Les sentiments des Présidents de Collèges

Souvent perçus comme un aréopage de juges ayant comme principale fonction de sanctionner, les membres des Collèges des Commissaires ont avant tout comme mission d’entériner les classements et d’étudier les faits de course qui pourraient donner lieu à réclamation. Et si les décisions doivent être le fruit d’un travail collégial, le Président du Collège se présente comme le chef d’orchestre qui imprime le rythme aux débats et évite les couacs…

Ils sont plusieurs à officier sur les épreuves du Championnat de France de la Montagne. Parmi eux, trois hommes d’expérience qui disposent d’une parfaite connaissance des rouages de la compétition automobile. Jean-Christophe Leroy, Jean-Jacques Marcellin et Louis-Jean Villard ont en effet eu l’occasion d’occuper diverses fonctions dans l’organigramme de nombreuses épreuves, ce qui leur confère la légitimité et la confiance requise auprès des acteurs de la discipline, pour exercer ce que l’on peut considérer comme un apostolat.

Des passionnés avant tout !
Natif de Gap, Jean-Jacques Marcellin a découvert dès sa prime enfance des épreuves prestigieuses telles que le Rallye de Monte-Carlo où la Course de Côte du Col Bayard. Adolescent, Jean-Jacques n’avait qu’à traverser la rue pour assouvir sa passion, puisque se situait en face de chez lui le Garage de Christian Dorche, rallyman émérite. A la même époque, Jean-Jacques trouvait un job d’été chez un grossiste alimentaire, Jean Clément, figure notable de la Course de Côte, qui sera Vice-champion de France de la Montagne en 1967 : « Après avoir passé mes journées à aider un chauffeur-livreur, je terminais dans le garage, aux côtés d’un mécano qui préparait la Porsche Carrera 6 et par la suite le Bergspider. De quoi rêver », se souvient Jean-Jacques Marcellin.

Il faut garder à l’esprit que dans les années 60, la Course de Côte du Col Bayard, manche du Championnat de France de la Montagne, jouissait d’une réputation qui avait largement dépassé les frontières hexagonales : « Tout comme lors du Monte-Carlo, pour Gap c’était une énorme fête. Les concurrents arrivaient dans la semaine qui précédait, effectuaient des essais sur routes ouvertes, ça n’avait rien à voir avec ce que l’on connait aujourd’hui », poursuit Jean-Jacques.

Dans les années 20, Georges Allegier avait parmi ses multiples activités, celle de carrossier. Le grand-père maternel de Jean-Christophe Leroy, puisque c’est de lui dont il s’agit, faisait l’acquisition de châssis en région parisienne pour les transformer dans ses ateliers en Avignon. « Il ne faisait pas que préparer, il a participé à plusieurs épreuves locales, dont notamment le mythique Ventoux », précise Jean-Christophe pour qui l’automobile fait figure de tradition familiale. Plus qu’une tradition, un virus, que ne manquait pas d’attraper la maman de Jean-Christophe, qui prendra part elle-même à plusieurs rallyes entre la fin des années 40 et le début des années 50. « J’ai une hérédité plutôt chargée », plaisante l’avocat vauclusien. « J’ai d’ailleurs assisté à ma toute première course au Mont Ventoux alors que je n’avais que 4 ans. Je ne pouvais qu’avoir la passion de l’automobile. »

Plus tard, c’est par l’intermédiaire de Jack Kiène, organisateur du Ventoux dans les années 80, 90, que Jean-Christophe Leroy s’impliquera dans le sport auto en assurant le transport des journalistes qui souhaitaient se rendre sur l’épreuve par les chemins de traverses.

Le sport a toujours eu une place prépondérante au sein de la famille de Louis-Jean Villard. Car si André, son père, s’impliquait dans la vie d’une équipe de Basket-Ball, il attachait une attention particulières au bolides qui animaient le Rallye Lyon-Charbonnières et qui, en ce milieu des années 60, passaient sous ses fenêtres. Agé d’une dizaine d’année, Louis-Jean suivait d’un œil admiratif l’évolution de ces voitures de prestiges menaient par des pilotes de renom.

Plus tard, c’est du côté de Saint-Bonnet-le-Froid que Louis-Jean et son papa assistaient en spectateur au légendaire Rallye de Monte-Carlo : « J’ai également eu l’opportunité d’aller sur le circuit de Charade où se déroulait alors le Grand Prix de France », se souvient Louis-Jean qui ne manquait pas de suivre l’actualité des sports mécaniques par le biais des revues spécialisées.

En 1975, alors tout jeune secrétaire général de Mairie à Chateauneuf, dans la Loire, Louis-Jean Villard était sollicité par des passionnés de sport auto qui avaient comme projet de créer une course de côte dont le départ serait donné devant la Mairie : « Ils pensaient qu’ils allaient certainement m’embêter avec leur demande, et je leur ai fait savoir que loin de me gêner, cela allait me donner la possibilité de collaborer avec eux. Nous avons monté le dossier, et par la suite ils m’ont convaincu de passer mon diplôme de commissaire, ce que j’ai fait. » Également impliquée dans l’organisation de la course, Geneviève, son épouse, suivait le pas et décrochait, elle aussi, son diplôme.

Officiels multidisciplinaires aux fonctions diverses
Le virus de la course est transmissible, André Villard sera à son tour touché et deviendra commissaire chef de poste et chronométreur : « Il sera même président de l’ASA Forez par la suite », se souvient Louis-Jean. La passion est également génétique, et les deux filles de Geneviève et Louis-Jean seront à leur tour licenciées de la FFSA, avant que leur vie de famille les éloigne du sport auto.

Au fil des ans, Louis-Jean Villard allait occuper divers postes d’officiels ; de Directeur de Course en rallye, délégué à une des voitures ouvreuses, en passant par Chargé des Relations avec les Concurrents : « J’ai dû limiter mes implications en tant que Directeur de Course. J’ai en effet travaillé au sein de différentes Mairies, et si certains Maires acceptaient de me voir assouvir ma passion pour le sport auto, d’autres étaient plus réticents, car conscients que la charge de Directeurs de Course peut engendrer des poursuites pénales en cas de problème, ce qu’ils ne voyaient pas d’un très bon œil. » Mais Louis-Jean ne s’est pas contenté d’officier, il a eu l’occasion d’enfiler la combinaison pour naviguer son fils Adrien sur deux rallyes régionaux, qu'il a disputés en tant que pilote...

A l’issue de ses études en faculté, Jean-Jacques Marcellin se rapprochait de l’ASA des Alpes, et rapidement il sera propulsé à la tête de cette entité qui organisait alors plus de 20 épreuves durant l’année : « Nous avions un calendrier composé de courses de côte régionales, de rallyes sur terre, de meetings sur le circuit glace de Serre-Chevalier, de manches d’Autocross… De quoi s’occuper. » Rapidement, à la demande du Président de la Ligue Provence – Alpes – Corse, Jean-Jacques se voyait confier le poste de trésorier de la Ligue : « S’enchaineront par la suite trois mandats de secrétaire général, ce qui m’a permis de rencontrer Jean-Claude Biagioni, c’est lui qui m’a ouvert les portes du Championnat de France de la Montagne. » Initialement membre de différents collèges, Jean-Jacques, appuyé par Jean-Claude Biagioni, officiera rapidement en qualité de Directeur de Course, « ce qui m’a permis de diriger la plupart des manches de notre Championnat, à l’exception des épreuves de l’Ouest. »

A l’approche des années 90, la célèbre Course de Côte du Col Bayard ayant disparu, l’ASA des Alpes, qui organisait plusieurs épreuves régionales, souhaitait ardemment créer une manifestation de renom, ce sera la Course de Côte d’Embrun – Les Orres qui fera les beaux jours du Championnat durant cinq ou six ans.

Président de l’ASA des Alpes de 1980 à 1992, Jean-Jacques Marcellin - Vice-président depuis 2013 - sera également Secrétaire Général de la Ligue Provence Alpes Corse de 1984 à 1996 et Président de la Commission des Épreuves Régionales à la FFSA de 1988 à 1996 : « Jean-Marie Ballestre m’avait confié à l’époque une commission des plus importante puisqu’elle regroupait les épreuves régionales, toutes disciplines confondues. D’ailleurs le Président de la FFSA me charriait souvent en me disant que j’avais été nommé président de commission beaucoup trop tôt. J’ai appris par la suite, grâce à Francis Murac, alors directeur de la FFSA, que j’étais, à 36 ans, le plus jeune président de commission. » Plus tard, sous la présidence de Jacques Régis, Jean-Jacques Marcellin sera à l’origine de la disparition de la Commission des épreuves régionales, qui donnera naissance à la création de diverses commissions, chacune attachée à une discipline propre.
 
Mais Jean-Jacques Marcellin n’allait pas se cantonner à des missions nationales, et entre 1988 et 1995 il sera    observateur FIA sur bon nombre de rallyes. Par la suite, on le retrouvait en qualité d’observateur du Championnat de France de la Montagne, représentant de la FFSA à la CDSR 05. « Dans les années 2000, ma connaissance des épreuves glace m’a permis de diriger le Trophée Andros durant cinq ans, tout en continuant à diriger les épreuves du Championnat de France de la Montagne. » Mais en 2007, à Turckheim, victime d’un infarctus, Jean-Jacques devait prendre du repos et mettre le sport auto entre parenthèses. Mais il conservait l’amitié de nombreux organisateurs qui par la suite feront appel à lui, notamment pour présider leurs collèges. Sa passion Jean-Jacques Marcellin continue à la transmettre par le biais D!ci TV et D!ci radio, médias sur lesquels il intervient en qualité de consultant.

Si initialement Jean-Christophe Leroy avait comme unique fonction que de transporter les journalistes sur la Course de Côte du Mont Ventoux, il allait rapidement assouvir son appétence pour les sports mécaniques en intégrant l’équipe d’organisation : « Après avoir obtenu ma licence de commissaire, j’ai passé l’examen de commissaire sportif. Et si le Ventoux est pour moi la genèse de l’aventure dans le sport auto, j’ai par la suite occupé diverses fonctions sur de nombreuses épreuves. »

Rallyes, Montagne, circuits, Jean-Christophe Leroy a officié dans toutes les disciplines, essentiellement en France mais également à l’International : « Au mois d’octobre dernier j’ai passé dix jours à Abu Dhabi sur une épreuve d’Eurocup Formula Renault. Cette saison 2020, j’avais été désigné par la FFSA en qualité de Commissaire Sportif sur les épreuves du GT4, mais malheureusement, la crise liée au Covid-19 est à l’origine de nombreuses annulations. Mais ma discipline de prédilection reste la montagne, même si j’officie tout autant sur des rallyes, et souvent sur la route en qualité d’ouvreur », confie celui qui a obtenu son diplôme de Directeur de Course en décembre dernier et qui a eu dans sa longue carrière l’occasion d’assumer de nombreuses responsabilité fédérales. On a pu le retrouver en tant que membre des commissions CFM et Coupe de France de la Montagne, Président du Tribunal d'appel Nation (TAN) et du tribunal d'appel disciplinaire (TAD) ) ainsi que juge à la cour d'appel internationale (CAI) de la FIA. Des fonctions et une passion que l’avocat vauclusien a longtemps partagé avec son épouse, Jaquotte, qui a officié de nombreuses années sur diverses courses de côte et rallyes comme médecin licencié. Avant d’être la maman de deux garçons, Marie-Pierre, sa fille, disposait d’une licence de commissaire et à souvent œuvré comme secrétaire de collège ou de Direction de Course.

Des approches différentes, mais des similitudes
Hommes d’expérience, nos trois présidents de Collèges ont eu durant leurs longues carrières l’occasion d’officier à maintes reprises à divers postes. Directeurs de Courses, Chargés de Relations avec les Concurrents, Observateurs pour le compte de la FFSA, ils connaissent à la perfection règlements et modalités de déroulement des épreuves.

Chaque poste à ses attraits et ses inconvénients, et bien évidemment, chacun a ses préférences. Jean-Christophe Leroy avoue son affection pour les relations avec les concurrents : « Chaque fonctions à ses charmes, mais je suis avant tout quelqu’un de contact et j’apprécie d’être ’’CRAC’’, ce qui permet de faire l’interface entre la Direction de Course, les pilotes et éventuellement le Collège. Mais je ne cache pas que la présidence d’un Collège n’est pas dénuée d’intérêt. »

Le souhait de Louis-Jean Villard est de se rendre utile au sein d’une organisation. Peu lui importe le poste d’officiel dont il a la charge : « J’essaie de me rendre disponible, pour le reste, j’apprécie tout autant les différentes fonctions que l’on peut exercer. Ma principale préoccupation c’est d’offrir le plus de fluidité aux concurrents afin qu’ils réalisent leurs courses dans les meilleures conditions. Pour cela je me dois me mettre mes compétences à leur service. »

Comme ses homologues, Jean-Jacques Marcellin a eu l’occasion d’officier à de multiples postes, et s’il reconnait qu’en tant qu’épreuve il a une préférence pour Turckheim qu’il a dirigé à de nombreuses reprises, pour ce qui est de sa fonction de prédilection il est très attaché à la direction de course : « En termes d’investissements personnels c’est très prenant et passionnant, même si je paie cher le fait de m’être peut-être trop donné. Mais je n’ai absolument aucun regret. Je garde toutefois à l’esprit que toutes les fonctions sont aussi nécessaires qu’importantes. Aujourd’hui, même si l’implication est moindre, je prends tout autant de plaisir en tant que Président de Collège où qu’observateur. »

En symbiose avec la Direction de Course
Pour Jean-Jacques Marcellin, la Présidence d’un Collège ne nécessite pas la même réactivité que la Direction de Course où l’on doit répondre dans l’urgence : « De ce fait, j’apprécie de pouvoir échanger et trancher avec une certaine sérénité, sans emballement. Mais mon souci premier c’est qu’il règne au sein du Collège une réelle convivialité, que l’on puisse travailler dans une parfaite entente, tant avec l’organisateur qu’avec la Direction de Course. J’essaie donc d’être le plus cordial possible, en essayant de donner à chacun des membres du Collège le droit au chapitre, pour que les décisions soient réellement collégiales. Après, il faut savoir pleinement assumer ses responsabilités et ses décisions, sans rester campé sur des positions, en n’oubliant pas que nous ne sommes pas dans une ’’Tour d’Ivoire’’ et que nous devons avant tout faire courir les concurrents. Mais ’’Dura lex, sed lex’’ (la loi est dure, mais c’est la loi) et il faut la faire appliquer. »

Ce n’est que quelques semaines après avoir obtenu sa licence de commissaire sportif que pour la première fois, Jean-Christophe Leroy officiait en qualité de Président de Collège sur une Course de Côte Régionale : « Je n’avais jamais été membre d’un Collège et Jean Bergerand m’a nommé à la présidence, c’est particulier comme baptême mais pas déplaisant », confie celui qui estime que ce rôle ne peut être pleinement assumé que grâce à une parfaite osmose avec l’organisateur et la direction de course : « S’il ne règne pas une parfaite entente avec le directeur de course, je suis toujours sur la réserve car je sais que ça peut être la source de problèmes. Il faut vraiment une symbiose entre les différentes parties, dans mon esprit c’est un être bicéphale qui veille au bon déroulement de l’épreuve. »

Symbiose, mais également confiance qui, pour Jean-Christophe Leroy, doit être le maître mot dans les échanges avec l’organisateur : « J’ai eu l’occasion par le passé de me retrouver sur des épreuves que je découvrais. J’ai vécu des week-ends difficiles car rien n’avait été mis en place pour que tout se déroule dans les meilleures conditions. Dans ces cas-là, présider un Collège est un calvaire et on ne se languis que d’une chose c’est que ça se termine. »

La rigueur est donc de mise selon Jean-Christophe Leroy qui a une vision assez précise des prérogatives de chacun : « Pour schématiser, selon moi, le Directeur de Course se présente en gendarme et le Collège en juge », estime le pénaliste de formation. « Il faut de la rigueur tant dans la tenue de l’épreuve que dans l’application du règlement, et je le dis toujours, il faut être sérieux sans se prendre au sérieux. » Comme ses collègues, Jean-Christophe estime que l’écoute est essentielle et partage avec Jean-Jacques Marcellin l’analyse qu’un Collège n’est pas dans une ’’Tour d’Ivoire’’ : « Je ne refuserai jamais de recevoir un pilote, de prendre en compte ses arguments, à la seule condition qu’il respecte l’organigramme en passant par la Direction de Course où par le biais d’un Relation Concurrent. Mais je ne concevrais pas que nous restions dans une bulle, à l’écart de ce que l’on pourrait considérer comme des ’’pollutions’’ intellectuelles, voire des conflits d’intérêts dus à des amitiés. Je suis et resterai un homme de terrain et de dialogue. »

L’idée de consensus est largement partagée par nos trois présidents de Collège, et Louis-Jean Villard met cet attrait en avant : « C’est une de mes priorités, de parvenir à ce que les décisions soient collégiales et que règne une parfaite entente au sein du Collège. Après, soyons honnêtes, 95 % des décisions prises le sont à l’unanimité, mais pour les 5 % restant il faut pour moi que se dégage un consensus, que je ne ressente pas de frustration de la part de l’un des collégiens. »

Pour Louis-Jean, la communication avec la Direction de Course est capitale : « Au moindre souci, je tiens à discuter avec le Directeur de Course, ne serait-ce que pour couper court à toute interprétation hasardeuse, et pour que nous ayons une vision identique des incidents qui peuvent survenir. J’ai pour habitude de travailler avec Franck (Mader) et avec Marc (Habouzit), et entre nous il n’y a jamais de zones d’ombres, nous essayons systématiquement de trouver réglementairement la possibilité de parvenir au meilleur compromis. Et puis il faut savoir anticiper, ne pas attendre tranquillement au Collège que l’on nous apporte les classements, mais aller chercher l’info pour valider le plus rapidement possible et ne pas submerger en fin d’épreuve un Directeur de Course constamment sollicité. »

Dans l’esprit de Louis-Jean Villard, un collège ne doit pas penser perso mais collectif : « Dans toute prise de décision, il faut à mon sens que l’on réfléchisse aux répercussions que cela peut avoir sur le Directeur de Course et sur l’organisation. Même si parfois il faut trancher, on doit toujours tenter de ne pas mettre le directeur de course et l’organisateur en porte-à-faux. Après, chacun doit bien évidemment rester dans son rôle. »

Savoir rester dans son rôle !
Pour des passionnés, officier sur une épreuve du Championnat de France de la Montagne offre de belles satisfactions, notamment celle de se retrouver entre amis et de partager des moments de convivialité. Mais les difficultés peuvent également être au rendez-vous, et dans ce cas, hors de question de se dédouaner. Au même titre qu’un Directeur de Course, un Président de Collège doit assumer.

Durant ces dernières décennies, Jean-Christophe Leroy a eu l’occasion de présider de nombreuses épreuves inscrites au calendrier du Championnat de France de la Montagne : « Saint Gouëno et Chamrousse me sont fidèles, et j’ai officié également à Hébécrevon, La Pommeraye, à Marchampt, sur deux Finales de la Coupe et je connais l’ensemble des épreuves du Championnat. Cela permet de faire des comparaisons et de bien cerner les difficultés que l’on peut rencontrer. Les organisateurs nous confient les clés de leurs épreuves dès les vérifications. A nous de mettre tout en œuvre pour être à la hauteur de leur confiance en évitant les écueils. »

Si la rigueur est de mise, Jean-Christophe Leroy reconnait qu’il faut savoir parfois faire preuve d’une certaine souplesse : « Rigueur ne veut pas dire rigorisme… Face aux conditions météorologiques, à des faits de courses difficilement prévisibles, il faut savoir faire preuve de bons sens et ne pas brandir le règlement de manière ostentatoire. Face aux événements, il faut être attentifs, disponibles et savoir réagir. »

Mais Jean-Christophe reconnait que dans une très large majorité des cas, les manches du Championnat n’offrent que rarement des difficultés : « Il ne faut pas se leurrer, très souvent nous entérinons les classements et n’avons pas de réel problème à gérer. Tant mieux, cela démontre que tout se passe bien. Pour ma part, j’ai eu la chance d’officier sur des épreuves où la Direction était confiée à Jean-Paul Cocquelet, et même si nous avions parfois des visions différentes, l’entente était parfaite et les problèmes rapidement réglés. »

La communication entre les différentes parties est essentielle, « tout autant que l’indépendance », précise Jean-Christophe. « A chacun ses prérogatives, s’il est primordial de s’informer mutuellement, il faut savoir rester dans son pré carré. L’indépendance est nécessaire afin de faire abstraction des contraintes que peuvent rencontrer directeur de course et organisateurs, si celle-ci vont à l’encontre de la règlementation. »

La sanction est pour Louis-Jean Villard le dernier recours : « Il faut impérativement faire respecter la règle, tout en gardant à l’esprit que la majorité des problèmes, notamment de non-conformité viennent plus de la méconnaissance des règlements que de la tentative avérée de tricher. Il faut toujours tenter de trouver une solution, mais le concurrent à qui il manque, en exagérant, 200 kilos, tu ne peux pas faire grand-chose de plus que de lui signifier son exclusion. Mais si un concurrent à qui il manque 3 kilos occupe la dernier place de son groupe et de sa classe, tu vas lui demander de rectifier avant de procéder à une nouvelle pesée. »

Mais pour Louis-Jean Villard, la principale difficulté ne vient pas des pilotes eux-mêmes, mais souvent de leur entourage qui tente d’interférer alors qu’une décision importante doit être prise : « Certains appellent ou font téléphoner des relations auprès de membres du Collège, ce qui peut faire perdre en sérénité. Dans ces cas-là, je demande aux membres du Collège que nous nous réunissions, que nous ne répondions plus aux appels et que nous prenions une décision irrévocable. Il est intolérable que l’on puisse subir des pressions. » Pour éviter toute influence extérieure, Louis-Jean considère qu’il faut savoir garder une certaine distance : « J’entretiens d’excellentes relations avec les pilotes, et si nos rapports sont très courtois, ils ne vont pas plus loin. J’évite la franche camaraderie qui à un moment peut influer sur une décision. »

Même si le règlement doit être appliqué à la lettre, Jean-Jacques Marcellin tient à ce que chacune des décisions prises par le Collège qu’il préside soit argumentée : « Il n’est jamais facile d’annoncer une sanction à un concurrent. Mais on se doit non pas de se justifier, mais d’expliquer, d’être pédagogue pour que la sanction soit le mieux acceptée possible. Je serai très mal à l’aise d’asséner une sanction en disant, ’’circulez y’a rien à voir !’’ »

Une accumulation de souvenirs !
De leur implication sur une multitude de manifestations sportives durant ces dernières décennies, nos Présidents de Collège ont accumulé souvenirs et anecdotes. Surprenants, émouvants, parfois tragiques, ces souvenirs sont à jamais gravés dans leur esprit.

Pour Louis-Jean-Villard, à la réflexion, c’est un fait peu connu et peu commun qui lui revient en mémoire : « En 2009, Lionel (Régal) avait convié un pilote italien, Nino Ghidini, à disputer l’épreuve de Limonest. Ce dernier disposait d’une monoplace engagée en E1, le classe 1300 de ce groupe. Mais quand nous avons vu arriver la voiture, elle ressemblait plus à un Supercar qu’à une monoplace traditionnelle » se souvient Louis-Jean. « Les chronos allaient être à l’instar du véhicule, nettement plus rapides que ceux signés par ses adversaires. Lors des essais il les avait tout simplement ’’atomisé’’. Les commissaires techniques se sont interrogés et ont pesé la voiture qui affichait 150 ou 180 kilos de moins que ce qui était stipulé dans la réglementation. Mais Nino était de bonne foi, la réglementation européenne lui autorisant à rouler dans cette configuration, et il n’avait pas pensé que les règles en vigueur en France étaient différentes. Nous avons donc convoqué Nino Ghidini au Collège, mais il ne parlait pas un mot de Français. Par chance, Loriano (Tosi) était présent et a pu assurer la traduction. Nous lui avons donc demandé s’il pouvait se mettre en conformité, et j’ai vu qu’alors qu’il répondait, ’’Lori’’ affichait un large sourire. J’ai compris à la traduction puisque le pilote nous confiait que, même en ingurgitant toutes les pizza et les pates qu’il trouverait à Limonest, il ne parviendrait jamais à prendre 150 kilos. Et d’ajouter, dites-moi tout de suite si je suis hors course, car demain, chez moi c’est l’ouverture de la chasse, et je repartirai donc immédiatement pour ne pas la louper… Ce qu’il a fait ! »

En plus que quarante ans de sport automobile, Jean-Jacques Marcellin a été confronté à des situations cocasses, à des drames, à divers événements. Mais en sa qualité de Président de Collège il reconnait être bien plus épargné qu’un directeur de course, même si émotionnellement, la charge est aussi importante : « Parmi les faits marquants, j’ai le souvenir d’avoir dû contrôler, à Marchampt, les boîtiers électroniques des Formules Renault pour les envoyer chez Oreca pour analyse. Il a donc fallu gérer une procédure complexe, en étant très attentif depuis l’épreuve, jusqu’au retour en passant par le préparateur. Cela demande énormément de rigueur. J’ai d’ailleurs été formé par des gens qui m’ont toujours dit que plus on était rigoureux, moins on rencontrait de problèmes. » A l’issue des contrôles effectués sur les boîtiers des Formules Renault, le rapport d’observation avait laissé transparaitre que la procédure avait été exemplaire : « On ne court pas après les louanges, mais ça fait toujours plaisir lorsque nos actions sont reconnues », avoue Jean-Jacques.

Au plus loin qu’il puisse se souvenir, Jean-Christophe Leroy n’a pas d’anecdote qui l’ont marqué, tout au moins en sa qualité de Président de Collège : « Ce sont les Directeurs de Course qui sont en première ligne, les Collégiens ont plus de recul. Bien évidemment j’ai été témoin de drames, confronté à de graves accidents. Ca a toujours été ma hantise et j’avoue que lorsque la dernière voiture passe la ligne d’arrivée, je fais une prière d’action de grâce quand tout s’est bien passé. Après, je n’ai pas envie d’évoquer les drames, ils sont profondément ancrés en moi. Je ne les oublie pas, mais je ne les évoque pas. »

Confiants en l’avenir
La Course de Côte à de nombreux atouts, Jean-Jacques Marcellin, officiel multidisciplinaire est à même d’en juger. Il considère d’ailleurs que c’est la discipline idéale pour les amateurs car elle n’est ni dispendieuse ni chronophage : « Elle est nettement plus accessible que le rallye, et elle permet de découvrir des régions magnifiques. Du côté des plateaux, ces dernières années ont vu l’apparition de superbes voitures tant en Sport qu’en Production. Le spectacle est vraiment au rendez-vous et la côte a selon moi un bel avenir. »

Ses 25 ans d’expérience ont permis à Jean-Christophe Leroy de voir les mutations qui se sont opérées au sein de la discipline, « et j’estime qu’au cours de ces dernières années, elle a bien évolué. Le maintien d’un certain nombre de voiture dont l’homologation devenait caduque est une excellente chose. On conservera des groupes F et F2000 qui participent grandement au spectacle. L’ouverture sur la règlementation européenne apporte du sang neuf, ce qui là aussi est une excellente chose. Après, je suis conscient qu’avec les difficultés liées au Covid-19, l’avenir ne s’annonce pas radieux, mais la discipline dispose d’excellents atouts pour rebondir. Pour être honnête, je suis moins inquiet que je n’aie pu l’être il y a quelques années, car si nous avons perdu de petites épreuves, celles que l’on trouve aujourd’hui en Championnat comme en régional sont d’excellente qualité. »

Pour Louis-Jean Villard, la qualité des plateaux, notamment sur le Championnat de France de la Montagne, laisse apparaitre que la discipline se porte plutôt bien : « J’espère que le Championnat 2ème Division pourra prendre corps et je salue la décision de Jean-Marc (Roger) qui a inclus des manches du Championnat au calendrier de la 2ème division. Il manque aujourd’hui un échelon intermédiaire entre le Championnat et les épreuves régionales, et la 2ème Division peut permettre de combler ce vide… Pour le reste, je ne sais pas ce que l’adoption du Facteur de Performance édicté par la FIA peut apporter, j’attends de voir. Mais l’intégration des autos qui évoluaient précédemment dans des Coupes en circuit ont permis de disposer aujourd’hui de plateaux d’une belle qualité. »

Ne pas oublier ceux qui ont tendu la main
S’ils sont aujourd’hui des hommes d’expérience, nos Présidents de Collèges n’ont pas oublié qu’à leur début, des sommités du Sport Automobile leur ont tendu la main. A l’heure d’évoquer leur passion, ils tiennent à avoir un mot pour ceux qui furent leurs mentors ou des exemples à suivre.

Les plus anciens, fidèles au Mont Ventoux, ont connu Jack Kiène et pour Jean-Christophe Leroy il fut un véritable mentor : « Il m’a poussé à m’impliquer dans le sport automobile en me motivant pour que j’obtienne ma licence de Commissaire puis de Commissaire Sportif, ce que je n’avais à l’origine l’intention de faire. Il a eu pleinement raison d’insister, et je l’en remercie. Bien évidemment je n’oublie pas Jean-Paul Cocquelet qui a toujours été présent pour moi, n’a jamais été avare de conseil et m’a appris l’ensemble des tenants et des aboutissants d’une direction de course. J’ai tissé avec lui des liens d’amitiés et je n’oublie pas tout ce qu’il m’a apporté… Pour conclure, je tiens à remercier et à féliciter l’ensemble des organisateurs pour le travail qu’ils font. Du fond du cœur, j’ai une admiration pour l’abnégation dont ils font preuve. Organiser une épreuve aujourd’hui relève du sacerdoce, il ne faut jamais l’oublier. »

Les opportunités vous sont souvent offertes par vos ainés ou vos pairs, et à ce titre Louis-Jean Villard tient à remercier Serge Drouilleau, ancien Président de l’ASAC de l’Ain : « Il m’a fait confiance, m’a permis de Présider le Collège de la toute première Finale des Slaloms en 2006, et par la suite de plusieurs Finales en Course de Côte », évoque Louis-Jean. « Je tiens également à remercier l’ensemble des organisateurs qui me font confiance », ajoute celui qui en 2019 présidait les épreuves d’Abreschviller, Marchampt, Vuillafans et Limonest. « Et je n’oublie pas Geneviève, mon épouse avec qui je partage cette passion pour le sport automobile et qui est souvent à mes côtés en qualité de secrétaire du Collège. »

S’il tente aujourd’hui de transmettre sa passion au plus grand nombre, Jean-Jacques Marcellin n’oublie pas ceux qui lui ont ouvert les portes : « J’ai une pensée ému pour Jean-Claude Biagioni qui a été mon parrain dans mon parcours sportif. J’ai également beaucoup d’estime pour l’ensemble des organisateurs, des épreuves du Championnat où des courses régionales. Je sais l’investissement personnel que représente l’organisation d’une course, et j’ai un profond respect pour eux, qui de plus m’honorent de leur amitié » conclut-il.

 

Propos recueillis par Bruno Valette ©

 


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