L’issue de la saison 2021 avait vu le couronnement d’Aurore Dodille qui, au volant de sa Citroën C2, remportait un premier titre de Championne de France de la Montagne. Femme de défis, l’ambassadrice de la lutte contre la Fibromyalgie repartait sur le CFM en 2022 avec une nouvelle monture, une Supercopa MK2 au volant de laquelle elle n’a pas manqué de poursuivre sa progression.
Même si elle dispose aujourd’hui d’un titre majeur en ayant coiffé la couronne de Championne de France de la Montagne Production à l’issue de la saison 2021, Aurore Dodille ne bénéficie pas d’une énorme expérience. La Haute-Savoyarde a fait ses débuts derrière le volant en 2019, avec l’envie de découvrir le sport automobile et de mettre en avant l’association ’’Rouler pour lutter contre la Fibromyalgie’’, maladie dont elle est elle-même atteinte.
Après une première saison au volant d’une Renault Clio groupe A avec laquelle elle remportait six Coupes des Dames en 2019, Aurore sera absente des débats en 2020, année sérieusement perturbée par la crise sanitaire. Elle faisait son retour en 2021 en alignant une Citroën C2 en F2000. Les résultats seront alors au-delà de ses espérances, puisqu’à l’issue de sa campagne de France elle coiffait la couronne de Championne de France et offrait une visibilité importante à la lutte contre la Fibromyalgie.
Un nouveau défi en Supercopa
Avec ce titre en poche, Aurore Dodille aurait pu rester dans sa zone de confort et se relancer pour une nouvelle campagne en conservant la Citroën avec laquelle elle avait connu la consécration. Mais outre du courage et un réel sens de l’abnégation, Aurore a comme qualités d’être une combattante qui n’a pas pour habitude de se reposer sur ses lauriers. Elle décidait donc de se lancer un nouveau défi, et pas des moindres, rejoindre le groupe le plus étoffé du championnat, le groupe A. Un groupe au sein duquel on retrouve des habitués du top 10, qu’ils évoluent en Léon Supercopa ou en Peugeot 308.
« J’étais passée de la Clio à une C2 plus puissante, la logique des choses pour évoluer était d’opter pour une voiture encore plus performante, d’où le choix de la Supercopa », confie Aurore. « De plus, quand j’ai vu le nombre de féminines présentes en 2022, et les autos dont elles disposaient, je me suis dit que si je voulais parvenir à rivaliser à plus ou moins long terme, j’allais devoir aligner une auto plus affutée. » Un constat pertinent mais dans les faits le challenge présentait certaines difficultés. D’une part parce qu’avec une Seat Léon Supercopa MK2 Aurore Dodille devait défier les Supercopa MK3 plus performantes, et d’autre part parce qu’en évoluant dans un groupe qui comptait plus d’une vingtaine de concurrents engagés sur le championnat, marquer des gros points pouvait s’avérer compliqué : « J’étais consciente que je me tirais un peu une balle dans le pied, mais je misais avant tout sur l’avenir et le souhait de continuer à progresser. Il n’y a rien de mieux pour évoluer que de rivaliser avec les meilleurs pilotes, c’est une excellente émulation. »
A l’heure de choisir sa nouvelle monture Aurore Dodille aura à cœur de tenir compte d’un autre critère tout aussi important : « Mes problèmes de santé font qu’il est tout de même plus raisonnable de rouler avec une auto ’’confortable’’. La boîte séquentielle de la C2 nécessitait que je ’’tape’’ vraiment dedans, alors qu’avec les palettes de changement de vitesses de la Supercopa ça paraissait plus facile à maîtriser. »
C’est fin 2021 qu’Aurore Dodille récupérait sa nouvelle monture. Elle effectuait alors une séance de roulage aux côtés de Jérôme Janny, l’ancien propriétaire de la Supercopa, qui lui expliquait le maniement des palettes. Ensuite elle se rendait sur le circuit du Bourbonnais pour prendre en mains la véloce espagnole : « J’ai alors pu faire une demi-journée d’essais, ce qui n’est absolument pas suffisant quand tu découvres une voiture. Ce n’était pas évident parce que j’abordais une nouvelle manière de piloter. Le passage des vitesses avec les palettes change radicalement de ce que j’avais connu auparavant, d’autant qu’il y un temps de latence d’une demi-seconde lors de chaque changements de rapport, et que c’est un peu déstabilisant. L’accélération, la puissance de freinage, tout était différent de la C2 et je savais qu’il me faudrait un temps d’adaptation avant de bien cerner le maniement de la voiture. »
La présence de Sarah Bernard-Louvet sur le Championnat Production réduisait significativement les chances d’Aurore de conserver son titre : « Dans mon esprit, si Sarah menait à bien son programme, je ne voyais pas comment le titre pouvait lui échapper. Mais je misais avant tout sur l’avenir, et j’étais totalement consciente que cette année il était quasiment inenvisageable de conserver le titre », analyse Aurore. « Je savais également qu’il faudrait compter sur Morane (Cat-Mackowiak) compte tenu de ce qu’elle avait démontré lors de ses rares apparitions l’année précédente. Donc il était clair que le seul objectif était de progresser sans réellement tenir compte des points que je pouvais marquer. »
En constante progression durant la saison
La toute première course d’Aurore Dodille avec sa Supercopa aura lieu sur le court tracé d’Abreschviller que la Haute-Savoyarde abordait avec une certaine appréhension : « Difficile de ne pas être un peu stressée au moment de s’élancer avec cette nouvelle voiture. Mais j’ai essayé de ne pas me focaliser sur les chronos de mes adversaires et finalement, en étant libérée, tout s’est plutôt bien passé. Je me suis fait plaisir ce qui est tout de même l’essentiel », avoue Aurore.
Troisième féminine à Abreschviller, Aurore Dodille montera sur le podium du classement féminin sur chacune de ses participations durant la saison. Ce sera donc également le cas sur les Teurses de Thèreval – Agneaux : « Je découvrais ce tracé, pas évident avec la partie basse assez technique dans les rails et le haut très rapide. J’ai eu du mal à me sentir à mon aise sur ce tracé, avec en plus la météo qui n’a pas été clémente. Donc ce n'est pas le rendez-vous de la saison qui me laissera le meilleur souvenir. »
A La Pommeraye, Aurore retrouvait un de ses tracés favoris, et sur l’épreuve angevine elle allait connaitre un excellent week-end : « J’étais dans la même dynamique de découverte de la voiture et dans l’envie de parfaire les réglages en comprenant de mieux en mieux le comportement de l’auto. J’ai essayé de travailler notamment sur les freinages qui ne sont pas mon point fort. Mais dans l’ensemble tout c’est bien passé et je commençais à essayer de me rapprocher des autres et à retrouver l’objectif qui a toujours été le mien, celui d’être devant Elodie (Lafosse) », confie Aurore qui trouve une saine émulation en rivalisant avec son amie.
La dernière apparition d’Aurore Dodille à Saint Gouëno remontait à 2019, lorsqu’elle avait engagé sa Clio sur l’épreuve bretonne. Elle retrouvait donc l’épreuve organisée dans le Mené et sur laquelle elle allait signer son meilleur résultat de la saison en terminant au pied du podium de la classe A/5 : « C’est un tracé qui m’impressionne, sur lequel nous avions pas mal travaillé lors des recos. Mais j’ai eu mon premier excès d’optimisme de la saison en arrivant trop vite dans un virage. J’ai tapé le rail en sortie de courbe mais j’ai pu rejoindre l’arrivée. » Aurore Dodille pourra sans encombre se relancer pour la suite du week-end, mais elle avoue avoir été perturbée par les soucis qui ont touché l’équipe Max Motorsport au sein de laquelle elle évolue : « Sylvain (Dodille, son mari, Ndlr) est sorti également et a occasionné des dommages sur sa Norma, Jean-Michel Godet a également touché le rail, et cette succession de déconvenues m’a un peu perturbé », reconnait Aurore.
C’est sur la Course de Côte de Marchampt qu’Aurore Dodille poursuivait sa saison. Mais le week-end dans le Beaujolais sera très compliqué pour la Championne de France : « Au niveau santé, je n’étais pas vraiment au top », confie Aurore qui devait composer avec les douleurs dues à la Fibromyalgie. « Jusqu’à l’avant-veille je me suis dit que j’allais déclarer forfait, mais mon caractère de cochon a fait que je n’ai pas voulu lâcher l’affaire », admet-elle dans un large sourire. « Mais le physique n’a pas voulu suivre, lors des essais j’étais larguée et sur la deuxième montée de course j’ai bien failli sortir au ’’Portail’’. J’ai préféré alors renoncer à prendre part à la dernière montée parce que j’avais le sentiment que j’allais me mettre en danger. »
Mais à l’heure de se présenter à Chamrousse, Aurore affichait une meilleure forme et elle parviendra à terminer l’épreuve alpine à la deuxième place des féminines : « Là je me suis fait vraiment plaisir. On se retrouvait systématiquement avec Morane (Cat-Mackowiak) à l’issue de chaque montée, et on se motivait en se demandant l’une l’autre quel était notre chronos. C’était vraiment très sympa comme approche, d’autant que nous nous sommes donné des conseils, dans un pur esprit sportif, ce que j’affectionne particulièrement. »
C’est à Turckheim que prendra fin la saison d’Aurore Dodille. Un final malheureusement douloureux pour la championne qui partait à la faute : « Samedi, lors des essais, au départ j’ai eu une petite alerte avec une coupure électronique dont nous ne sommes pas parvenus à déterminer l’origine », explique Aurore. « Mais ce n’est pas la cause de mes déboires du dimanche. » Un dimanche qui se présentait bien puisqu’après avoir signé de bons chronos samedi sous la pluie, Aurore faisait jeu égal le lendemain avec Morane Cat-Mackowiak. « Et là je me suis prise au jeu et je me suis dit que je pouvais aller la chercher. Mais avec le retard pris, on ne savait pas si la troisième montée aurait lieu. Nous avons eu des informations contradictoires et finalement j’ai décidé de quitter la combinaison parce que dans mon esprit la course s’arrêtait là. »
Finalement le départ de la troisième montée sera donné et c’est dans la précipitation qu’Aurore remettait la combinaison et s’installait à nouveau derrière le volant de sa Supercopa : « Mais je n’étais plus dans la course, et j’ai voulu malgré tout attaquer, ce qu’il ne faut absolument pas faire. Finalement je me suis trompée sur un enchainement de virages que j’ai confondu avec un autre situé plus haut. Je suis arrivée beaucoup trop vite et j’ai compris que ça n’allait pas passer. Et là j’ai tapé violemment le rocher avant de partir en tonneau et de heurter un rail qui m’a remis sur la route. »
Quelques ecchymoses viendront rappeler à Aurore Dodille la violence du choc qui marquera plus intensément la Léon Supercopa : « J’ai tordu les palettes, le socle du siège et l’arceau était plié. Donc les dégâts sont plus que conséquents », évoque Aurore qui se console en se disant qu’elle se sort plutôt bien de cet accident.
Mieux préparer l’avenir !
Un accident qui n’empêche pas Aurore Dodille de tirer un bilan positif de cette campagne de France 2022 : « La saison se termine mal puisque je suis sortie de la route, mais ce que je veux retenir c’est que tout au long de l’année j’ai pris la mesure de la Supercopa, que j’ai progressé et que sur les dernières confrontations je réduis l’écart avec ceux qui me précèdent. C’est donc largement satisfaisant. »
Tant durant sa saison qu’après sa sortie de route, Aurore Dodille a bénéficié de multiples soutiens, et à l’heure de faire le bilan de cette année 2022, elle tient à remercier tous ceux qui étaient à ses côtés : « En premier lieu, je vais me permettre une petite parenthèse sur les très belles prestations de Sylvain (Dodille, son mari) qui a brillamment pris en main la Norma. Quelques erreurs aussi de son côté mais il n'y a que celui qui ne roule pas qui n'en fait pas. Bravo !!! Sylvain est évidemment le premier que je remercie : Coach, mécanicien, chauffeur, pilote, bref, malgré toutes ses casquettes, il s'est rendu disponible. Ensuite un grand merci au reste de l'équipe du team, Lucie, Rose, Max, Manon, Romain, Kevin, Damien, Jonathan, David. Ils ont tout donné cette saison, avec un enthousiasme sans faille. Je remercie infiniment mes partenaires 2022 qui nous ont suivi dans l'aventure : SVI 74 Groupe Huillier, ADDesign, Alexandre Trocellier Soudure Création, le Groupe Moulinvest, Best Drive, Hafa, Paul Pringy, Virollet Remorque, Quadro Angers. »
« Enfin je voudrais avoir un dernier petit mot pour toutes ces personnes qui se sont mobilisées après la sortie de Turckheim. J'ai été extrêmement touchée par tant de bienveillance et de générosité. Merci à Robert, Olivier, Audrey, Daniel, Sylvie, Maxime M, Annick, Jean Paul, Karine et Joël, Anthony, Romain, Gregory, Maxime S, Isabelle, Véronique et Édouard, Viviane, Marie, Nicolas V, Laurent, Jean-Jacques, Sarah, Nicolas T, Manu A, Ludo K, Mickael, Kevin, Marie Annick, Brandon et Maixan. Immense merci ! », ajoute Aurore.
La saison 2022 aura permis à Aurore Dodille de prendre conscience que le maniement d’une Supercopa nécessitait un long apprentissage : « C’est pour cela que nous allons à présent prendre le temps. Le temps de bien cerner le comportement de la voiture parce que quand tu sors d’une petite C2, le changement est radical et j’ai dû m’adapter à de nombreuses choses, notamment à une boite séquentielle qui n’est pas évidente à exploiter », reconnait Aurore qui ne sait pas encore vraiment de quoi sera faite la saison 2023. « Le programme dépendra en grande partie du budget dont nous disposerons, mais il est hors de question que je revive une saison durant laquelle il a fallu gérer énormément de stress dû au manque de pneus, de budget, d’une certaine impréparation de l’approche de ma voiture. Clairement, je ne veux plus repartir sur une course en ne maîtrisant pas tous les éléments et en sachant exactement ce que je peux faire avec la voiture. »
L’année 2023 sera donc consacrée avant tout à des Track Days afin de permettre à Aurore d’engranger un maximum de kilomètre : « Ça peut également être l’occasion de découvrir de beaux circuits, et pour le reste il n’est pas impossible que je sois au départ d’une ou deux épreuves du Championnat de France de la Montagne, et éventuellement une course en Europe. La priorité sera de ’’bouffer’’ des kilomètres pour revenir mieux armée en 2024 », confie Aurore qui restera fidèle à la Supercopa puisqu’elle va s’installer dans l’habitacle de la Seat avec laquelle évoluait jusqu’à présent Luc Ermann.
Mais la priorité des priorités d’Aurore Dodille est avant tout de véhiculer l’image de l’Association ’’Rouler pour lutter contre la Fibromyalgie’’, et en sa qualité d’ambassadrice de la cause, elle restera un porte-drapeau: « C’est important de faire passer le message que, malgré la maladie, on peut faire énormément de choses qui pourraient paraitre inabordables. C’est parfois dur, douloureux, mais je pense être une source de motivation pour certains malades. C’est d’ailleurs toujours un immense plaisir de voir sur les épreuves les gens qui viennent à ma rencontre pour me parler. Il y a toujours de beaux échanges qui en découlent et c’est une énorme satisfaction lorsque des gens me disent que je leur donne un peu d’espoir. C’est ma plus belle victoire ! »
En 2023 Aurore Dodille ne s’investira pas autant sur le Championnat de France de la Montagne, mais elle sortira une nouvelle fois de sa zone de confort pour affronter de nouveaux défis : « Je me suis mis à la randonnée, et j’ai découvert sur internet le Trek’in Gazelles, le seul Trek exclusivement féminin, qui se déroulera au Maroc au mois de novembre prochain. » Et bien évidemment Aurore a décidé d’être de la partie : « Cet événement est proposé par la structure qui organise le Rallye Aïcha des Gazelles, mais là, avec mes équipières, nous ne serons pas en auto, mais à pied. Et bien évidemment nous porterons les couleurs de la lutte contre la Fibromyalgie, et tous les fonds que nous pourrons récolter seront reversés à l’Association Fibromyalgie France qui aide et dirige les malades en errance », conclut Aurore que l’on espère retrouver au plus vite sur notre championnat.
Propos recueillis par Bruno Valette ©
Retrouvez toutes les infos, bilan et portrait de Aurore Dodille.