Face à un imposant plateau de Protos engagés en E2-SC, Kevin Petit savait qu’avec sa Norma CN+ d’ancienne génération il lui serait difficile de se mettre en valeur. Mais la ténacité et la régularité peuvent être des armes redoutables, dont le jeune espoir a su user pour terminer la saison sur le podium du championnat, et décrocher un nouveau Trophée FFSA du groupe CN.
Kevin Petit est en constante progression… Vainqueur du Trophée FFSA du groupe DE en 2019, il se voyait attribuer le "Trophée Lionel Régal" récompensant le meilleur jeune de moins de 25 ans. L’année suivante, Kevin remportait une nouvelle fois ces deux mêmes trophées en y ajoutant une coupe de Vice-champion de France de la Montagne 2ème Division. Pour la saison 2021, il troquait sa Tatuus Formula Master contre une Norma M20 FC 4 litres avec laquelle il s’adjugeait le Trophée FFSA du groupe CN grâce à une quatrième place sur le Championnat de France de la Montagne. En conclusion de la saison, il se rendait au FIA Hill Climb Master et revenait du Portugal avec une Coupe des Nations acquise au sein de l’équipe de France dont il était l’un des quatre membres.
C’est acté, Kevin Petit est une des valeurs sûres de notre championnat. Mais ce n’est pas pour autant que l’Isérois de naissance, aujourd’hui résident alsacien, se lance à corps perdu dans la quête de nouveaux trophées. Kevin est jeune, raisonné, et même s’il aborde la compétition en vrai professionnel, il veut franchir les étapes pas à pas. D’où le choix de conserver sa Norma CN+ pour cette saison 2022, même s’il savait qu’elle allait souffrir de la comparaison face aux nouvelles E2-SC.
« A cause de la crise sanitaire liée au Covid, la saison 2021 a été tronquée » rappelle Kevin. « Et nous n’avions donc pas eu la possibilité de disputer toutes les épreuves avec la Norma 4 litres. Je manquais donc d’expérience et je savais disposer encore d’une marge de progression que je voulais exploiter. » Ce ne fut pas la seule raison qui motivait Kevin dans son choix : « Il était difficile de voir très clair dans l’évolution de la réglementation pour les années à venir, ce qui n’incite pas réellement à se lancer dans de nouveaux projets », analyse-t-il.
Une approche très professionnelle
C’est au sein du Team Hélium Racing, dont il était le fer de lance, que Kevin Petit allait évoluer durant cette saison 2022 : « La structure de mon frère (le Team Petit CroisiEurope, ndlr) n’était pas présente sur l’ensemble du championnat. J’avais l’opportunité avec le Team Hélium Racing d’intégrer une équipe professionnelle, ce qui me permettait de me concentrer uniquement sur le pilotage et l’aspect sportif, et de ne pas avoir à gérer assistance et logistique. Cela m’a permis de travailler bien mieux et beaucoup plus sur les programmes que nous avions préalablement définis. »
Kevin Petit bénéficiait également du soutien du Sébastien Loeb Racing grâce à un partenariat mis en place en début de saison avec Dominique Heintz, gestionnaire de la structure du nonuple Champion du Monde : « C’est avant tout un soutien technique avec la présence d’un ingénieur sur toutes les courses mais également une gestion générale de ma carrière. C’est pour l’heure une intégration partielle qui ne demande qu’à être accrue. Mais cela nous a permis de tester de nombreuses choses durant cette première année et cela devrait augurer d’un bel avenir en commun. »
La Norma M20 FC 4 litres évoluant en CN+ est depuis longtemps déjà en bout de développement. Le travail de début de saison consistait donc avant tout à parfaire certains réglages : « Mais nous avions tout de même une grosse évolution à gérer avec le passage en pneus Pirelli. Cela nécessitait des modifications de hauteur de caisse, de l’épure. Il a donc fallu assumer une importante somme de travail autour de ça. »
Avant le début de saison, c’est sur le circuit de Chambley que Kevin Petit testait les dernières solutions apportées à sa voiture. De quoi se rassurer sur le comportement de la Norma, même s’il était conscient que ses prétentions pour 2022 seraient limitées : « Nous savions que durant la saison de nombreuses E2-SC allaient rejoindre le peloton. L’idée était donc de mettre à profit les épreuves sur lesquelles nous avions un peu plus le champ libre pour tenter d’accumuler des points et de jouer le podium. Mais il semblait clair qu’il me serait difficile de faire mieux en fin de saison que la quatrième place que j’avais obtenue au championnat en 2021. »
Cumul de podiums et de victoires de groupe
La saison débutait difficilement pour Kevin Petit qui à Bagnols-Sabran, sur la manche d’ouverture, partait à la faute. Une sortie de route qui allait occasionner quelques dégâts mais qui ne sera pas synonyme d’abandon grâce au travail de son équipe et à la solidarité qui règne parmi les Montagnards : « Nous avions modifié pas mal de choses sur la voiture, et je n’ai pas pris le temps de m’adapter. J’ai voulu pousser trop fort, trop rapidement, et je me suis fait piéger. Il est clair que la présence de Maxime Cotleur, engagé également en CN+, m’a incité à attaquer d’entrée, connaissant son talent. » Grâce au travail titanesque mené dans un laps de temps record par le Team Hélium Racing et le Sébastien Loeb Racing, Kevin Petit pouvait être au départ dimanche : « Grâce également à Max, son équipe et la famille Cotleur qui nous a prêté les pièces dont il disposait sur son Proto E2-SC en préparation. Nous sommes allés chez lui les récupérer pour réparer durant la nuit. » Au final, il parvient à accrocher la cinquième place et termine à seulement huit dixièmes de Maxime Cotleur : « Heureusement que j’étais bien entouré et que j’ai pu bénéficier de l’expérience des gars qui ont su me refaire une auto en très peu de temps. »
Une semaine seulement séparait Bagnols-Sabran du Col Saint-Pierre, et c’est donc avec une Norma, qui disposait encore des pièces prêtées par Maxime Cotleur, que Kevin Petit abordait la manche française du Championnat d’Europe : « Avec Kevin, l’ingénieur du Sébastien Loeb Racing, Rémy et Bastien de chez Helium Racing nous avons travaillé pour remettre la voiture dans une configuration qui me convenait. Et finalement, je suis parvenu à faire des chronos très proches de ceux réalisés précédemment par mon frère ou par Geoffrey (Schatz) lorsqu’ils roulaient en CN+. Je me bats pour le podium, je ne peux être que pleinement satisfait de ce week-end qui était tout simplement génial. Le seul truc c’est que nous avons fait des tests avec deux types de gommes différentes à l’avant et l’arrière, et je pense que si j’étais resté sur la gomme “soft” j’aurais peut-être pu améliorer un peu plus mes chronos. »
Le week-end à Abreschviller s’annoncera plus compliqué. Non seulement parce que le plateau d’E2-SC venait s’enrichir de nouveaux protagonistes, mais également parce que sur un tracé où la puissance prime, Kevin se doutait qu’il pouvait ne pas être à la fête : « Entre le Col Saint-Pierre et Abreschviller nous avons dû rendre en toute logique les pièces que Max nous avait très aimablement prêtées. De ce fait, nous avons dû remonter une partie de la voiture avec des pièces commandées chez Norma, mais également d’occasion. Entre les délais de livraison et le travail à réaliser, nous avons terminé la voiture vendredi matin, jour des vérifs. Il s’est avéré que certaines pièces n’étaient pas dans un super état, notamment au niveau de la colonne de direction et elles nous ont causé du tort », explique Kevin. « Ce fut donc très compliqué avec une auto difficile à tenir sur la route, ce qui ne m’a évidemment pas mis en confiance, nous avons tout de même pu terminer le weekend grâce à un travail acharné de l’équipe et le prêt d’une pièce de la part de mon frère», ajoute Kevin qui termine au septième rang mais qui remporte tout de même le groupe CN.
La campagne de l’Ouest sera source de belles satisfactions puisqu’après avoir accroché la quatrième place sur les Teurses de Thèreval – Agneaux, Kevin terminait à deux reprises sur la deuxième marche du podium à La Pommeraye et à Saint Gouëno. « Thèreval était une des dernières épreuves que je découvrais, et j’avoue avoir beaucoup apprécié le tracé normand. Même si les conditions climatiques n’étaient pas idéales pour apprendre, je me bats pour le podium jusque sur la dernière montée. Terminer quatrième était jusqu’alors ma meilleure performance de l’année, je ne pouvais donc être qu’enchanté du résultat. »
La Pommeraye a déjà réussi à Kevin Petit qui a bien failli en 2021 remporter l’épreuve angevine. Cette année, on le retrouvait une nouvelle fois sur le podium, à la deuxième place : « On ne peut évidemment pas occulter la sortie de route de Damien (Chamberod). Mais j’avoue que d’un point de vue sportif j’ai vécu un excellent week-end en rivalisant avec Billy Ritchen au centième, avant qu’il ne réalise un super chrono sur la dernière montée. Je suis satisfait de mes performances mais pas vraiment de la deuxième place car je sais que si Damien avait terminé l’épreuve, la victoire lui était promise. »
Vainqueur du groupe CN sur les Teurses de Thèreval et à La Pommeraye, Kevin Petit fera de même à Saint Gouëno, en se hissant une nouvelle fois sur la deuxième marche du podium : « Nous avons bataillé avec Billy (Ritchen) Anthony (Le Beller) et Cyrille (Frantz) avant qu’il ne rencontre des problèmes. Je retiendrai avant tout le combat avec Billy, les chronos très intéressants que j’ai pu réaliser, de bons passages, et cette deuxième place qui fait vraiment du bien. Cela nous permettait de conclure la campagne de l’Ouest en ayant enregistré trois excellents résultats en ayant bien sûr conscience de l’absence de nombreux concurrents. »
Kevin Petit allait connaître à Vuillafans ce qu’il estime être un de ses meilleurs week-end de la saison. Car même si le pilote du Helium Racing n’accède pas au podium, il signe une quatrième place, synonyme de victoire de groupe, qui ne peut que l’enthousiasmer : « Sur un tracé que j’ai toujours appréhendé, je me suis retrouvé cette année en pleine confiance. Je suis dans de très bons chronos en comparaison de ce qui avait pu se faire avec des CN+. »
En abordant Dunières avec une Norma CN+ face aux E2-SC, Kevin Petit savait pertinemment que sur le tracé auvergnat ça s’annonçait très compliqué : « Durant toute la journée de samedi je me suis battu pour figurer sur le podium et ça je ne m’y attendais pas. Ce qui est frustrant, c’est que le dimanche mes adversaires avaient plus de marge de progression et qu’après m’être battu pour essayer d’accrocher un podium, je me retrouve finalement sixième, pour quelques dixièmes de secondes. Même si c’est une position logique, je suis un peu déçu », avoue Kevin qui termine à seulement 338 millièmes de son frère Sébastien, double Champion de France.
A Marchampt, Kevin Petit semblait en mesure de viser un nouveau podium. Mais l’annulation de la dernière montée le prive peut-être d’une troisième place, puisqu’il termine à seulement un dixième de ’’la boîte’’ : « Je n’ai pas très bien vécu dimanche la gestion des sorties de route, mais j’ai été un des premiers à souhaiter l’annulation de la dernière montée car les conditions de visibilités mettaient à mal notre sécurité. Donc même si j’en pâtissais réellement, il fallait être raisonnable. Cyrille (Frantz) avait fait le job là où moi je n’y suis pas parvenu. Il faut savoir accepter la chose », commente Kevin qui termine derrière Damien Chamberod, Billy Ritchen et Cyrille Frantz.
Sur le Mont-Dore, Kevin allait être pénalisé par un moteur récalcitrant qui le privait de deuxième montée de course. Dans ces conditions, difficile de se battre pleinement pour accrocher un résultat probant. Le jeune espoir fera tout de même mieux que de limiter la casse en plaçant sa Norma au cinquième rang, en tête du groupe CN : « Je n’avais jamais eu de panne mécanique de ce genre, et j’avoue que de me retrouver arrêté au milieu de la piste c’est difficile à gérer. Une nouvelle fois, samedi et dimanche matin j’étais en mesure de me battre pour le podium, mais finalement ça n’a pas voulu sourire. »
Le problème moteur fera sa réapparition à Chamrousse où Kevin terminait la deuxième montée au ralenti. L’annulation de la dernière ascension prévue au programme allait lui coûter très cher puisqu’on le retrouvait au fond du classement : « Samedi j’étais dans les chronos de Billy et dimanche les problèmes sont à nouveau venus perturber ma course. Mais c’est totalement dérisoire face à la sortie de route de Damien (Chamberod). Notre préoccupation allait alors vers son état de santé et non pas focalisée sur nos problèmes techniques. »
Turckheim est à présent pour Kevin Petit la course à la maison, sur laquelle il avait convié plus de 200 invités parmi lesquels il comptait ses partenaires et des invités de ses sponsors : « C’est une course pour moi très importante sur laquelle j’espère toujours bien figurer, d’autant que j’apprécie le tracé. Je suis parvenu à améliorer mes chronos de l’année précédente et je me suis battu pour le podium tout au long du week-end avec Corentin Starck. Mais il réalise une prouesse sur la dernière montée, et accroche son premier succès sur le Championnat de France, je ne peux que le féliciter. Mais au final je suis très content du résultat final. »
Troisième du CFM et vainqueur du Trophée FFSA du groupe CN
Assuré de remporter le trophée FFSA du groupe CN, de terminer le championnat sur la troisième marche du podium, Kevin Petit n’avait pas de raison particulière de se rendre à Limonest, d’autant qu’il avait quelques contacts pour vendre sa voiture, « et qu’il aurait été ridicule de l’endommager sur cette ultime épreuve », confie-t-il.
Le résultat final obtenu par Kevin Petit va au-delà de ses espérances : « Je me retrouve là où je voulais être, et non pas où je pensais être compte tenu du plateau initial », analyse-t-il. « Nous avons clairement profité des déboires de nombreux pilotes qui ont connu une saison particulièrement difficile. J’ai mené ma campagne comme je l’entendais, en essayant d’être le plus régulier possible, et c’est payant. Pour moi qui ne visais pas une place sur le podium du championnat, même si la Norma CN+ reste compétitive, elle n’est pas au niveau des nouvelles E2-SC et c’est une belle performance d’accrocher cette troisième place. J’ai pu démontrer que la Norma CN+, quand elle est amenée comme elle aime, peut faire des chronos encore très intéressants. »
« J’en profite pour remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué à cette saison incroyable, en premier lieu mes partenaires qui ont été plus que présents cette année à mes côtés et me permettent d’évoluer continuellement. Un grand merci au team Hélium Racing ainsi qu’au team Sébastien Loeb Racing, aux membres des équipes qui ont su être à mes côtés à chaque instant. Enfin, je remercie ma famille et en particulier mon papa, les concurrents et leurs équipes avec qui nous avons livré de belles batailles, toutes les organisations des courses et du championnat ainsi que leurs bénévoles, mais également les équipes médias et toutes les personnes qui nous ont supporté cette année ! »
S’il est rentré de plain-pied dans la cour des grands depuis plusieurs saisons, Kevin Petit souhaite poursuivre sa progression : « Je voudrais maintenant jouer dans la cour des plus grands, et pour cela il me faut disposer d’une auto plus compétitive. Le projet est de franchir un nouvel échelon, mais cela dépend d’une part de la vente de la Norma 4 litres, mais également de la nouvelle réglementation. Il est en effet difficile de se projeter sans savoir vers quoi nous allons réellement tendre. Nous devons faire des choix techniques, mais rien n’est encore définitif. Pour ce qui est du programme sportif, on devrait me retrouver sur le Championnat de France de la Montagne, je vais entamer les discussions avec le Helium Racing et le Sébastien Loeb Racing pour renouveler nos partenariats. »
Alors que son frère Sébastien a été Champion de France à deux reprises, que cette année son neveu Axel a remporté le "Trophée Lionel Régal", Kevin Petit est dans la même trajectoire familiale et accumule lui aussi coupes et trophées. Nul doute qu’il sera dans un avenir proche un sérieux prétendant à une couronne.
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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