Connu et reconnu comme un pilote de talent sur les épreuves de sa Normandie natale, Anthony Gueudry avait pour cette saison 2018, décidé de se faire plaisir en venant découvrir le Championnat. Et si sa saison fut prématurément interrompue par une sortie de route, elle lui aura tout de même permis d’engranger de fabuleux souvenirs.
Tout ce qui de près ou de loin touche à la mécanique a toujours suscité un profond intérêt pour Daniel Gueudry, le père d’Anthony. Autos, motos, bateaux de course, Daniel Gueudry suivait avec passion les diverses disciplines où pilotage et vrombissements de moteur sont mis en exergue. Cette inclination pour la mécanique, Daniel la transmettait très tôt à Anthony, qui tout gamin observait avec enthousiasme le fonctionnement des divers engions motorisés qui évoluaient sur terre, sur bitume ou sur l’eau.
En vrai passionné, Daniel Gueudry assistera en spectateur à de nombreuses éditions des 24 Heures du Mans moto, après avoir pris le soin avec les copains de bricoler les ’’bécanes’’ qui leur permettaient de rejoindre ce temple des sports mécaniques : « Si mon père n’avait pas le budget pour courir, en revanche il achetait régulièrement tous les magazines consacrés à la compétition », se souvient Anthony.
C’est sur le tard que Daniel Gueudry prendra part à sa toute première compétition, une course de motonautisme. Mais un violent accident d’où il ressortait miraculeusement sans gros dommages, incitait le père d’Anthony à délaisser le casque pour coiffer à nouveau sa casquette de mécanicien lors des assistances : « Il bricolait alors les bateaux des copains et il était toujours prêt à aider ceux qui le lui demandaient. »
En 1991, Anthony avait tout juste 10 ans et consacrait ses loisirs au football. D’un retour d’un match, il découvrait, avec stupéfaction, garé devant chez lui, un plateau sur lequel était juchée une Simca 1000 : « Je me souviens qu’elle s’apparentait plus à un poulailler qu’à une voiture. Mais mon père, bricoleur dans l’âme, en avait fait l’acquisition avec la ferme intention de la transformer en auto de course. » Bien évidemment, Anthony n’allait pas manquer de lui donner un coup de main, dans la restauration de ce qui lui apparaissait alors dans ses yeux d’enfant comme un monstre mécanique : « J’ai rapidement abandonné le football pour passer mes mercredis dans le garage à assister mon père », confie Anthony.
En 1993, la Simca 1000 retrouvait de sa superbe, et Daniel Gueudry l’engageait sur la Course de Côte de Saint-Pierre-de-Varengeville qu’organise Thierry Dupont : « C’est une course particulière pour moi, d’abord parce que c’est là que mon père a débuté, et c’est également une de mes toutes premières courses. De ce fait, aujourd’hui je m’investis dans cette épreuve en aidant de mon mieux Thierry à l’organiser chaque année », rappelle Anthony.
Père et fils en double monte
En 2000, Anthony décidait de faire ses débuts en compétition, et pour cela, c’est en double monte que le père et le fils aligneront leur Simca Rallye II sur plusieurs épreuves : « Avec mes premiers salaires et quelques cadeaux de Noël je suis parvenu à avoir mon premier équipement de pilote de course. J’ai fait mes débuts sur la Course de Côte des Andelys, et durant deux ans, nous avons disputé un bon nombre d’épreuves en double monte. »
Mais la gestion de la double monte devenait complexe, et Daniel décidait de mettre un terme à sa carrière pour laisser Anthony exploiter seul la Rallye II familiale : « A cette époque, j’ai eu la chance de rencontrer la famille Français, et c’est Frédéric qui m’a prodigué énormément de conseils qui m’ont permis d’évoluer. Grâce à son aide, et malgré mon petit budget, j’ai commencé à signer de bons résultats sur les épreuves régionales, en remportant des victoires de groupe et de classe en FC. »
L’envie d’évoluer incitait Anthony Gueudry à vendre sa Rallye II en 2007 pour faire l’acquisition d’une monoplace : « Depuis tout gamin, je regardais des vidéos du Championnat de France de la Montagne, et j’étais marqué par Lionel Régal que j’ai rencontré lors de ma première participation à Hébécrevon. Il était passionné de moto, et cette passion commune a fait que nous sommes restés en contact et que nous communiquions assez fréquemment. Il me parlait de Formule 3000, et c’est lui qui m’a incité à passer à la monoplace. Je garderai à jamais le souvenir du cadeau qu’il m’a fait en m’offrant tout son équipement – combinaison, chaussures – de son premier titre de Champion de France. De là est née une belle amitié. »
Ses débuts en monoplace se feront au volant d’une AGS JH 14 : « C’était la première monoplace de Sylvain Moyon, que j’ai gardé deux ans, et avec laquelle j’ai remporté ma classe sur la manche du Championnat de France d’Hébécrevon. C’est un souvenir d’autant plus marquant, que j’ai profité de l’occasion pour demander ma compagne Mathilde en mariage. »
L’AGS sera par la suite remplacée par une monoplace propulsée par un moteur de moto, mais qui ne correspondra pas aux attentes d’Anthony : « J’ai donc arrêté de courir, mais je devenais invivable, et Mathilde m’a poussé à trouver une nouvelle monture pour reprendre la compétition. » Le choix d’Anthony se portait sur une Merlin MP 94 disposant d’un moteur 1600 Honda : « Avec cette auto j’ai signé de nombreuses victoires de classe et quelques succès de groupe, en livrant notamment bataille à Patrick Ramus où à celle qui n’était pas encore Championne de France, Martine Hubert. »
En 2011, Anthony Gueudry faisait son retour en monoplace, cette fois au volant d’une F3, en ayant fait l’acquisition d’une Dallara 394 : « Un achat dû au hasard… J’étais à la Finale de la Coupe de France à Bournezeau où je faisais l’assistance de mon ami Sébastien Dupont qui m’avait sorti de la qualif pour un point. Pour me venger, j’ai décidé de lui être sur le dos tout le week-end en lui faisant l’assistance », plaisante Anthony. « Et à cette occasion, j’ai discuté avec le photographe Stéphane Yvray qui m’a demandé avec quoi je voulais rouler. En voyant passer Marcel Sapin, je lui ai dit que la F3 me plairait bien, et il m’a confié qu’il en connaissait une à vendre, celle de Gilbert Martin. Je l’ai contacté, et j’ai acheté cette voiture que j’ai conservé quatre ans. »
Au volant de cette Dallara, Anthony Gueudry signait plusieurs victoires scratch, s’imposant notamment à Etretat et à Orbec : « Avec la Dallara, j’ai commencé à faire quelques apparitions sur le Championnat, notamment au Mont-Dore, où en 2015, je termine à seulement trois dixièmes de Marcel Sapin, ce qui pour moi était un résultat inespéré. »
Le Championnat au volant d’une Martini MK 80
La Dallara laissera ensuite place à la Martini MK 80 avec laquelle Anthony évolue à présent, et avec laquelle il s’est engagé en 2018 sur le Championnat de France de la Montagne. Pour le pilote Normand l’objectif était avant tout de réaliser un rêve : « J’avoue que j’ai beaucoup de mal à aller chercher des partenaires, ce n’est pas dans ma nature, et il faut que je me force. Mais cette année, Claude Lallemode m’a donné un coup de pouce et m’a incité à foncer, et je me suis donc inscrit dans le cadre d’un Challenge Open. »
La seule prétention d’Anthony Gueudry était de prendre du plaisir en participant à un maximum d’épreuves : « Je n’ai pas le matériel pour prétendre jouer la gagne, je voulais donc avant tout retrouver l’ambiance si particulière et si conviviale qui règne sur le Championnat. »
Mais avant de s’attaquer au Championnat, Anthony Gueudry prenait part à la Course de Côte Régionale de Thèreval, organisée fin mars et sur laquelle il terminait quatrième des F3 : « A l’issue de l’hiver, je m’inscris généralement sur cette course qui permet de se remettre dans le bain et de retrouver les automatismes. » Ensuite, mi-avril, il sera au départ de Saint-Pierre-de-Varengeville où, quatrième au scratch, il terminait deuxième des F3 derrière Bertrand Lassalle : « Là encore content du résultat, même si la voiture est difficile à régler, notamment du côté des suspensions. Je suis un pur amateur, et si j’arrive à avoir d’assez bons ressentis au volant, j’ai toujours des difficultés à les retranscrire dans les réglages. »
Mais pour faire évoluer sa monoplace, Anthony peut compter sur le soutien de metteurs au point ultra-compétents : « Je dois beaucoup au Team Petit, car cette auto est l’ancienne de Sébastien, et que Gillou (Gilles Simon, ndr) répond systématiquement présent à la moindre de mes sollicitations. Où qu’il soit, il prend le temps de me prodiguer d’excellents conseils, ce qui m’a permis de régler au mieux ma voiture. »
Pour débuter sa saison dans le cadre du Championnat, Anthony Gueudry se présentait à Thèreval – Agneaux où il terminait sixième des F3 : « En 2017, je suis sorti à Saint Gouëno, et j’avoue que j’avais un peu de mal à me remettre dans le rythme et à retrouver la confiance. Mais j’ai pu livrer un super combat à Etienne Debarre, Clément Lebot, John Nicol, et j’ai pris un plaisir fou. Et puis on se doit de féliciter Sarah (Louvet) qui m’a littéralement bluffé. Je la savais rapide, je savais qu’elle serait une vraie rivale, mais je n’aurais pas cru qu’elle nous mette tous à l’heure en s’imposant. Vraiment félicitation à elle ! »
En bon pilote Normand, Anthony Gueudry poursuivait sa campagne de France sur les épreuves de l’Ouest en étant présent à La Pommeraye, où cette fois il plaçait sa Martini au cinquième rang des F3 : « Je réalise là un rêve de gosse en prenant part pour la première fois à La Pommeraye. J’ai pu m’y rendre avec mon épouse et Gabin, mon fils né il y a quelques mois. J’ai pu faire les reconnaissances avec Julien Français, bénéficier des conseils de Seb (Petit). On m’avait dit qu’il me serait difficile de passer sous la minute, j’y suis parvenu, ça restera une fabuleux souvenir. Je profite de l’occasion pour remercier les organisateurs pour cette magnifique manifestation. »
Invité à Osnabrück, Anthony Gueudry se rendait par la suite en Allemagne sur une épreuve qu’il qualifie de magique : « Mais je me suis un peu trop précipité, et mon manque de roulage et un excès de confiance m’ont fait partir à la faute. Les dégâts occasionnés m’empêchaient de poursuivre ma saison. »
Saison courte et intense
Si la saison d’Anthony Gueudry fut courte, elle n’en fut pas moins intense, et lui laissera de très bons souvenirs : « J’ai vécu une belle saison, ne serait-ce que par le fait que j’ai retrouvé la confiance et une super auto. J’ai pu livrer de belles bagarres, et surtout retrouver les copains et cette fabuleuse ambiance du championnat. »
Anthony Gueudry avait pour objectif de se faire plaisir et de partager de bons moments avec les copains, c’est chose faite. Aussi tient-il à remercier ceux qui lui ont permis de vivre cette aventure : « Un grand merci avant tout à mon ami François Lainé qui est présent à mes côtés depuis de nombreuses années, et c’est grâce à lui que j’ai pu en grande partie faire tout ça. Merci également à Sébastien Dupont avec qui nous nous donnons des coups de mains réciproques, Mathilde mon épouse qui m’a toujours motivé, mon fils Gabin, mes parents. Je n’oublie pas mes fidèles partenaires, l’Entreprise de chaufferie industrielle ECIP à La Rue-Saint-Pierre, Monsieur Benoit Bazille de BFS Conception qui vend des pièces de compétition et qui gère également l’entreprise Matec Sport, l’Entreprise de soudure Ludovic Diez, Sébastien Mabire de Poly Design Concept, et le Bistro le Valentino à Paris. »
« Merci une nouvelle fois à Claude Lallemode, à mon ASA, l’ASA Haute-Normandie et à Michel Bineau, à l’ensemble du Team Petit et à Julien Français qui est à mes côtés depuis qu’il est gamin. Pour conclure, je tenais à remercier les organisateurs pour leurs accueil et surtout les commissaires sans qui rien n’est possible, ainsi que tous les photographes et vidéastes qui nous suivent en faisant énormément de route, souvent de manière bénévole. J’ai une pensée particulière pour notre Normand Stéphane Yvray, vidéaste, photographe amateur, mais avant tout passionné, qui donne tout son temps à immortaliser nos passages. Un grand merci à Christian Hanot qui roule sur Martini MK79 pour le prêt d’un triangle en fin d’année, ce qui m’a permis de participer au Slalom de Croix en Ternois afin de valider le remontage et réglages de l’auto. Merci de sa confiance et son geste. »
La Martini MK80 d’Anthony est toujours au garage, sous la bâche, et le Normand n’a pas encore eu le temps de travailler dessus : « J’ai connu une période un peu compliquée et je n’avais pas la tête à la course. Je recommence à m’y intéresser, mais je pense que si je cours en 2019, ce sera pour une saison de transition, en espérant revenir plus fort par la suite. La flamme est toujours là, et c’est l’essentiel. »
Propos recueillis par Bruno Valette ©
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