Kévin Durot n’est pas à proprement parlé un expansif. Réservé de nature, le garçon affiche un calme olympien qui ne laisse en rien présager qu’il peut être un foudre de guerre une fois installé derrière le volant. Pourtant que l’on ne s’y trompe pas, il y a dans l’attitude de cet espoir de la graine de champion. Le jeune Picard dispose de toutes les qualités qui font la différence… Du talent à revendre, une certitude dans ses objectifs, une assurance teintée de nonchalance, qui pourrait presque passer pour de la prétention, mais qui n’est en fait que l’empreinte de celui pour qui le doute n’est pas permis, et sur qui la pression n’a pas de prise.
La Course de Côte, une passion familiale
Les plus anciens s’en souviennent… Au début des années 80, Bernard Nattier animait avec un certain talent les Courses de Côte du Nord de la France. Le garagiste de Deuillet, dans l’Aisne, a poursuivi sa carrière sportive jusqu’en 2006, évoluant toujours en Course de Côte, participant parfois à quelques slaloms.
Durant l’été 1992, Bernard Nattier aura l’immense joie de voir venir au monde un petit-fils baptisé Kévin. Un gamin qui, bien évidemment, n’allait pas tarder à suivre les prestations de son grand-père, et quelques années plus tard à marcher dans ses pas.
« Je n’ai aucun souvenir de ma première Course de Côte, cela vient du fait que la première fois que je me suis rendu sur une épreuve, je devais avoir trois semaines », lance Kévin dans un éclat de rire.
Par la suite, à l’âge de comprendre ce qu’était vraiment ces imposantes autos et ces assourdissants bruits de moteur, la passion allait naitre pour au fil des ans croitre dans l’esprit du jeune picard : « J’ai le sentiment que plus les années passent, plus je suis passionné » confie Kévin.
Spectateur, premier supporter de son grand-père, Kévin Durot n’allait pas tarder à vouloir lui aussi s’exprimer derrière le volant. A tout juste 7 ans, c’est en karting qu’il faisait ses premières armes : « J’ai commencé par participer à des épreuves en régional sur le Championnat Nord-Picardie. Après une première année d’apprentissage, j’ai pu signer quelques bons résultats », se souvient-il. Des résultats qui lui ont permis pendant cinq ans de terminer systématiquement deuxième du championnat. « Je loupais chaque fois la première place pour quelques points », avoue celui qui avait déjà sérieusement ancré en lui l’esprit de compétition.
En 2012, l’année de ses vingt ans, Kévin décidait d’abandonner le karting pour se tourner vers les circuits au volant d’une Formule Renault : « Ça me paraissait être la suite logique. L’intention première n’était pas de tenter une carrière en circuit, mais la discipline me permettait de faire du roulage et de parfaire ma connaissance de la voiture », explique-t-il. Une unique saison qui se soldera par une quatrième place sur la Coupe de France des circuits, un résultat plus qu’honorable pour une première année.
Fin 2012, Kévin revient vers ses premières amours, histoire de se jauger sur une course de côte : « J’ai participé à la Course de Côte des Andelys pour voir où je me situais. Ça s’est plutôt pas mal passé », estime Kévin qui termine troisième des Formule Renault derrière Anthony Loeuilleux et Julien Potet.
La décision est prise, pour 2013 fini le circuit, c’est sur la course de côte que le jeune Picard ira exprimer son talent : « D’une part j’ai une affection particulière pour cette discipline, d’autre part, la Formule Renault permet de disposer d’une voiture fiable, pas très chère en entretien. » Kévin allait alors sillonner le nord de la France, disputant les épreuves de sa Picardie natale, allant défier, plus à l’Ouest, les pilotes normands. Les résultats ne se faisaient pas attendre, l’ensemble de ses participations se soldait par des victoires de classe.
Si Kévin commençait à se faire un nom sur les épreuves du nord, son grand-père n’avait pas l’intention pour autant de lui passer le flambeau. Bernard Nattier décidait en effet, pour 2014, d’acquérir une Norma avec la ferme intention de rouler en circuit : « Il voulait une auto dans laquelle il pouvait avoir de la place », se moque Kévin avec énormément d’affection pour son aïeul. « J’ai testé cette voiture en circuit, et je lui ai demandé de me la prêter pour disputer quelques courses de côte, ce qu’il a fait bien évidemment avec plaisir. »
Victoire sur la Finale de la Coupe de France
Kévin Durot s’engageait alors sur plusieurs épreuves de la Coupe de France au volant de cette Norma M20F, avec la ferme intention d’accrocher son ticket pour la Finale. Presque une formalité pour le jeune picard qui, en s’imposant sur la totalité des épreuves – excepté une – décrochait aisément sa qualification.
A Limonest, lors de la finale, face à un plateau particulièrement relevé, les chances de Kévin Durot paraissaient bien maigres. Parmi les spécialistes de la discipline, peu auraient parié sur la victoire du pilote de l’Aisne. « Je n’étais pas donné favori, loin s’en faut, mais dans mon esprit j’allais là-bas pour gagner », confie celui pour qui le doute n’est pas permis. « Mais j’avoue qu’au matin de la finale, lorsque j’ai vu le plateau, je me suis dit qu’accrocher un podium serait déjà un bon résultat. » Malgré une rude concurrence, Kévin parviendra à monter sur le podium, se permettant même de se jucher sur la plus haute marche.
On ne peut pas laisser passer un tel talent. La victoire de Kévin Durot allait inciter le promoteur du Championnat de France de la Montagne à lui offrir un ticket pour venir disputer le Challenge Open CN/2. De son côté, Kévin prenait conscience qu’il n’avait plus grand-chose à prouver en régional, et que la suite logique de sa carrière était de rejoindre l’élite des Montagnards nationaux.
A la découverte du Championnat
Excepté Hébécrevon, et le Mont-Dore qu’il a eu l’occasion de disputer l’an dernier, Kévin Durot allait découvrir cette saison l’ensemble des épreuves du Championnat. L’objectif premier du jeune picard était donc de se familiariser avec les tracés. On allait rapidement s’apercevoir que Kévin assimilait très rapidement les parcours.
C’est à Abreschviller qu’il débutait sa saison en plaçant sa Norma à la septième place, et en signant d’entrée de jeu une large victoire en CN/2 : « C’était pour moi une remise en route, ma première épreuve de l’année. Il fallait que je retrouve mes marques, ce qui n’est pas forcément simple », commente-t-il. « Dans l’ensemble, ça s’est pas trop mal passé, même si je n’ai pas réussi à atteindre l’objectif que je m’étais fixé, qui était d’aller chercher Billy Ritchen. Il ne manquait pas grand-chose, mais il était devant. »
Le résultat prometteur d’Abreschviller demandait confirmation à Hébécrevon. Sûr de son fait, Kévin allait largement confirmer avec une performance de tout premier ordre. Quatrième au général, il plaçait sa Norma 2 Litres derrière les deux Norma CN+ de Nicolas Schatz et Cyrille Frantz, et la F3000 Reynard 95D de Geoffrey Schatz. Bien évidemment, il survolait à nouveau le CN/2. Un résultat qui aurait fait le bonheur de plus d’un pilote, mais ce n’est pas tant sa position au classement qui semble le satisfaire : « J’étais content parce que j’ai amélioré mes chronos de l’an dernier » lâche-t-il. « C’est sûr que c’est toujours plaisant de terminer aux portes du podium, mais l’écart avec ceux qui me précédaient était large », analyse Kévin à qui l’on doit rappeler qu’il n’évolue pas avec le même matériel.
Une cinquième place à La Pommeraye viendra confirmer le talent du jeune Durot qui se retrouvait à nouveau en tête des CN/2 : « Je suis surtout content parce que je devance les F3. Je termine devant David (Guillaumard), et ça c’est vraiment satisfaisant. »
L’épreuve de Saint-Gouëno allait malheureusement mettre un coup d’arrêt à la magnifique progression de Kévin : « Je casse le moteur dès la deuxième montée d’essais, ce qui m’oblige à abandonner », rappelle-t-il. « Cette casse me contraindra à déclarer forfait pour Vuillafans, ce qui m’empêche de marquer des points sur deux épreuves. Et puis financièrement, ça plombe un peu la saison. »
Il faudra attendre le Mont-Dore pour retrouver la Norma et un Kévin Durot qui laisse voir une volonté farouche d’en découdre. Mais sur la manche auvergnate, le jeune picard sera confronté à un Yannick Latreille qui, à domicile, n’avait absolument pas l’intention de se laisser devancer, et mettra tout en œuvre pour s’imposer : « Au départ je n’avais pas prévu de monter des pneus neufs. Mais dimanche, sur la deuxième montée, j’ai décidé de prendre des gommes neuves pour tenter d’aller chercher Yannick. Mais sur celle-là, il était intouchable, c’est à se demander par où il est passé », lâche Kévin dans un éclat de rire.
En dehors du Championnat, début mai, Kévin Durot a pris part à la Course de Côte Régionale D'Hersin-Coupigny où il impose sa Norma au scratch : « Je me devais d’être présent ne serait-ce que pour remercier les organisateurs qui ont vraiment bossé pour faire renaitre cette épreuve. Et bien évidemment je suis content de m’y être imposé. »
Kévin a également eu l’occasion de faire une escapade hors de nos frontières, en participant, début août, à la Course de Côte d’Osnabrück en Allemagne. Et là encore, le Picard n’allait pas manquer de s’illustrer. Malgré une forte opposition composée notamment de F3000, il parvenait à placer sa Norma à moteur 2 litres à la septième place.
On l’a vu, même si cette saison 2015 a été perturbée par une casse moteur, à l’heure de faire un premier bilan, on peut considérer qu’il est largement positif : « Oui, pour le moment ce n’est pas trop mal », estime Kévin. « Cela n’a rien d’exceptionnel, mais c’est plutôt bien. Je m’estimerais totalement satisfait si j’avais toujours pu être en tête des 2 litres, F3 et CN/2 confondues », ajoute le jeune espoir, toujours en quête de perfection.
Une Norma 4 litres pour 2016 ?
Bien évidemment, Kévin Durot ne compte pas en rester là. La suite logique de sa carrière c’est le passage à l’échelon supérieur, et donc de pouvoir disposer l’an prochain d’une Norma CN+ : « Tout est question de budget. Il faut que je parvienne à réunir les fonds nécessaires pour acquérir un Proto CN+ et disposer d’un financement pour la saison à venir », confie Kévin, actuellement à la recherche de partenaires. « Si le projet abouti, l’objectif premier pour 2016 sera d’apprendre la voiture, et d’aller chercher les podiums sur chacune des courses. »
Si Kévin Durot ne cache pas que, à terme, son but et de coiffer une couronne de Champion de France de la Montagne, il se verrait bien par la suite, défier les pilotes étrangers sur les manches du Championnat d’Europe : « La seule certitude, c’est que je resterai en course de côte. C’est une discipline à part, où règne une ambiance conviviale, faite de respect et d’entre-aide, ce qui n’est pas le cas partout. Je viens de la Montagne, je m’y épanouis pleinement et je tiens à y rester. »
S’il ne manque pas de talent, Kévin Durot fait également preuve d’une volonté farouche pour mener à bien ses projets. Rien ne semble pouvoir stopper sa progression, si ce n’est bien évidemment les budgets. A l’issue de Turckheim, dernière manche de la saison, il mettra sa Norma M20F en vente et tentera de réunir les fonds pour, l’an prochain, venir défier les ténors du championnat.
Pour cela il lui faut trouver des partenaires, et si aujourd’hui il sait pouvoir compter sur les Ambulances Dagnicourt à Chauny, il va devoir trouver d’autres sources de financements : « C’est une priorité et je tiens à remercier les Ambulances Dagnicourt pour le soutien qu’ils m’apportent. Et puis s’il y a des personnes que je dois remercier en priorité, c’est bien évidemment mes grands-parents. Mon grand-père m’accompagne sur toutes les courses, et s’il n’était pas là, je ne ferai pas tout ça. »