En disputant l’intégralité du Championnat de France de la Montagne au volant d’une F3000, avec quasiment aucun soutien et un budget très limité, Patrick Watin démontre que la passion peut-être un fabuleux moteur. Le seul adversaire du pilote picard reste le chronomètre, son seul objectif est d’améliorer ses temps au fils des saisons.
L’envie de courir a tenaillé Patrick Watin alors qu’il était tout jeune. Mais les contraintes budgétaires intimement liées au sport automobile, allaient devoir le faire patienter. Ce n’est qu’à l’âge de 27 ans qu’il décidait, au volant d’une Alpine A310 alors engagée en groupe S, de participer à sa première course de côte. En cette année 1983, le Picard s’attaquait d’entrée de jeu à un monument de la discipline, puisque c’est sur le Mont-Dore qu’il faisait sa première apparition.
Patrick conservera son A310 durant trois ans, avant de la troquer contre une Berlinette silhouette A110 motorisée par un moteur de 1996 cm3. Au volant de cette voiture, il allait signer de bons résultats qui lui permettront de décrocher, à la fin des années 80, un titre de Vice-champion de Ligue Ile de France, avant de monter l’année suivante sur la plus haute marche du podium.
Fidèle à la Berlinette, Patrick évoluera à son volant durant une dizaine d’années : « Ma compagne aimait tellement cette voiture qu’elle ne voulait pas que je m’en sépare », se souvient-il. Mais en 1995, il décidait de vendre sa voiture pour faire l’acquisition d’une F2, une Martini MK 58 accidentée, que Patrick allait refaire entièrement : « Avec cette auto, j’ai dû rouler pendant quatre ans en course de côte. Mais j’ai connu de nombreux problèmes, notamment de boîte de vitesses. » Patrick a alors le projet de construire une maison. Un projet qui devient une priorité, et qui conjugué au manque de fiabilité de sa voiture, l’incitait à ranger au placard le casque et les gants.
Le retour au volant d’une F3000
En 2008, l’envie de s’installer à nouveau derrière le volant se fait ressentir, mais si Patrick souhaite retrouver l’ambiance si particulière des Courses de Côte, il n’a pas vraiment d’idées arrêtées en ce qui concerne le choix de sa nouvelle voiture : « J’ai fait à cette époque la connaissance d’un jeune qui m’a initié à l’informatique, et il a eu l’occasion de rentrer dans mon garage où il a découvert la Formule 2 », explique-t-il. « Nous avons alors parlé sport auto, et il m’a dit qu’il pouvait m’aider à trouver une nouvelle voiture pour reprendre la compétition. J’avais vaguement l’idée d’acheter un Proto, mais en cherchant sur internet, il a trouvé un châssis de F3000 Lola B99/50. L’auto était belle, et j’avais l’intention d’adapter dessus le moteur de la F2. Mais j’ai compris qu’il était dommage de dénaturer une telle auto. Mon jeune informaticien a alors pris des contacts pour trouver un moteur et une boîte de vitesses, et finalement c’est chez Lola que j’ai trouvé la boîte et chez Zytek le moteur. »
Le temps de réunir les fonds nécessaires, Patrick devra attendre 2010 avant que sa voiture ne soit enfin prête. Dans ce même laps de temps, le Picard allait profiter d’une période de solde chez Lola, où il pouvait faire l’acquisition de nombreuses pièces : « J’avais le sentiment que c’était Noël, j’avais pu acheter deux coques à des prix défiant toute concurrence. Lorsque je suis allé chercher les coques, j’ai pu faire un tour du magasin, et faire l’acquisition de nombreuses pièces à prix réduits. Je suis reparti avec des échappements, des amortisseurs. »
Patrick revendait une de ses coques et terminait la préparation de sa Lola : « Je sais que le pari de la Lola était osé, d’autant que je me suis lancé sur le Mont-Dore sans avoir fait le moindre essai. » Côté calendrier, il avait déjà l’intention de disputer l’ensemble du Championnat.
Un drame et des doutes
Il y a deux ans, l’épouse de Patrick était emportée par la maladie. Difficile alors pour lui, qui perdait sa compagne, mais également son plus ardent supporter, de trouver la motivation pour continuer : « J’ai vécu une période très difficile… Nous partagions la passion du sport automobile. J’ai décidé de continuer, parce que je sais, que c’est ce qu’elle aurait voulu. Mais depuis deux ans, c’est très compliqué pour moi », se contente-il de dire avec énormément de pudeur.
Pur amateur, Patrick Watin n’est pas obsédé par le résultat. En faisant le choix de la F3000 Lola B99-50 Zytek, le pilote de l’Oise veut avant tout se faire plaisir au volant d’une auto performante : « Je suis conscient qu’avec la F3000 je ne suis pas en mesure de réaliser les coups d’éclats que j’ai pu faire à l’époque de la Berlinette. Mais mes moyens étant limités, mon objectif est avant tout d’essayer d’être au départ de toutes les manches du Championnat, et d’améliorer mes chronos au fil des ans. »
Patrick ne cache toutefois pas, qu’en début de saison, il avait comme ambition de rentrer dans le top 10 du Championnat : « Avec une telle auto, c’est un objectif réaliste », estime-t-il. Et si au final il accroche la dixième place du Championnat, son début de saison ne sera pas à la hauteur de ses attentes : « Sur les deux premières épreuves, Bagnols-Sabran et le Col Saint-Pierre, je n’étais pas vraiment à mon aise. Je suis pénalisé par une méconnaissance de ces tracés, et je savais qu’il me serait difficile de signer un bon résultat. J’étais là avant tout me reprendre mes marques au volant. »
Plus à l’aise sur le tracé d’Abreschviller, Patrick était particulièrement satisfait de sa prestation, et pouvait être en confiance avant de se rendre à Hébécrevon : « Mais je gardais à l’esprit que j’ai toujours connu des problèmes sur l’épreuve normande, que ce soit des casses moteurs ou des sorties de piste », se souvient-il. « Parvenir à être à l’arrivée de toutes les montées durant le week-end est déjà une excellent chose pour moi. Et cette année j’y suis parvenu. »
A La Pommeraye dès la première montée de course, Patrick allait rencontrer des problèmes d’embrayage qui allaient plomber son week-end. A Saint-Gouëno, s’il était épargné par la mécanique, c’est en revanche la journée pluvieuse de dimanche qui n’allait pas faire son bonheur, le Picard ne disposant pas de pneus pluie : « J’ai du mal sur ce tracé, et cette année j’ai dû rouler avec des pneus retaillés qui avaient deux ans… Pas idéal ! »
L’édition 2015 de la Course de Côte des Beaujolais-Villages laisse un excellent souvenir à Patrick, qui a été épargné par les problèmes durant son week-end à Marchampt. Malheureusement, le Picard allait rencontrer de nouveaux soucis à Vuillafans : « Samedi, lors des essais, la voiture calait au départ. Nous avons tenté d’identifier le problème qui semblait provenir du boîtier électronique ou de l’injection. Nous ne sommes pas parvenus à trouver l’origine de la panne, mais malgré tout j’ai pu faire une montée à peu près correcte », estime-t-il. « Je termine dixième au scratch, mais je pense que sur cette épreuve j’aurais pu faire beaucoup mieux. »
A Dunières, Patrick espérait améliorer ses temps par rapport à ses précédentes participations : « Mais ça s’est un peu moins bien passé que lors des dernières années. Je suis satisfait d’avoir signé des temps similaires, mais un peu déçu de ne pas avoir amélioré. »
S’il y a une course que Patrick Watin affectionne particulièrement, c’est le Mont-Dore. Mais tout laisse à penser que la classique auvergnate se refuse à lui : « J’adore ce tracé, mais je ne parviens pas à être performant sur cette épreuve. J’ai du mal à entrer dedans avec la F3000. »
Une blessure au doigt nécessitant plusieurs points de suture obligeait Patrick à déclarer forfait à Chamrousse. C’est donc à Turckheim qu’il allait achever sa saison : « En me rendant sur la première montée d’essais, je me suis retrouvé en panne en pré-grille. Un camion m’a ramené aux paddocks et j’étais persuadé d’avoir un problème de boîtier. Antoine Lombardo m’a conseillé de chercher ailleurs, pensant que le boîtier n’était peut-être pas incriminé. Finalement, en démontant la tête de delco, j’ai vu qu’elle était pleine d’un mélange d’huile et d’eau. J’ai remplacé l’élément, mais un des gars qui m’aidé a interverti des fils au moment de rebrancher. J’ai encore perdu du temps avant de comprendre d’où venait le manque de puissance, mais par la suite, tout est entré dans l’ordre. »
« Je me suis rendu compte à Turckheim que je trainais une panne depuis plus d’un an et demi. J’étais persuadé d’avoir un problème électronique que l’on ne parvenait pas à résoudre, et finalement, le souci était nettement plus basique puisqu’il provenait d’une tête de delco. Bien évidemment cela m’a pénalisé sur l’ensemble du Championnat », analyse Patrick. « Si, tout au long de la saison, j’avais disposé d’une auto aussi compétitive qu’à Turckheim, j’aurais pu signer de bien meilleurs résultats. »
Malgré tout, Patrick Watin considère que cette saison 2015 fut certainement sa meilleure. Malgré les difficultés qui ont jalonné son parcours, le Picard estime avoir trouvé la juste mesure de sa Lola : « Avec le peu de moyens dont je dispose, parvenir à terminer dans le top 10 du Championnat est pour moi une satisfaction. »
Pour ce qui est des moyens, Patrick ne cache pas que son budget est extrêmement limité : « Je suis aidé par les gens de ma famille et quelques partenaires, mais l’essentiel de mon budget vient du fruit de mon travail. Cela incite à être raisonnable, et si je parviens à me payer trois trains de pneus dans l’année, c’est le bout du monde. J’ai souvent couru avec deux trains de pneus pour l’ensemble de la saison. »
Patrick tient bien évidemment à remercier ceux qui ont consenti à lui apporter une aide : « Un grand merci au Garage Benoist à Fitz James, CG Innovation, ma tante Geneviève Prévot ainsi qu’à Thibault Brebant, le fils de Philippe, animateur du VHC, qui m’a aidé tout au long de la saison. »
Pour l’année 2016, Patrick compte bien venir animer à nouveau les manches du Championnat de France de la Montagne : « A ce jour, je dois avoir le budget pour les quatre premières épreuves. Il faut donc que je trouve le financement complémentaire. En Picardie ce n’est pas évident de démarcher des partenaires. Le sport auto ne jouit pas d’une énorme réputation. Et puis quand tu dis que tu n’es qu’un simple ouvrier, et que tu cours en F3000, les gens se posent des questions. Ils n’arrivent pas à admettre qu’à presque 60 ans, j’ai su gérer mes économies pour satisfaire ma passion. »
Avant de conclure, Patrick veut rendre un hommage à celle qui, durant de nombreuses années, a partagé sa passion et géré les à-côtés inhérents à la course : « Je veux profiter de l’occasion qui m’est donnée pour dédier mes résultats à mon épouse aujourd’hui disparue », conclut-il