Il n’est jamais évident lorsque l’on est fils et frère de champions, de venir jouer dans la cour de ses ainés. Participation vaut presque obligation de réussite, et c’est sous le regards permanents d’observateurs attentifs que vous devez exprimer votre talent naissant. Mais Kevin Petit a fait fi de la pression immanente à son statut de cadet, pour réaliser des prouesses tout au long de la saison et accrocher la deuxième place du Challenge Open Formule Renault.
Il est toujours intéressant de connaitre les raisons qui sont à l’origine de l’attrait que peut éprouver un jeune sportif pour la compétition automobile. Patrimoine familial, partage avec des amis, admiration pour une star du volant… Les origines d’une passion peuvent être multiples. En ce qui concerne Kevin Petit, la question ne se pose pas. Comme Obélix est tombé dans la marmite de potion magique, Kevin est tombé dans l’univers des Montagnards dès sa plus tendre enfance. A sa naissance, en 1996, son père Gérard comptait parmi les ténors de la discipline, et son frère Sébastien était à l’aube d’une carrière qui s’annonçait plus que prometteuse.
Des souvenirs d’enfance, Kevin garde en tête ces week-ends passés dans les paddocks à suivre de près les prestations d’un père et d’un frère à qui il vouait, bien évidemment, une réelle admiration : « Les paddocks étaient mon terrain de jeu favori », se souvient Kevin. « Je me couchais dans les pneus, je grimpais dans les voitures, pour un gamin c’est un environnement incroyable. »
Mais très vite, le jeune Isérois allait passer du rôle de spectateur privilégié à celui d’acteur : « Dès l’âge de 13 ans j’ai commencé à m’investir en devenant mécanicien de Christian (Schmitter), mais bien évidemment, mon rêve était déjà de prendre le volant. » Deux ans plus tard, Kevin faisait ses premières armes au volant d’un kart, en loisir, le mercredi après-midi. Une expérience enrichissante mais assez courte, son emploi du temps ne lui permettant pas d’assouvir pleinement cette passion. Sportif dans l’âme, Kevin pratiquait en effet de multiples disciplines : « J’ai joué au foot, j’ai fait du vélo, du hand-ball, du basket, et depuis cinq ans je fais du volley, ce qui a pour effet de me détendre. J’ai toujours eu besoin de pratiquer une activité physique, que ce soit en compétition ou en loisir », reconnait-il.
La côte, un choix naturel…
Enfant de la Montagne, Kevin ne pouvait choisir une autre discipline que la Course de Côte, à l’heure de faire ses premiers pas en compétition : « J’ai fait des tests en circuit, mais je n’ai apprécié que très modérément l’environnement. J’aurais pu me tourner vers le rallye, mais financièrement on n’est pas sur les mêmes budgets, il était donc logique dans mon esprit que je débute en Course de Côte, dans le cockpit d’un Proto ou d’une monoplace. Et puis il y a le côté adrénaline et le fait de côtoyer des voitures d’exception. »
Ce sera finalement au volant d’une Formule Renault, qu’en 2015, Kevin Petit fera sa première apparition en course, à Dunières, au sein du Team Krafft : « Je disposais alors de la voiture avec laquelle évoluait habituellement Antoine Betzel. C’était une première expérience, que je voulais aborder avec l’envie d’apprendre, en essayant de ne pas me mettre de pression, même si tu sais qu’en t’appelant Petit, on t’attend au tournant. J’évoluais au volant de la monoplace avec laquelle Antoine avait terminé en tête de la catégorie, on savait donc que l’auto était compétitive, ce qui augmentait la pression. Mais au sein de mon équipe, on m’a expliqué que je n’étais pas là pour faire une perf d’entrée de jeu, mais avant tout pour apprendre. Finalement, j’ai abordé la course avec juste l’envie de me faire plaisir, et ça s’est très bien passé, sur un tracé pourtant difficile à appréhender. »
Par la suite, Kevin se rendait à Osnabrück où il allait rapidement se mettre en valeur : « Nous étions quatre dans la classe et j’ai mené les débats durant tout le week-end, avant de me faire passer devant à l’issue de la dernière montée, face à un concurrent qui disposait d’une Tatuus version Europe, plus performante que la mienne. Je ne pouvais être que satisfait de ma performance. » Pour boucler sa saison, Kevin s’engageait à Chamrousse où, là encore, pour une première participation il allait signer de très bons chronos.
C’est au volant de sa propre Formule Renault que Kevin Petit allait prendre part à cinq épreuves durant la saison 2016. On le retrouvait à Abreschviller, à Marchampt en Beaujolais, à Dunières, à Chamrousse et pour conclure sur la Course de Côte du Circuit de Bresse : « Mes débuts m’ont un peu déçu. A Abreschviller j’étais peut-être un peu trop en confiance et je suis parti à la faute. Je n’ai rien cassé, mais ça a eu pour effet de calmer mes ardeurs. Le tracé de Marchampt n’est certainement pas le plus facile pour retrouver la confiance, et j’ai dû attendre Dunières, une épreuve que j’avais déjà courue l’année précédente, pour être vraiment à mon aise », explique Kevin qui terminait en Auvergne, deuxième des Formule Renault à six centièmes de Didier Chaumont. Sa performance sur l’épreuve auvergnate démontrait que le jeune isérois avait les compétences requises et le talent nécessaire pour s’investir plus encore. C’est ce qui l’incitait à s’engager en 2017 sur sept manches du Championnat de France de la Montagne.
A la découverte du Championnat
Pour ce qui est de sa monture, Kevin Petit avoue avoir hésité entre plusieurs options, toujours en Série Sport. Mais pour un pilote en début de carrière, c’est finalement la Formule Renault qui représentait le meilleur compromis budget / performance : « C’est l’auto idéale pour apprendre. Elle pardonne pas mal d’erreurs et permet de découvrir sans vraiment se faire peur », analyse Kevin.
Si le talent des pilotes peuvent être inscrits dans leurs gènes, l’esprit de compétition peut être tout aussi génétique. Et si Kevin laisse entendre qu’il abordait la saison sans objectif particulier, il savait qu’une fois derrière le volant, l’envie de gagner serait certainement la plus forte : « Je voulais avant tout découvrir. Mais il est clair que je souhaitais ardemment remporter une première victoire de classe, ce que je n’avais pas eu l’occasion de faire jusque-là. Disons que j’avais des envies mais pas de prétentions. »
Pour Kevin, hors de question de louper la première épreuve de la saison à Bagnols-Sabran : « Je tenais à être là pour rendre hommage à Steve (Cabelo). C’était ma manière d’honorer sa mémoire, et j’y attachais une importance particulière. J’apprécie également les organisateurs de cette épreuve, des raisons pour lesquelles j’avais à cœur de réussir sur cette première épreuve. » Chaussé de pneus retaillés, Kevin rencontrait quelques soucis à l’heure d’aborder les essais. Mais malgré ce handicap, il restait proche d’Etienne Pernot, puisque samedi soir il pointait à seulement un dixième du leader des Formule Renault : « Dimanche, la pluie était à nouveau de la partie, et là je me suis dit que ce n’était plus jouable pour moi. Mais Maxime Cotleur m’a fait savoir qu’il avait des pneus pluie à disposition, et qu’il me les prêtait avec plaisir. Par la suite, le soleil a fait son apparition est finalement nous avons pu rouler sur le sec, mais je tenais à remercier ’’Max’’ pour le geste qui m’aurait permis, si la pluie avait continué, de pouvoir me battre. »
Sur le sec, Kevin poursuivait son combat face à Etienne Pernot, mais tombait en panne d’essence sur la deuxième montée : « Une erreur stupide, et je m’en suis beaucoup voulu, d’autant qu’au départ de la dernière montée je pointais bon dernier et que je n’avais donc pas le droit à l’erreur. Sur la dernière montée, j’avais pour objectif avant tout de terminer premier des pilotes engagés sur le Challenge. Au final, je termine deuxième, premier du challenge, ce qui ne peut que me réjouir. »
Dès la Course de Côte d’Abreschviller, son deuxième rendez-vous de la saison, Kevin Petit allait atteindre l’un de ses objectifs, remporter une première victoire de classe sur le Championnat : « Durant tout le week-end je me suis battu avec Jacques Chrétien que je savais être un pilote rapide. Je suis parvenu à conserver la tête et j’ai signé un bon chrono, pas loin du record qui avait été établi l’an dernier par Sarah (Louvet). C’était pour moi un bon week-end, que j’ai vraiment apprécié, en savourant pleinement ce premier succès. »
Kevin n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, dès l’épreuve suivante, disputée pour lui à Marchampt en Beaujolais, il signait un nouveau succès en terminant l’épreuve en tête des Formule Renault : « C’est une course que j’apprécie énormément et un de mes plus beaux souvenirs. J’ai roulé progressivement tout le week-end et j’avais prévu de mettre des pneus neufs le dimanche. Mais sur la deuxième montée, il faisait très chaud et il apparaissait qu’il serait difficile d’améliorer. J’ai donc décidé de remettre mes pneus d’essais. Et de manière totalement inattendue, j’améliore mon chrono et me je me retrouve à trois dixièmes du record des Formule Renault. J’étais super content et je me suis dit que les températures redescendant, on devrait logiquement améliorer sur la dernière montée, et j’ai donc opté pour mes pneus neufs. Mais finalement je n’améliore pas mon chrono, et je pense avec le recul qu’il y avait un problème sur ses gommes. »
A Vuillafans, Kevin Petit se voyait proposer une lutte acharnée entre cinq pilotes qui, au final, seront séparés par moins d’une seconde. Malheureusement c’est en queue de peloton que l’on retrouvait le jeune isérois : « Ce fut d’une rare intensité… Je n’avais jamais disputé Vuillafans, contrairement à mes adversaires, et j’ai trouvé le tracé difficile. De ce fait, je n’étais pas vraiment en confiance et j’ai eu du mal à me lâcher. Au final, je termine le dernier des cinq, mais je veux avant tout retenir que l’écart est infime, et que sur une course où tout s’est joué sur une seule montée, je ne peux être que satisfait du résultat. C’était un beau combat, un super week-end. »
Le sociétaire du Team Petit CroisiEurope allait retrouver la première marche du podium de la Formule Renault à Dunières, où il se classait à la vingt-deuxième place du classement scratch : « J’apprécie énormément cette épreuve qui pourtant se présentait mal. Mon frère a eu un souci samedi, et l’esprit d’équipe veut que l’on concentre nos efforts sur celui qui est dans la difficulté. De ce fait, nous avons bossé sur sa voiture et je n’ai pas eu le temps de visionner mes caméras et de préparer ma course comme je l’aurais voulu », explique Kevin. « A cause des orages, la deuxième montée d’essais avait été reportée au dimanche matin, et sur cette montée, Alex (Alexandre Bole) me repasse devant. Je savais alors qu’il allait être un redoutable adversaire. Mais au final je suis parvenu à être plus rapide que l’an dernier et à m’imposer. Malheureusement Alex a été victime d’une sortie de route qui a mis un terme à sa saison, et je m’en suis voulu, en pensant que c’est parce que nous étions dans un combat acharné qu’il était sorti. Ça m’a gâché un peu le plaisir de gagner ! »
A Chamrousse, le jeune isérois disputait sa course à domicile. Un rendez-vous important pour Kevin qui apprécie particulièrement le tracé de cette manche du Championnat : « Mais ça ne s’est pas passé comme prévu. J’avoue que je suis énormément déçu, car j’avais beaucoup d’espoir compte tenu de la performance que j’avais réalisée l’an dernier, où je termine deuxième juste derrière Didier (Chaumont). Je voulais vraiment remporter cette épreuve. Mais dès les essais, je m’aperçois que je ne suis pas dans mes temps de l’an dernier, et je ne comprends pas pourquoi. J’ai alors le sentiment que la voiture ne donne pas sa pleine puissance en sortie d’épingle, et en comparant par rapport aux caméras de la précédente édition, on fait le constat que je suis systématiquement sur un rapport de boîte inférieur en bout de ligne droite. Il était clair que j’avais un problème sur la voiture. »
La solidarité parmi les Montagnards viendra une nouvelle fois en aide à Kevin. Plusieurs pilotes, dont certains de ses adversaires directs, tenteront de lui fournir des pièces pour qu’il puisse résoudre son problème : « Je tiens d’ailleurs à tous les remercier, même si je ne peux pas les citer nommément », précise Kevin. « On a travaillé sur la voiture, changé le capteur atmosphérique, mais ça ne venait pas de là. On a changé la sonde, mais ça n’a rien apporté de plus. Nous ne sommes pas parvenus à trouver l’origine du problème. » Deuxième des Formule Renault B derrière Etienne Pernot, Kevin ne cache pas sa déception de ne pas être parvenu à accrocher la victoire à domicile : « D’autant plus déçu que de nombreux spectateurs, et notamment Julien (Français) m’ont dit qu’aux vues de mes passages j’avais tout donné, que j’avais sorti la grosse attaque. C’est d’ailleurs ce que je ressentais, en tentant de gagner dans les courbes ce que je perdais dans les lignes droites. »
Sa déception sera vite éclipsée par le titre obtenu par Sébastien, son ainé : « Mon frère court après ce titre de Champion de France depuis de nombreuses années, et l’emporter en allant chercher la victoire était quelque chose de particulièrement fort. Emotionnellement, cette édition de Chamrousse a été très marquante tant pour moi que pour les membres de l’équipe. »
Après analyse de sa Formule Renault, Kevin constatait que c’est du côté de l’électrovanne qu’il y avait un problème. Réparation était faite pour Limonest, où le jeune pilote affrontait un tracé qu’il n’appréciait que très modérément : « C’était compliqué… Je n’étais pas dedans et j’avais du mal à me concentrer. J’ai passé le week-end à me battre avec les pneus, avec la voiture. Finalement je ne sais pas si je n’ai pas un peu sur-conduit. Au final, Marc Pernot me devance de plus de quatre secondes, et moralement ce fut difficile à accepter. » Fort heureusement, Kevin terminait sa saison en participant à la Course de Côte du Circuit de Bresse, où au volant de la Norma 2 litres du Team Petit CroisiEurope, il accrochait la douzième place au scratch, quatrième des CN/2 : « Ça m’a redonné un coup de boost au moral, et j’en avais besoin car après Chamrousse et Limonest, j’étais un peu dépité. »
De grands moments et un bilan très satisfaisant
La Course de Côte du Circuit de Bresse ne sera pas la seule épreuve française hors-championnat sur laquelle Kevin s’est illustré cette saison. Il sera également au départ de la Course de Côte de La Broque, inscrite au calendrier de la 2ème division, et sur laquelle il plaçait sa Formule Renault au 11ème rang, et sortait vainqueur de la confrontation entre Formule Renault : « Ça restera pour moi le plus beau souvenir de la saison. Je découvrais cette épreuve, et j’ai commencé le week-end en pointant, à l’issue des essais, à deux secondes de Jacques Chrétien. Dimanche matin je suis parvenu à réduire l’écart, mais la pluie sur la deuxième montée ne m’a pas permis d’améliorer. J’ai donc tout donné sur l’ultime confrontation et je signe le meilleur chrono. Nous étions six engagés en Formule Renault, et m’imposer au terme d’une lutte acharnée reste pour moi quelque chose de particulier, ce fut un moment très fort. ».
A l’issue de cette saison 2017, Kevin Petit termine deuxième du Challenge Open Formule Renault B, de quoi satisfaire pleinement le jeune isérois : « Je suis content de ma saison, je ne veux garder que les bons souvenirs, les victoires, les durs combats. Je garde également à l’esprit le titre de mon frère, celui de Julien (Français) dans l’Open CN/2, les places de Christian et Philippe (Schmitter) sur le podium du Championnat Production, et puis bien évidemment tous les bons moments que nous avons partagés au sein de l’équipe. Je veux retenir que je me suis imposé dans le cadre du Challenge sur toutes mes courses et j’ai marqué le maximum de points qu’il était possible d’engranger. Au jeu des décomptes dus au nombre d’engagés par épreuve, je n’ai pas pu terminer en tête. C’est comme ça, la deuxième place est loin d’être une mauvaise position. »
Montagnard de naissance, Kevin a fait siennes les valeurs de la discipline. Convivialité et partage sont les maitres-mots pour ce jeune espoir qui savoure avec une franche sincérité les titres remportés par les pilotes qui évoluent au sein de son équipe. A l’heure des remerciements, il ne veut oublier personne et avoir une pensée pour tous ceux qui l’entourent : « Avant tout je veux remercier toute ma famille, et notamment Gillou (Gilles Simon) car je considère qu’il fait partie intégrante de la famille. Il a toujours été là, et cette année il m’a beaucoup aidé en bossant sur la voiture et en me donnant de précieux conseils. Il a un rôle différent de mon frère, mais c’est un rôle complémentaire. Merci évidemment à mon père, à ma mère qui me suivait sur les courses, ma sœur qui est venue souvent, mon neveu Axel qui était mon mécano, tous les mécanos du team, Julien qui n’a jamais été avare de conseils. Un grand merci à mes partenaires, A.E.S Auto-Ecole à Grenoble Servenoble, à D.E.A, à CroisiEurope, à Jack Racing Miniatures, à D.D. Concept, à Air Froid et au Garage Renault à Callon et le Garage Renault à Bourgoin. »
La Formule Renault de Kevin Petit est à la vente. De cette vente dépendra la suite qu’il donnera à sa carrière sportive : « J’ai des idées, des projets, mais tout dépendra des budgets… La seule chose dont je suis sûr aujourd’hui, c’est que je ferai tout pour courir en Course de Côte la saison prochaine. »
Propos recueillis par Bruno Valette