En optant pour une Norma 4 litres engagée en CN+, Kevin Petit était conscient qu’il lui serait difficile de rivaliser face à la montée en puissance des Protos E2-SC de nouvelle génération. Mais le jeune espoir de la Course de Côte avait comme objectif premier de poursuivre son apprentissage. Objectif atteint puisque cette saison 2021 lui aura permis de maîtriser le maniement d’une auto qui reste une référence, et par la même occasion de s’illustrer en terminant au pied du podium du Championnat et en remportant le Trophée FFSA du Groupe CN.
À l’issue de la courte saison 2020, Kevin Petit venait ajouter plusieurs titres à un palmarès qui, compte tenu de son jeune âge, peut faire des envieux. Pour la seconde année consécutive, il remportait le Trophée ’’Lionel Régal’’ récompensant le meilleur jeune du Championnat Sport, le Trophée du Groupe DE, celui du Challenge Open réservé aux Tatuus Formula Master, et une place de Vice-champion de France de la Montagne 2ème Division. Dans la logique des choses, Kevin était en droit de prétendre accéder à une catégorie supérieure. Il délaissait donc la Tatuus Formula Master qui lui avait apporté tant de satisfactions, pour s’installer dans le cockpit de la Norma M20 FC 4 litres avec laquelle son frère Sébastien avait remporté le Championnat en 2017.
On aurait pu s’attendre à ce que Kevin Petit opte pour un Proto E2-SC, plus dans la tendance du moment, que de porter son choix sur une CN + : « Le budget nécessaire à l’exploitation d’une E2-SC me semblait déraisonnable pour un pilote qui, comme moi, est toujours en phase d’apprentissage », analyse Kevin. « J’avoue avoir hésité entre l’ancienne F3000 de mon frère et la Norma. Mais les Protos, plus que les F3000, représentent l’avenir et je voulais m’habituer au pilotage de ce type de voiture. Cela me permettait également d’apporter des évolutions à la Norma pour, par la suite, la configurer en E2-SC dès que j’aurai la possibilité de le faire. »
C’est sur le circuit du Bourbonnais que Kevin Petit avait pour la première fois l’occasion de tester sa nouvelle monture : « Il y avait pas mal de choses à découvrir, et de ce fait je ne me suis pas réellement lâché. Mais j’avoue que les sensations étaient excellentes pour moi qui n’avait comme seule expérience du Proto qu’une participation à la Course de Côte de La Broque avec la Norma CN/2 prêtée par mon frère. » C’est en République Tchèque, sur la Course de Côte d’Ecce Homo, que Kevin devait disputer sa toute première épreuve au volant de sa Norma 4 litres : « Sur le chemin pour nous rendre à Sternberk, où se déroule cette épreuve, nous nous sommes arrêtés sur l’Anneau du Rhin pour une demi-journée d’essais supplémentaires en circuit, ce qui m’a permis de me familiariser un peu plus avec ma voiture. »
Le meeting de Sternberk comprenait deux courses. Sur la première, Kevin Petit accrochait la septième place et le lendemain il se classait au cinquième rang : « C’était génial, j’étais vraiment super content, notamment d’avoir pu me battre avec des garçons comme Petr Trnka ou Fausto Bormolini, des pilotes que j’observais de loin à une époque, et c’était très sympa de me confronter à eux. Et puis je crois me souvenir qu’en vitesse de pointe, j’ai pris sur cette épreuve 267 km/h, ce qui est juste hallucinant. » Sur cette manifestation hors de nos frontières, Kevin rencontrait également quelques petits soucis techniques, que sa participation permettait d’effacer avant de débuter le championnat.
Premier succès scratch en Andorre
Mais avant de retrouver les protagonistes du CFM, Kevin Petit se rendait en Andorre pour prendre part à la Pujada Arinsal. Sur cette épreuve inscrite au calendrier du Championnat de France de la Montagne 2ème Division, il remportait sa toute première victoire au scratch : « Cette victoire fut émotionnellement intense. Même si le plateau ne comptait pas de nombreux protos comme le miens, j’ai pu signer de très bons chronos dans des conditions difficiles, ce qui était rassurant pour la suite… Se retrouver sur la haute marche d’un podium, signer son premier succès en présence de l’ensemble de ma famille, ça restera un souvenir gravé à jamais dans ma mémoire. »
Des essais en circuit, deux courses de côte disputées au volant de la Norma M20 FC, Kevin Petit rejoignait La Pommeraye en confiance, assuré de bien cerner le comportement de sa monture : « Ce n’est pas pour autant que je rêvais d’exploits. L’objectif était d’apprendre, et si l’opportunité se présentait d’accrocher une paire de podiums, en sachant que plus la saison allait avancer, plus la concurrence serait affûtée et se positionner aux avant-postes difficile. »
Et pourtant, sur l’épreuve angevine, théâtre du coup d’envoi de la saison, Kevin a bien failli se hisser sur la première marche du podium. A l’issue de la troisième montée de course, c’est lui qui figurait au sommet de la hiérarchie. Mais avec une quatrième ascension au programme de cette Course de Côte de La Pommeraye, il savait qu’il lui serait difficile de résister à un retour de ses adversaires. Finalement, Damien Chamberod et Cyrille Frantz lui passaient devant : « C’est le jeu, je savais en quoi m’en tenir dès le départ. Je termine sur le podium, le résultat est là et il me permet de particulièrement bien débuter la saison. »
Kevin Petit espérait accrocher une paire de podiums cette saison, les deux premiers rendez-vous allaient lui en donner l’occasion puisqu’à Vuillafans il terminait au deuxième rang derrière l’intouchable Geoffrey Schatz : « J’ai eu beaucoup de chance », reconnait-il en toute humilité. « Même si j’établis de très bons chronos, en étant très proche des temps réalisés en CN+ par Geoffrey et mon frère, sur une course très compliquée, je suis conscient que mes adversaires ont eu leurs lots de soucis, techniques ou dus à une météo récalcitrante. Ça me permet de décrocher la deuxième place, je ne peux que m’en réjouir. Et je retiens surtout que j’ai pris énormément de plaisir. »
A Dunières, les pilotes des E2-SC seront épargnés par les problèmes. Dans ces conditions, difficile de lutter face à des autos plus performantes, et Kevin Petit terminait à une cinquième place qui lui semble être logiquement la sienne : « Dans mon esprit, cinquième ou sixième c’est la place à laquelle je pouvais prétendre sur l’ensemble des épreuves cette saison. La Norma CN+ est une auto formidable, mais qui accuse près d’une dizaine d’années au compteur. Elle accuse également un poids plus important que les E2-SC et affiche des performances moindres que certaines d’entre elles. Sur un tracé très technique comme Dunières, je savais qu’il me serait difficile de me mettre en valeur… » Malgré tout, Kevin peut se réjouir de battre sur l’épreuve auvergnate le record de la catégorie CN+. « Sur une piste dont le revêtement à subi une réfection depuis l’ancien record », tient à rajouter humblement Kevin. « Sans le nouveau revêtement, je suis conscient qu’aller chercher ce record n’aurait certainement pas été possible. Après, je garde à l’esprit que sur la dernière montée, j’étais en amélioration jusqu’à mi-parcours avant de commettre une faute qui m’a coûté très cher. C’était un peu frustrant parce que je pense que je pouvais améliorer mon chrono. Mais dans le même temps je me suis dit que si je commettais des erreurs dues à un excès de confiance, cela démontrait que j’étais vraiment bien avec l’auto. »
A Marchampt, en totale osmose avec sa voiture, Kevin Petit parvenait à se battre avec les E2-SC et à entamer une lutte avec Billy Ritchen. Tout allait se jouer sur la dernière ascension à l’issue de laquelle Kevin pouvait se retrouver sur le podium : « C’est certainement un tracé qui me désavantageait moins que d’autres, avec beaucoup de lignes droites et de hautes vitesses, mais il y a également l’épingle gauche après le départ. Je me suis élancé sur la dernière montée, et je me suis un peu loupé à l’épingle. Je me faisais alors une raison avant qu’un drapeau rouge ne me permette de me relancer… En visionnant les caméras embarquées de mon frère, je voyais qu’il lâchait le volant d’une main à l’approche de l’épingle pour aller le chercher plus loin et accentuer son angle de braquage. Je n’avais pas suffisamment d’expérience et je n’osais pas lâcher le volant d’une main sur une partie aussi bosselée. Donc je tournais du mieux que je pouvais, en m’aidant d’un petit coup d’accélérateur, ce que j’ai fait tout au long du week-end. Mais sur cette dernière ascension, vu que je me relançais, les pneus étaient très chauds et quand j’ai mis le coup d’accélérateur la voiture n’a pas bougé, et j’ai flirté avec le mur. Rien de grave, mais je me suis arrêté et c’était terminé pour moi. »
Ce n’est pas sans une certaine appréhension que Kevin Petit se rendait au Mont-Dore. D’une part le tracé de l’épreuve auvergnate est complexe, et d’autre part une Norma CN+ ne dispose pas de la même vélocité qu’une E2-SC pour affronter l’ascension qui mène au sommet du Col de la Croix Saint-Robert. Mais finalement Kevin allait connaitre dans le Massif du Sancy une de ses plus belles courses de la saison : « Le tracé est incroyable et j’ai pris énormément de plaisir. Je suis parvenu à signer un chrono en 2’16’’582 qui est plus rapide que le temps réalisé par Nicolas Schatz avec une CN+. Ce n’est pas le record de la classe, mais faire mieux qu’un champion comme Nico ça marque. Et même si je ne pouvais pas lutter contre les E2-SC, réaliser un tel chrono me satisfait pleinement », commente Kevin qui accroche au final la cinquième place.
Natif d’Isère, la Course de Côte de Chamrousse reste un peu l’épreuve à domicile pour Kevin Petit, même s’il réside aujourd’hui en Alsace. Kevin espérait beaucoup de cette épreuve disputée sur un tracé large et rapide. Mais le sort allait s’acharner contre son équipe, lui rendant la tâche difficile : « Mon frère a connu de nombreux problèmes techniques et Axel, mon neveu, a été victime d’une sortie de route. Même s’il s’en sort sans problème, les infos que l’on nous donnait laissaient entendre le contraire. Prendre le départ dans ces conditions était difficile. Le week-end fut compliqué, même s’il nous a permis d’améliorer certaines choses sur la voiture. Il m’aura permis de me rendre compte que je manque d’expérience et que les retours que je peux faire à mon frère, à mon père ou à Gillou ne sont pas toujours les meilleurs. De ce fait, on ne va pas toujours dans le bon sens. Je l’ai compris, j’ai travaillé par la suite, c’est enrichissant et ça fait partie de l’apprentissage », estime Kevin qui termine l’épreuve alpine au quatrième rang.
Le rêve assouvi au volant d’une F3000
Pour un pilote de 25 ans, qui a toujours baigné dans le monde de la Course de Côte, les F3000 restent des voitures légendaires, un mythe que l’on espère toucher du doigt. Ce rêve, Kevin Petit aura l’opportunité de l’assouvir cette année, lorsque son frère Sébastien lui proposait de lui prêter sa Lola pour prendre part à la Course de Côte d’Osnabrück, courue au mois d’août en Allemagne : « Fabuleux, quel énorme cadeau ! » lâche Kevin avec des étoiles dans les yeux : « Nous avons bossé toute la semaine sur la voiture et j’ai pu faire uniquement trois tours de circuit avant de prendre part à la course. Autant dire que je découvrais. Mais le pilotage était tellement naturel, que de montée en montée, j’ai pris de la confiance et les chronos s’amélioraient. Mon frère remporte la course, je termine troisième en tête de l’E2-SS avec un chrono très proche de celui qu’avait précédemment signé Geoffrey Schatz avec une F3000, Axel mon neveu signe également un bon résultat, ce fut vraiment un fabuleux week-end. »
Retour en France pour la Course de Côte de Turckheim, aujourd’hui la course à la maison pour le sociétaire du Team Petit CroisiEurope, qui avait décidé pour l’occasion de mettre en place un réceptif pour ses partenaires : « C’est une excellente chose, j’en suis ravi, mais la préparation de ce réceptif et tout ce qu’il y avait autour m’a pris beaucoup de temps, certainement au détriment de la préparation de l’épreuve. Même si j’ai beaucoup travaillé, je n’étais pas à 100% concentré sur ma course. Nous étions partis dans la mauvaise direction à Chamrousse, il fallait rectifier le cap, et alors que jusqu’alors j’étais en confiance avec la voiture, là c’était plus compliqué. Je n’étais plus aussi à mon aise à son volant. Malgré tout, les chronos sont au rendez-vous puisque je me suis battu avec Damien (Chamberod). Les sensations n’étaient pas les meilleures, mais j’ai la satisfaction de terminer devant des pilotes comme Alexander Hin ou Patrik Zajelsnik », analyse Kevin qui accroche une nouvelle fois la cinquième place.
Limonest n’est certainement pas le terrain de jeu idéal pour une Norma CN+ face aux E2-SC. Sur cette manche de clôture de la saison, Kevin savait qu’il lui serait difficile de se mettre en valeur : « Nous avons travaillé sur les réglages, et j’ai le sentiment d’avoir haussé mon rythme sur cette épreuve. Je termine cinquième, c’est ma place sur un parcours où je savais qu’il serait encore plus difficile qu’ailleurs de lutter face aux E2-SC. »
Membre de l’équipe de France aux FIA Masters
Les belles performances réalisées par Kevin Petit tout au long de la saison retenaient l’attention de Jean-Marc Roger, Capitaine de l'Équipe de France à l’occasion des FIA Hill Climb Masters. C’est donc en toute logique que le jeune espoir de la discipline intégrait l’équipe de France. Ce rendez-vous à Braga, au Portugal, marquera les esprits de nombreux pilotes, ce fut le cas de Kevin Petit : « C’est certainement un des plus beaux week-ends de ma carrière sportive. Tout était parfait et j’ai pris un plaisir de dingue sur ce tracé. Nous avons retrouvé de bons réglages, les sensations étaient au rendez-vous et plus j’allais vite, plus je me sentais bien. Je termine l’année sur une excellente note, en accrochant la sixième place de la Catégorie 4 et en mettant un bon nombre d’E2-SC derrière moi, sur un tracé que je découvrais. »
S’il est content de sa performance individuelle, Kevin est tout aussi enthousiaste lorsqu’il évoque la victoire de l’équipe de France sur la Coupe des Nations : « Cette victoire acquise avec les copains était fabuleuse. Nous n’avons pas l’habitude de nous battre pour un objectif commun, et c’était grandiose de ramener la coupe à la France, mais également de représenter ma nation sur une course. Du haut de mes 25 ans ça reste un souvenir incroyable que j’évoque toujours avec beaucoup d’émotion. »
Vainqueur du Groupe CN sur toutes les manches du Championnat de France cette saison, Kevin Petit remporte le Trophée FFSA de ce Groupe. Au final, il se classe quatrième du Championnat, de quoi être pleinement satisfait à l’heure de faire le bilan : « Pour moi, la plus belle des victoires cette saison vient du fait que je pense avoir beaucoup appris au volant d’une auto qui va très vite. J’ai pris un maximum de plaisir et j’ai pu batailler avec Fabien (Bourgeon) jusqu’à la dernière course pour savoir qui monterait finalement sur le podium du championnat. Finalement je suis sincèrement content que ce soit Fabien, dans le sens où il mérite, de par le fait qu’il a loupé la première course de la saison et qu’il a par la suite signé de fabuleuses performances. Je me satisfais pleinement de ma quatrième place. »
Les victoires, les trophées, les émotions, Kevin Petit veut les partager avec ceux qui sont des soutiens inconditionnels : « Je tiens à profiter de ce moment pour remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réussite de cette saison. En premier lieu, je remercie évidemment le Team Petit Auto Sport, en particulier ma famille, Gillou, Lucas et nos amis qui nous suivent au quotidien, mention spéciale à Olivier qui fait énormément pour moi et me suit de partout. L’ensemble de mes partenaires qui représentent une force énorme pour aborder chaque nouvelle course et chaque nouvelle saison ! Enfin, un grand merci également à l’ensemble du Team Helium Racing pour les nombreux coups de main ainsi que toutes les personnes qui m’ont encouragé au cours de l’année et qui sont plus que nombreux, tous les organisateurs et leurs équipes, des bénévoles aux équipes médicales, les équipes médiatiques, les promoteurs du championnat et les différents officiels FFSA présents sur les courses. »
A l’issue de cette saison 2021, Kevin Petit confirme qu’il est rentré de plain-pied dans le club des prétendants à de futurs titres. Et s’il n’a pas encore la prétention d’aller chercher une couronne de champion en 2022, il mettra tout en œuvre pour poursuivre dans la voie qu’il s’est fixée : « On a vu sur quoi il fallait travailler, tant sur la voiture, qu’à titre personnel. A nous de profiter de la pause hivernale pour mettre tout ça en ordre de marche. Je vais donc repartir avec la Norma CN+, sachant que je ne suis pas à la limite de la voiture. Je passerai en E2-SC lorsque j’aurai le sentiment d’être arrivé au bout de la Norma 4 litres. Pour ce qui est de mon calendrier, il sera principalement axé sur le Championnat de France avec quelques apparitions à l’étranger », conclut Kevin.
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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