai sur la Peugeot 206. »

En fin de saison, Jérôme Janny a décidé de prendre part au Rallye du Var au volant d’une Renault Clio R3. Une expérience qui lui permettra de rouler à l’issue d’une année où les occasions ont été rares : « Le choix de cette voiture n’est pas anodin, il devrait lui permettre de s’élancer plus tôt et de ne pas avoir à rouler uniquement de nuit comme ce fut le cas précédemment. Compte tenu des conditions météos souvent exécrables sur cette épreuve, c’est vraiment préférable. »

Pour ce qui est de la saison 2021, Jérôme Janny devrait retrouver le volant de sa Seat Léon Supercopa avec certainement l’intention de remettre en jeu son titre de vainqueur du Challenge Open A/5, et de reprendre à son ami Antoine Uny le Trophée FFSA du Groupe A.

Propos recueillis par Bruno Valette ©

 


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