×

Message d'erreur

Notice: unserialize(): Error at offset 52 of 55 bytes in variable_initialize() (line 1202 of /home/inst-cfm-challenge/www/includes/bootstrap.inc).

Le dernier écho de la Montagne

Depuis le début de cette saison 2015, avant chaque épreuve du Championnat de France de la Montagne, Bernard Desray nous faisait partager les nombreuses anecdotes qui, durant près de 50 ans, ont émaillé sa carrière de speaker.

Bernard nous a quitté la semaine dernière, laissant un vide énorme parmi les Montagnards auprès desquels il était unanimement apprécié. L’an dernier, quelques jours avant la Course de Côte de Chamrousse, nous avions eu l’occasion de faire un portrait du speaker officiel du Championnat.

Pour ceux d’entre vous qui n’avaient pas eu l’occasion de lire ces lignes, cfm-challenge vous propose, en guise d’hommage, de retrouver cet interview de l’ami Bernard Desray.

Vox populi, vox Desray
Bernard Desray, 50 ans de passion partagée

Spectateurs de Courses de Côte, il serait surprenant que vous n’ayez jamais eu l’occasion de croiser Bernard Desray, seule certitude, vous avez obligatoirement entendu sa voix. Passionné de sport automobile depuis sa plus tendre enfance, Bernard anime les courses depuis près de 50 ans. S’il a une connaissance encyclopédique de la discipline, ce n’est pas là sa seule passion. En reflète ses cartes postales que vous pouvez retrouver sur nos pages avant chaque épreuve, Bernard à l’amour des terroirs qui font la richesse de notre beau pays.

Epicurien, amoureux des belles choses, Bernard Desray est apprécié de tous. S’il a le sens du partage, que ce soit autour d’une table ou pour vous livrer les innombrables anecdotes qui ont émaillé sa carrière, il a également un don particulier pour vous communiquer sa ferveur pour les courses de côte.

Chez Bernard la passion est née avant même qu’il n’ait eu l’occasion de voir rouler des voitures de course : « Tout petit, je découpais des photos de voitures dans Science et Vie, pour les coller sur un cahier », se souvient-il. « Mais je devais avoir huit ans lorsque j’ai eu mon premier contact avec le sport automobile. Il y avait à l’époque un contrôle de passage du Rallye Lyon-Charbonnières, chez moi, à Autun ; et mon père m’avait exceptionnellement accordé de ’’sécher’’ l’école pour aller voir les voitures. »

Pour Bernard ce fut un choc, lorsqu’il découvrait les Alfa Giulietta, les Jaguar XK 120, les Panhard, les Alpine A106, et celle que l’on considérait comme la star de l’époque, la Porsche 356 Spyder que pilotait Claude Storez : « Par la suite, j’ai suivi les nuits du Monte-Carlo animées par Bernard Spindler, et bien évidemment j’ai eu envi de courir, ce qui ne plaisait pas du tout à mon père. Mais une fois le permis en poche, je n’hésitais pas à lui ’’piquer’’ sa bagnole pour aller rouler sur les spéciales du Rallye de Bourgogne. » S’il n’a jamais eu l’opportunité de courir, Bernard n’affiche aucun regret, sa passion il l’a pleinement assouvi derrière le micro.

Une première improvisée
 « S’il était hostile à me voir derrière le volant, mon père a tout de même eu la bonne idée de me ’’coller’’ dans l’organisation de la Course de Côte d’Autun. A l’époque le championnat n’existait pas, mais l’épreuve jouissait d’une énorme renommée. » En cette année 1964, passionné de cirque et d’animation, Jean Desray, le père de Bernard, se voyait alors confier le micro pour animer cette épreuve : « J’étais derrière lui, et je lui soufflais tout ce que je savais sur les voitures. Le samedi à midi, il m’a dit : ’’Ecoute mon grand, je ne vais pas répéter tout ce que tu dis, tu vas prendre le micro et tu te débrouilles’’. Il a alors laissé le micro, et il est parti me laissant là. J’étais bien évidemment pétrifié, mais je lui dois un grand merci. »

Cette première expérience en appelait d’autres, Bernard enchaînait les épreuves, se découvrant un réel talent de speaker. Au fil des épreuves, la réputation du jeune commentateur va dépasser les frontières régionales, et les organisateurs vont faire appel à lui pour animer leurs courses. Années après années, la confiance instaurée avec les organisateurs ne s’altérera pas : « Dernièrement, lors d’une discussion avec Gérard Légiot, nous avons calculé que sur les 49 éditions, depuis qu’ils ont repris la Course de Côte de Vuillafans, je n’en ai loupé qu’une », confie Bernard

Bernard Desray n’a jamais demandé à venir sur une course, c’est toujours les organisateurs qui ont fait appel à lui. En 50 ans de carrière, il a eu le privilège d’interviewer tous les champions de France depuis Pierre Maublanc qui, au volant de son Abarth 2000, décrochait le premier titre en 1967 : « Pour ce qui est de mon implication, j’ai vraiment intégré le championnat il y a une trentaine d’années, et depuis 25 ans j’anime également l’épreuve des Rangiers en Suisse », confie celui que l’on considère aujourd’hui comme un monument de la discipline.

Le goût de l’animation allait pousser Bernard à officier également sur des rallyes, des circuits, des salons : « Mais si j’ai par la suite concentré mon activité sur la Course de Côte, c’est parce qu’elle m’offre ce que j’apprécie par-dessus tout, le partage et la convivialité. Ça reste une discipline à taille humaine. Et puis pour moi c’est toujours touchant d’avoir suivi le parcours d’un pilote, et de suivre à présent son fils, voire son petit-fils. »

Cinquante ans de bonheurs partagés
Bernard ne manque d’ailleurs pas de garder le contact avec les anciens, les Michel Pignard, Anne Baverey, Bernard Chamberod : « Ce sont des relations qui se raccrochent à des moments d’émotions et bon nombre d’anecdotes. Je me souviens par exemple que, lors de la première victoire de Daniel Boccard, chez lui, sur la Course de Côte de Boyeux - Saint Jérôme, avec son épouse nous étions en larmes. »

« Je garde aussi d’excellents souvenirs de Christian Debias, que beaucoup de mes collègues rechignaient à interviewer, parce qu’il pouvait avoir un humour décapant. Pour ma part j’adorais l’avoir au micro. Je me souviens également de Marcel Tarrès qui savait faire preuve d’un vrai professionnalisme dans sa manière de gérer les interviews »,  se remémore Bernard qui n’oublie pas non plus les moments forts, passés aux côtés de pilotes de renom, dans l’habitacle de leur voiture de course :  « A Vuillafans, j’ai eu l’occasion de monter au côté de Guy Fréquelin. Nous n’étions pas attachés, pas casqués, et mon siège baquet mal fixé basculait dans les virages. A l’arrivée j’ai fait une interview, et à l’issue de cet entretien, il m’a confié qu’il aimerait bien refaire le parcours en descente, sur la neige, avec des notes. Je lui ai répondu que ce serait sans moi »,  lâche-t-il dans un éclat de rire.

Bernard Desray a eu également l’occasion de ’’se faire bouger’’ dans la BMW M3 de Bernard Béguin, ou au côté d’un pilote aussi spectaculaire que Jean Ragnotti : « Ça reste pour moi des moments privilégiés, témoignage d’une époque révolue. Aujourd’hui, il serait impossible de faire ce genre de prouesses sur un week-end de course. »

Des plaies encore à vif
En 50 ans, Bernard a bien évidemment connu de grands bonheurs, mais également des drames, dont les plaies sont encore à vif : « J’ai encore en mémoire la Course de Côte de Sewen et la disparition de Maurice Sutter. J’avais discuté avec lui sur la ligne de départ, et je me souviens lui avoir dit, alors qu’il avait quatre dixièmes à reprendre à son prédécesseur, ’’ne va pas faire le con, c’est une course dangereuse’’. Quelques secondes après il trouvait la mort au volant de sa Martini », se souvient Bernard.  « Dans ces moments là, il y a non seulement le choc, mais également l’impossibilité de trouver les mots face à ses mécaniciens, son entourage, qui te scrutent du regard. »

Il y a quatre ans, la Montagne perdait un des pilotes les plus charismatiques de son temps, Lionel Régal. Au-delà du drame, la disparition du Champion de France fut vécue comme un véritable coup de massue par l’ensemble du milieu de la Course de Côte : « C’était au Rangiers, et le directeur de course, Roland Piquerez m’a appelé en me disant ‘’voilà mon communiqué. ’A la suite de l’accident du N°1, le pilote étant décédé, la course est arrêtée’. C’est extrêmement laconique, je te laisse le lire et trouver les mots qu’il faut’’. C’était pour moi une horreur totale. Quand tu vois tous les spectateurs qui se lèvent, qui ne disent pas un mot et qui partent en baissant la tête… J’étais anéanti », confie Bernard avec des trémolos dans la voix.  « J’étais presque prêt à arrêter », lâche-t-il dans un souffle.

La Côte, une aventure humaine
Bonheur supplémentaire pour Bernard Desray, sa fonction de speaker lui permet de faire le tour de la France : « Ce qui me plait sur le championnat de France de la Montagne c’est qu’il permet de découvrir notre pays, sa diversité, ses régions, de faire de belles rencontres. Nous recevons toujours un accueil enthousiaste de la part de ceux qui organisent les courses. »

Cinquante années passées sur les Courses de Côte permettent à Bernard Desray de tout connaitre de la discipline. Le commentateur a vécu les diverses évolutions et les nombreux bouleversements qui ont jalonné ses années d’activité : « Le plus surprenant pour moi c’est l’évolution des structures que l’on trouve dans les paddocks. A l’époque, les pilotes se rendaient sur les courses de côte avec une simple remorque tractée par leur voiture de tous les jours. Aujourd’hui, on voit d’énormes structures qui envahissent les paddocks. Mais ce qui est rassurant, c’est que l’esprit reste le même, et que l’entraide entre pilotes est toujours de mise. »

Cet état d’esprit fait depuis de nombreuses années la force des Montagnards. Le respect sportif, qui semble être l’essence même de la discipline, est solidement ancré dans l’esprit des pilotes, confirme Bernard : « Je me souviens, à Vuillafans, il y a quelques années, Lionel (Régal) avait un problème avec une pièce sur sa voiture. Il se battait alors avec Bernard Chamberod, qui n’a pas hésité à lui prêter cette pièce, et grâce à cela Lionel s’est imposé. C’est un état d’esprit que tu ne trouves pas partout, et c’est ce côté humain qui me plait plus encore que la compétition »,  reconnait-il.  « Pour moi, la plus belle des récompenses, c’est lorsque le dernier concurrent passe la ligne d’arrivée et qu’il n’y a pas eu d’accident. Je pousse toujours à ce moment-là un ouf de soulagement. »

On l’aura compris, pour Bernard Desray, la Course de Côte est avant tout vécue comme une aventure humaine. C’est d’ailleurs avec un vrai respect des pilotes et des spectateurs qu’il prépare ses interventions. Pour lui, rien ne doit être laissé au hasard, et il a pour habitude de peaufiner soigneusement ses commentaires : « Avant chaque course, j’ai pour habitude de reconnaitre le parcours, pour voir s’il y a eu des changements par rapport à l’année dernière, de préparer mes fiches, car on ne peut pas avoir tout en tête », avoue Bernard qui aborde sa fonction quasiment comme un acteur. « Même si je peux faire confiance à ma mémoire, je tiens à ce que tout semble couler de source, et cela exige un travail de préparation. »

 « Même après cinquante ans de service, je ne cache pas que le matin, avant d’ouvrir le micro, il y a toujours un moment de trac. Même si j’ai bien préparé ma course, en tenant compte du fait que le samedi nous devons satisfaire un public de connaisseurs, souvent passionnés, alors que le dimanche l’ambiance parmi les spectateurs est plus familiale », ajoute Bernard.

Côté humain encore, quand Bernard évoque ses rapports avec ceux qui sont impliqués à tous les niveaux en Course de Côte : « Ce que j’apprécie aussi énormément c’est l’attitude des pilotes à mon égard. Je n’ai jamais eu de remarque désagréable, même si parfois on oublie des détails. Mais dans ces cas-là, les pilotes me le font toujours remarquer gentiment. J’apprécie également le climat de confiance instauré avec les officiels. Avec des gens comme Jean-Paul Coquelet ou Jean-Claude Hector nous arrivons à nous comprendre d’un simple regard », conclut Bernard Desray.


← Retourner à la liste d'articles